Pour Gilbert Achcar, le Hezbollah est tombé dans le piège tendu par Israël. Il s’est lancé dans une escalade militaire inégale avec comme objectif la conclusion d’un cessez-le-feu à Gaza. L’administration américaine qui soutient Israël et la retenue de l’Iran laisse désormais le Hezbollah exposé aux coups de l’armée israélienne.
L’erreur de calcul du Hezbollah
Par Gilbert Achcar1Professeur, SOAS, Université de Londres. Publié le 2 octobre 2024 par le Club de Médiapart.
La semaine dernière, nous nous demandions « si l’escalade soudaine de ce que nous avons appelé la “stratégie d’intimidation israélienne” prélude à une agression à grande échelle contre le Liban qui comprendrait des bombardements intensifs aveugles de toutes les zones où le Hezbollah est présent, y compris la banlieue sud densément peuplée de Beyrouth ». Cela nous amena à une autre question : le président américain Biden « fera-t-il suffisamment pression sur Netanyahu pour empêcher une guerre […] ou bien soutiendra-t-il une fois de plus l’entreprise criminelle de son ami, voire même en exprimant regret et rancœur afin d’esquiver le blâme de la manière hypocrite qui est habituellement la sienne et celle de son secrétaire d’État Blinken ? » (« Réflexions stratégiques sur l’escalade de l’intimidation israélienne au Liban », 24/9/2024).
La réponse à ces deux questions interdépendantes ne s’est pas fait attendre : le ministère israélien de l’Agression (faussement appelé ministère de la « Défense ») a annoncé mercredi dernier que son directeur général avait reçu un nouveau paquet d’aide d’une valeur de 8,7 milliards de dollars lors de sa visite au commandement militaire américain au Pentagone. Le ministère a commenté en disant que cela confirmait « le partenariat stratégique fort et durable entre Israël et les États-Unis et l’engagement à toute épreuve envers la sécurité d’Israël ». Deux jours plus tard, dans la nuit de vendredi, l’assaut en cours des forces armées sionistes contre le Hezbollah culminait avec l’assassinat du secrétaire général du parti, Hassan Nasrallah, et de plusieurs de ses dirigeants, achevant ce qui s’est avéré être une décapitation systématique du Hezbollah après avoir saboté son réseau de communication, en prélude à de nouvelles étapes sur la voie d’un assaut global sur les zones dominées par le parti, assaut qui a inclus jusqu’à présent des bombardements intensifs et concentrés et l’expansion progressive d’une invasion au sol qui, selon les sources israéliennes, devrait rester « limitée ».
Il devient clair ainsi que l’appel de l’administration américaine à un cessez-le-feu de trois semaines entre le Hezbollah et l’État sioniste, lancé sur incitation française et annoncé conjointement avec Paris, n’était nullement sincère, n’étant accompagné d’aucune pression américaine réelle. Il convient de noter à cet égard que le Washington Post a publié mercredi dernier une enquête montrant que les opinions au sujet du cessez-le-feu divergeaient au sein de l’administration Biden, certains de ses membres voyant dans l’escalade militaire israélienne « un moyen potentiellement efficace de dégrader le groupe militant libanais ». La réponse de l’administration à l’assassinat de Hassan Nasrallah, à commencer par Biden lui-même, a été d’applaudir l’opération et d’en faire l’éloge, la décrivant comme « une mesure de justice », et ce en qualifiant le Hezbollah et son secrétaire général de terroristes. Cette réaction a confirmé la complicité militaire et politique totale de Washington dans l’agression en cours contre le Liban, après sa complicité flagrante dans la guerre génocidaire en cours à Gaza.
L’hypocrisie de l’administration Biden a atteint avec cela un nouveau point bas, l’étiquetage du parti libanais comme organisation terroriste contrastant fortement avec les négociations qu’elle mène avec lui depuis plusieurs mois à la recherche de ce qu’elle a appelé une « solution diplomatique » au conflit entre lui et l’État sioniste. Comment Washington pouvait-il négocier avec une « organisation terroriste », par la médiation du président du Parlement libanais Nabih Berri, allié politique (mais pas militaire) du Hezbollah, et chercher un règlement diplomatique avec une telle organisation ? Cela sans parler du fait qu’il n’y a aucun type d’acte qui pourrait être qualifié de terroriste que l’État sioniste n’a pas commis avec une intensité et une brutalité meurtrière qui surpassent tout ce que Washington a décrit et continue de décrire comme terroriste (en ignorant ce qu’il a lui-même commis, bien entendu).
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Notes
- 1Professeur, SOAS, Université de Londres