Les déclarations de Lucie Castets affirmant vouloir taxer les Français de l’étranger remettent la situation des Français établis hors de France au centre de l’actualité. La CISE – association regroupant les Français de l’étranger de gauche, d’Europe Écologie Les Verts à la France Insoumise – réagit par la voix de son Président.

Les Français de l’étranger et le Nouveau Front Populaire

Par le Président de la Confédération Internationale Solidaire et Écologiste (CISE). Publié le 17 août 2024 sur le Club de Mediapart.

La recherche de financements par la première ministre putative remet les Français de l’étranger au centre de l’actualité. Les deux millions et demi de Français vivant hors de France sont si peu évoqués dans le débat politique que l’on peut se demander si cette fois encore les émigrés français ne seraient qu’une commode variable d’ajustement.

Le programme, tout le programme, rien que le programme

Dans une interview donnée au Journal du dimanche, le 28 juillet 2024, Lucie Castets la candidate proposée au poste de premier ministre par le Nouveau Front populaire (NFP) affirme vouloir taxer les Français de l’étranger en s’appuyant sur l’exemple des États-Unis qui soumet à l’impôt ses ressortissant·es hors des frontières nationales. En se fondant sur le principe de la nationalité (et non sur celui de la territorialité), les détenteurs d’un passeport américain doivent donc déclarer tous les ans leurs revenus à l’administration fiscale fédérale. L’objectif de Lucie Castet est de trouver de nouvelles sources fiscales pour financer le programme du NFP tout autant que de faire respecter le pacte de stabilité européen qui fixe les limites du déficit public à 3% du PIB.

Or, cette mesure de justice fiscale fait-elle partie du programme de la coalition de gauche aux dernières élections législatives ? La réponse est non, mais avec une nuance importante toutefois. La volonté de faire payer les Français hors de France ne fait pas consensus au sein de la gauche. Proposée par La France Insoumise (LFI) depuis les élections législatives de 2017, elle se heurte à la frange sociale-démocrate du NFP (le parti socialiste et ses structures dissidentes comme Place publique ou Génération·s). Comme il fallait un programme consensuel au sein de la gauche, elle n’a pas été reprise dans la plateforme du NFP. Karim Ben Cheïkh, seul élu (Génération-s) du NFP parmi les 11 députés des Français de l’étranger en juillet, s’est d’ailleurs empressé de reprendre l’argumentaire classique du PS contre cette mesure. Les Français de l’étranger ne sont pas des exilés fiscaux même si parmi eux, force est de constater qu’il y en a. Vu de France, par méconnaissance essentiellement, les Français n’ont pas de mal à adhérer à cette représentation des Français partis à l’étranger pour échapper au fisc en métropole.

Et c’est bien toute la complexité de cette population insaisissable de Français qui vivent hors des frontières nationales. Contrairement à ce que l’expatriation a pu générer pendant les Trente glorieuses, aujourd’hui, sa sociologie est plus complexe.

Les Français de l’étranger ne sont plus ceux d’antan

Pays d’immigration, la France n’a jamais été un pays d’émigration. Après la Deuxième Guerre mondiale, l’Institut national des études démographiques (INED) établit que 300 000 Français sont établis hors de l’empire, soit 1% de la population française. À la fin de la décolonisation, les entreprises françaises peinent à envoyer des cadres à l’étranger. C’est pour cette raison que les expatriés bénéficient d’avantages financiers importants. Ceux-ci limitent leur séjour à l’étranger et reviennent toujours sur le territoire métropolitain. Cette image de l’expatrié fortuné bénéficiant d’avantages salariaux et de conditions de vie exceptionnelles a duré jusqu’à nos jours, alors que la réalité a profondément changé. Simon Gildas et Jérémy Guedj ont bien expliqué que l’expatriation n’est plus une aventure, personnelle ou familiale. Partir à l’étranger pour valoriser ses diplômes et faire avancer sa carrière sont devenus « un projet relativement banal ».

La recherche encore en cours sur les Français hors de France montre les contrastes entre des Français en situation de grande précarité et des expatriés fiscaux. Entre les deux, tous les cas de figure sont possibles avec des nuances géographiques. Si les Français dans les pays développés, dans l’Union européenne, en Grande-Bretagne, en Suisse ou aux États-Unis vivent dans des conditions matérielles proches de la France, les résidents des pays développés, en Afrique ou en Asie sont eux matériellement beaucoup plus vulnérables. À ces nuances géographiques s’ajoutent encore des catégories comme celles des binationaux (40% des Français vivant hors-de-France), des retraités ou encore des enseignants des écoles françaises à l’étranger non titulaires de l’Éducation nationale.

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