Eugène Begoc interroge le positionnement des droites européennes et celui du « bloc des droites » en France. En effet, en Allemagne comme en France, des élections anticipées se profilent à l’horizon. Face aux extrêmes droites et au bloc des droites, il rappelle les enjeux pour le NFP.
Où vont les droites européennes ? Où en est le « bloc des droites » en France ?
Par Eugène Bégoc. Le 30 décembre 2024.
Ces deux questions nous préoccupent à ENSEMBLE!. En effet, Olaf Scholz a décidé la tenue d’élections anticipées pour février et plusieurs observateurs pronostiquent de nouvelles élections législatives en France fin septembre.
Les droites européennes
À l’échelle européenne, la doctrine néolibérale évolue vers un néoconservatisme qui n’aura bientôt plus rien à envier au Parti républicain d’outre-Atlantique. Le soutien au peuple ukrainien vacille. S’affirme au grand jour l’indifférence vis-à-vis de l’offensive de terreur de l’armée israélienne à l’échelle du « grand Israël ».
Quelles politiques de sécurité commune pourront demain construire les vingt-sept au sortir de cette complicité active avec le génocide en cours, la destruction des agences de l’ONU et des réseaux de solidarité et d’information ?
La droite européenne est sans boussole, sans orientation. Elle est, à l’image de notre droite hexagonale, de plus en plus happée par son néo-conservatisme catholique et un affairisme bien installé.
Le bloc des droites français
À l’Assemblée nationale, elle se fractionne durablement en quatre groupes : le rassemblement Ensemble pour la République (93 député·es) ; les Républicains (47) ; le Modem (36) ; Horizons (34). Le total n’atteint que 210 député·es. Certes, en cas d’impasse, ils peuvent compter sur les indépendant·es et non inscrit·es (33). Ils oscillent donc entre 36% et 42% des votes.
Faisant son affaire des dissensions flagrantes au sein de ce bloc des droites, Bayrou est devenu incontournable.
Première surprise : bien que les Républicains soient ancrés dans les régions et dans les départements comme aucune des autres composantes de droite, le deuxième gouvernement d’après dissolution les rabaisse de treize représentant·es à sept.
Quatre minsitres d’État
Une autre grande surprise – et une deuxième imprudence – est l’éviction de Didier Migaud. Ce dernier fut à la tête de la prestigieuse Cour des comptes. C’est Darmanin – apparatchik de l’UMP de Sarkozy et donc ministre d’État numéro 3 – qui arrive au ministère de la Justice.
Il est, par avance, méprisé par les plus hautes instances judiciaires du pays, à l’image de son mentor, premier ancien président à être condamné pénalement à de la privation de liberté de déplacement et de communication.
Bombant le torse, l’obligé de Sarkozy a donc annoncé, le 24 décembre, une nouvelle instruction ministérielle aux magistrats du parquet. Cette instruction relève de l’exception à l’État de droit et à la séparation du pouvoir judiciaire et du pouvoir gouvernemental selon les juridictions européennes.
L’obsession de Macron – « arrêtez de gêner le monde des affaires » – rejoint ici la volonté de revanche de son nouveau premier ministre, François Bayrou.
Le 5 février dernier, le parquet de Paris a obtenu la condamnation de l’un des coaccusés du président du Modem, trésorier de ce parti et ancien garde des Sceaux de Sarkozy : Michel Mercier. Les mêmes magistrats ont immédiatement interjeté appel contre la relaxe de l’actuel président du Modem. Tout comme le FN, les élu·es du Modem et leur parti sont mis en cause pour des détournements de fonds. Il s’agit de ceux alloués par le Parlement européen à ses membres pour leurs travaux d’avant et après les commissions et délibérations.
À nous – le NFP – de mettre en échec ce ministre d’État1 Ministre d’État (France) numéro trois, tout comme cet autre apparatchik, Valls – ministre d’État numéro deux – binôme du communicant Stéphane Fouks de Havas. C’est à cette agence que Rocard puis Jospin déléguèrent la communication de crise de Nouméa en 1988 et en 1998.
Valls avec Alain Bauer2Alain Bauer avait lancé – dès sa nomination comme ministre de l’Intérieur du gouvernement Hollande-Ayrault – l’offensive contre « les islamo-gauchistes » en défense de « LA laïcité ». Le voilà chargé avec le ministre d’État numéro quatre – Retailleau – de rallier le maximum de celles et ceux qui ont voté le 30 juin pour l’extrême-droite et la droite radicalisée. Et, bien sûr, de mettre au pas Kanaky et Martinique.
Dernière surprise et imprudence de taille : le transfert d’Eric Lombard. Celui-ci avait été discrétionnairement nommé directeur général de la Caisse des dépôts et consignations par Macron dès 2017. Il y a multiplié les restructurations à contre-sens des missions majeures de la CDC. Spécialement le financement du logement social et les prêts pour investissements des régions, départements et agglomérations. Gageons que sa désignation à la tête du ministère des Finances et de « la souveraineté industrielle » étouffera le scandale d’État d’une dette abyssale creusée par un quinquennat « disruptif ».
Les enjeux pour ce Gouvernement
C’est donc un gouvernement de mise au pas d’un gros tiers des député·es que Macron et Bayrou viennent d’introniser. L’allocution présidentielle du 5 décembre s’inscrit dans la campagne électorale permanente qu’a ouverte le duel Macron-Le Pen de 2017. Il y a deux options et seulement deux, ou la droite républicaine ou « le front anti-républicain ».
À chacun de nous de desserrer la mâchoire : Macron maintient le clan Le Pen au centre de la vie politico-médiatique en même temps qu’il pousse la droite radicalisée à activement mener campagne dans les 577 circonscriptions.
Faisons bloc dans chacune des 577 circonscriptions dès la rentrée des vacances d’hiver. En effet, le score de l’extrême-droite allemande, le 25 février, pèsera beaucoup sur le front syndical et associatif de toute l’Europe, comme il pèse déjà sur la politique intérieure française.
Témoigne de ce poids la feuille de route déroulée devant la presse par la ministre d’État numéro deux.
Élisabeth Borne se fixe pour priorité de relever les crédits et le rang international de la recherche opérationnelle française, des grandes écoles et des universités d’excellence. La défense de la laïcité est l’unique promesse faite au reste de l’enseignement supérieur, au collège et au lycée. La démographie et l’évolution des savoirs justifient pourtant d’y consacrer une plus grande part du budget national. Par exemple en abandonnant l’idée du deuxième porte-avions nucléaire.
Il n’est pas étonnant que Borne fasse le choix de la compétition internationale. C’est le mantra depuis toujours de Polytechnique, la plus puissante des écoles supérieures d’État – qui est aussi école militaire – où elle a été formée et formatée.
Ce qui surprend dans la mutation de la Première ministre aux vingt-trois 49.3 en vingt-mois, c’est sa reddition sans condition aux Valls, Retailleau et autres faux contempteurs du clan Le Pen.
Ignore-t-elle donc à ce point combien Valls et Hollande ont abîmé les cartes électorales départementales dès 2014 ? Ils ont ouvert ce faisant de vraies opportunités au Rassemblement national.
Pas de doute : 25% des inscrit·es ont voté le 30 juin pour un Rassemblement national en voie de notabilisation, 25% pour des droites se liant dans la même volonté de radicalisation.
Cependant, 25% du corps électoral a voté NFP et fait barrage aux clans Le Pen et Ciotti. Faire mieux est à notre portée.
Notes
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