La conversion écologique est généralement perçue comme permettant une hausse sensible des emplois avec amélioration de la qualité du travail, notamment par la réduction de son intensité et des pollutions. Cette conversion implique une phase de transition dont les relations avec la mise en œuvre de la RTT sont examinées ici à partir de deux questions : quels effets sur l’emploi et sur le travail ? Quels sont les liens entre RTT et transition écologique ?
Quels effets sur l’emploi et sur le travail ?
Pour la France, les prévisions d’emploi sont, hormis un travail sur l’énergie, établies dans la perspective du Grenelle de l’environnement et de la croissance verte, donc en dehors d’une approche transition/conversion du système économique. Dans leur majorité les études concluent à une transformation des emplois plus qu’à une forte croissance sensible de leur nombre.
Pour la transition énergétique, les travaux de Philippe Quirion avec l’ADEME chiffrent ainsi l’impact sur l’emploi du scénario négawatt : d’ici 2030 et par rapport à un scénario tendanciel, important  transfert d’emplois entre les branches en hausse (+ 1 061 000 emplois directs) et les branches en baisse (- 958 000 emplois directs) pour un faible solde positif  de + 103 000 emplois directs ; le bilan global serait de + 632 000 emplois (dans une des variantes) provenant pour l’essentiel  des effets induits.
Globalement, peu de données semblent disponibles sur l’effet emploi de la conversion écologique ; cela malgré les nombreux changements dans la façon de produire (moins de capital et de consommations intermédiaires et plus d’emplois rémunérés par la hausse de valeur ajoutée) et dans le choix des productions et du modèle d’échange (moins de produits inutiles, moins de transformations industrielles, d’emballages, d’échanges internationaux, de transports …) On peut penser que le nombre total d’emplois nécessaires sera sans doute peu modifié mais avec des modifications importantes dans leur répartition avec changement radical dans la nature et dans la place du travail.
La transition écologique, par la modification des façons de produire et de consommer, devrait aussi conduire à un meilleur équilibre économique aux niveaux macro- et microéconomique. Mais la conception de l’évolution économique de la transition et de la conversion présente une difficulté très importante. Un important travail semble donc nécessaire pour décrire la future situation et le chemin pour y parvenir. Un tel travail paraît notamment nécessaire si l’on veut articuler transition et RTT, alors qu’il y a consensus pour constater que la conversion écologique n’est pas la solution au problème du chômage.
Transition écologique et RTT ; faut-il articuler les deux et si oui pourquoi et comment ?
A ce stade des réflexions, il paraît difficile d’aller au-delà de quelques questions… sans réponses.
Est-il possible actuellement de penser l’une sans l’autre ? Les deux sont indispensables et urgentes comme éléments clefs du changement d’économie et de société ; comme la RTT, la conversion écologique, en plus du sauvetage de la planète, contribue au « bien vivre » pour tous, à l’émancipation. Mener les deux à la fois pourrait être mobilisateur sur un plan politique et social alors qu’une transition, réductrice de coûts de production et des prix à la consommation pourrait faciliter le maintien du pouvoir d’achat.
Est-il possible de les mener simultanément dans les entreprises, c’est-à-dire de mener ensemble la réduction/réorganisation du travail  et modifications des process de production ? Cette simultanéité, facile dans les services, est-elle possible dans la production d’énergie, de la chimie … ?
Quel projet imaginer ? Le projet à construire pourrait prendre en compte le fait que la RTT demande à être conduite rapidement pour avoir un réel effet sur le chômage et que la transition écologique demande plus de temps. Dans une perspective de moyen terme, ce projet pourrait proposer la réalisation des deux transformations avec le déroulé suivant : réalisation massive de la RTT et lancement de la transition écologique puis réalisation de la transition écologique et poursuite de l’amélioration des conditions de travail, y compris par une RTT mieux adaptée aux diverses conditions.
Michel Buisson