Dans les modèles industriels que la France rêve encore d’exporter, aux côtés des TGV ou autres AIRBUS, il y a nos « belles centrales nucléaires », fleurons de notre « savoir-faire » industriel et technique. Le problème, semble-t-il, c’est qu’il n’y a bientôt plus que la droite, le gouvernement, EDF et AREVA pour le croire !
C’est après de longues négociations qu’en 2003, la Finlande choisit la technologie EPR pour la construction d’un troisième réacteur nucléaire sur le site d’Olkiluoto (qui en accueille déjà deux). Le contrat est signé entre un consortium mené par AREVA et l’électricien finlandais TVO.
D’un montant estimé à 3 milliards d’euros avec une mise en service en 2009, le projet va de dérapage en dérapage, de déconvenue en déconvenue. Pour ce qui est du coût l’estimation de départ a plus que doublé. Certains évoquent même la somme de 8,5 milliards. Si le montant des travaux explose, la date de mise en service est constamment repoussée, d’abord pour 2011, puis 2012, puis fin 2013, puis en 2014, puis au-delà.
Le 26 février dernier, AREVA affirme que les travaux de construction sont réalisés à 86 %, et que des tests d’étanchéité de l’enceinte de confinement du réacteur ont été réalisés avec succès. Puis, ce lundi 3 mars 2014, AREVA nous apprend qu’il ne souhaitait plus s’engager sur une date de mise en service de ce réacteur !
Ainsi donc, aucun chantier EPR n’est à ce jour terminé. Que ce soit en France ou en Finlande, ils rencontrent des difficultés, des obstacles, des malfaçons, des retards ou des « aléas techniques ». Le problème, c’est que bien souvent ces dysfonctionnements concernent des éléments centraux de la sûreté de ces centrales (cuve des réacteurs, dôme de protection, etc.)
D’aucuns parlent « d’impréparation », de laxisme dans la qualité du travail, l’organisation et le contrôle des activités sur le chantier, etc. Au final les associés (TVO, AREVA et SIEMENS) se rejettent la pierre et se poursuivent en justice devant le tribunal arbitral de la Chambre de commerce internationale à Paris !
L’État français détenant 87 % du capital d’AREVA on se doute bien qu’au final le « gouffre financier » sera finalement comblé par les contribuables…
Ce n’est pas la première fois qu’un projet nucléaire engloutit des sommes folles, sans qu’il ne soit jamais mis en fonction. Superphénix est bien entendu le plus bel exemple en la matière, mais pas le seul. Par ailleurs, les projets de prolongation des réacteurs (conçus initialement pour durer 30 ans) au-delà de 40 ans, risquent selon Greenpeace de coûter 4 fois plus cher que ce qu’annonce aujourd’hui EDF.
Alors que les inconditionnels de l’atome continuent à crier sur tous les toits leur foi en cette énergie bon marché et pleine d’avenir, il faut d’urgence leur acheter une calculette et les envoyer faire un tour sur le site de l’agence internationale à l’énergie. Ils apprendront que la part du nucléaire dans la production électrique mondiale se situe autour de 10 % (contre 17% en 2001), et environ 3 % de la consommation d’énergie consommée.
Les déconvenues de l’EPR sont le signe également du peu de confiance qu’on peut avoir dans les entreprises qui œuvrent à la construction des centrales, alors que la moitié des réacteurs français est menacée par des problèmes d’usure.
Bien sûr, en France, la puissance du lobby nucléaire et les divers programmes électronucléaires depuis les années 1970 empêchent une transition énergétique pour une sortie rapide du nucléaire à bas coût. Mais raison de plus pour prendre dès aujourd’hui les choix qui s’imposent : arrêt des projets en cours, fermeture des plus anciens réacteurs, décision immédiate de sortie du nucléaire, plan d’investissements pour la sobriété énergétique, le développement des énergies renouvelables, et la relocalisation des modes énergétiques.
René Durand, Vincent Gay