La campagne électorale en cours au Brésil présente des rebondissements inattendus si l’on a encore en tête les sondages d’intentions de vote il y a un mois. Ils plaçaient Lula en tête, de loin, un néo-fasciste ultra néolibéral en deuxième position, et les autres bien loin derrière.
La scandaleuse arrestation arbitraire de Lula a constitué un nouveau coup des magistrats alliés avec des secteurs des forces armées et des élites, visant surtout à éviter que la population décide pour qui elle veut voter.
Dans une conjoncture électorale incertaine, menaçante et manipulée par le parquet, plane la menace que le néo-fasciste Bolsonaro soit présent au deuxième tour. C’est alors que le 30 août, un groupe de femmes a décidé d’ouvrir une page Facebook, appelant à signer une déclaration « Femmes contre Bolsonaro » pour que ce fasciste, bien coté par les sondages, ne puisse pas concourir au 2ème tour des présidentielles au Brésil. Ce groupe se définit « contre l’avancée et le renforcement du machisme, de la misogynie et d’autre types de préjugés, contre la censure, pour le droit à la terre, pour une politique respectueuse de l’environnement… » et se refuse à mettre à la tête du pays un type pareil. 10.000 demandes d’adhésion par minute ont rempli immédiatement d’espoir les Brésiliennes : on peut mettre un coup d’arrêt à la montée du candidat.
Des partisans du néo-fasciste alors ont essayé de pirater le groupe grâce à des hackers, ce qui a provoqué une indignation et une révolte encore plus importantes. L’impressionnante mobilisation des réseaux sociaux a abouti à des appels à des manifestations dans de nombreuses villes le 29 septembre. Depuis, les femmes réunies dans Facebook se sont transformées en « Femmes unies contre Bolsonaro ».
Cette révolte des femmes exprime leur réaction, face à ce candidat militaire de réserve à son septième mandat de député, aux thèses machistes, homophobes, racistes… Le taux de rejet de ce candidat est de 49 % parmi les femmes, de 55 % parmi les jeunes de 16 à 24 ans, de 49 % parmi les diplômés et de 46 % parmi les salariés à bas salaires.
Mais la dynamique des “Femmes unies contre Bolsonaro” sur Facebook a pris des proportions colossales. En quelques jours, plus de 2,3 millions de signatures ont été obtenues. S’en est suivie une convocation à une manifestation le samedi 29 septembre en très peu de temps, sous le mot d’ordre « PAS LUI !!!! », sans le nommer évidemment.
Le 13 septembre un autre groupe de femmes a envoyé à la presse une lettre qui résume bien la situation et les raisons de cette mobilisation : « Le traitement irrespectueux des femmes, des Noirs, des populations autochtones, des homosexuels, le culte de la violence, les agressions contre les opposants, la défense de la torture et les tortionnaires sont des manifestations qui doivent être combattues par ceux qui croient aux principes de civilisation une société démocratique et plurielle.
« Dans ce contexte, nous, femmes, victimes d’agressions et de dénigrement de la part de ce candidat, nous nous adressons au public pour exprimer notre rejet le plus véhémente des principes qu’il défend, appelant la population brésilienne à s’unir pour défendre la démocratie, contre le fascisme et la barbarie.… »
Au Brésil toutes les moyennes et grandes villes sont en train de préparer une immense mobilisation le 29 et actuellement, Berlin (Alemagne), La Haye (Hollande), Porto (Portugal), Sydney (Australie), sont aussi en train d’organiser des mobilisations le 29 en soutien aux femmes brésiliennes, en solidarité avec les luttes des travailleurEs, contre l’obscurantisme, le racisme, l’homophobie, le libéralisme….
Les femmes en France pourraient essayer de faire la même chose avec les Brésiliennes, des organisations féministes, associatives et politiques, pour marquer une date vitale.
Les immenses marches de femmes contre Trump aux États-Unis en 2017 et la lutte pour le droit à l’avortement qui a mobilisé des millions de femmes en Argentine ces derniers mois ont rempli d’un grand espoir et de motivation les femmes du Brésil et d’ailleurs, pour ne laisser personne parler à leur nom.
Tarzia Medeiros* et Bea Whitaker
* Tárzia Medeiros est militante feminista de la Marche Mondiale des femmes (MMF) du Brésil, Secretaire générale do PSOL.