La question des modes de décision et du consensus

Ensemble ! revendique l’autogestion et doit continuer à rechercher le consensus, essayer d’en dégager des positions majoritaires mais ne pas se désintéresser de celles qui ne le sont pas et continuer à en tenir compte.

Il n’est pas inutile, pour commencer, de rappeler les textes de référence de notre mouvement

« Malgré les blessures que portent les mots hérités du passé, nous avons besoin de refonder un nouveau projet émancipateur : reprenant le meilleur des utopies socialistes, communistes, écologistes, autogestionnaires, pour une société fondée sur les valeurs de la démocratie, de l’égalité, du féminisme, de l’autogestion. » (12/12/2013)
Ces valeurs ont été régulièrement confirmées : « « Ensemble ! » est porteur de positions assumées sur les questions de l’émancipation, de la démocratie, du féminisme, de l’autogestion, de l’internationalisme. » (décembre 2017)

Parce qu’il se veut autogestionnaire, ENSEMBLE ! ne peut pas être un « parti » politique au sens classique

L’autogestion, dans son concept même, sous-entend le contraire de la mise en pratique d’un pouvoir autoritairement exercé. Dans son exercice, elle nécessite débats et prises de décisions diverses, selon les cas, les situations, les contextes, les évolutions et selon les sensibilités des groupes. D’où ce qualificatif de  « mouvement » que n’ont, en aucune façon, les partis dont le fonctionnement – même démocratique – se distingue par des prises de décisions qui ne prennent nullement en compte les positions exprimées par les minorités.

Notre Mouvement Ensemble ! acquiert, par le biais de la pratique autogestionnaire, une réelle richesse politique et une orientation non dogmatique. Il met en pratique l’autonomie et la solidarité, l’échange et la coopération, montrant le chemin de l’émancipation individuelle et collective, non seulement par les mots, mais par les actes.

C’est pourquoi Ensemble ! doit continuer sur ce chemin.

La question du « consensus » se ramène à ce qu’elle a toujours été, lors de la création de notre mouvement.

Il s’agit d’un choix politique clairement assumé, dès notre fondation

Nous le disions lors de nos assises de 2013 : « L’impératif démocratique doit être au cœur de notre rapprochement comme de la force politique nouvelle à construire à partir de l’outil et de l’espace qu’est le Front de gauche.

Cet impératif démocratique, c’est la volonté de contrecarrer les logiques de confiscation, de bureaucratisation et d’institutionnalisation, avec la garantie du pluralisme des débats, le refus permanent de pratiques autoritaires, manipulatrices et machistes, le refus des rapports de subordination, d’instrumentalisation vis-à-vis du mouvement syndical et social. Cela implique également une rupture avec le modèle du«parti guide» ou «d’avant-garde», ou les conceptions élitistes, et avec le modèle d’une organisation autour d’un seul courant hégémonique. Il s’agit donc vraiment de construire une organisation en commun, ce qui nécessite un effort subjectif, une volonté partagée, un saut qualitatif. » « Sur le fonctionnement de notre mouvement » Texte issu des assises nationales des 23 et 24 novembre 2013 à Saint-Denis / Page 2

Nous voulons, depuis notre constitution, un fonctionnement favorisant le débat, l’élaboration et la confiance commune, la transparence, le respect des positions des un·es et des autres pour la construction de la conviction mutuelle, l’action commune des militant·es en fonction d’une orientation nationale. La recherche du consensus est conçue comme processus d’invention collective de solutions qui dépassent les oppositions ou différences initiales.

C’est ce qu’exprime l’extrait de nos textes fondateurs qui suit : « C’est pour toutes ces raisons que nous privilégions le fonctionnement au consensus (…). Un principe qui devrait perdurer au-delà de cette période, même si nous pourrons être amené à voter sur des questions politiques où des décisions devront être prises (alliances électorales par exemple), mais nous ne le ferons qu’une fois le débat poussé jusqu’au bout et avec la recherche de très larges majorités.

Le fonctionnement au consensus nous évitera le recours aux rapports de force dans notre mouvement. Certains pensent qu’il a l’inconvénient de pousser à un fonctionnement aseptisé, et donc dépolitisant. Il nous faudra, en conséquence, combiner fonctionnement au consensus et ouverture de débats politiques sur le fond, qui resteront ouverts sans pousser à des prises de décision, mais qui permettront de développer des arguments et des logiques politiques qui sont indispensables à la vie démocratique dont notre mouvement a besoin.

Le consensus n’est pas l’unanimité. C’est d’abord un processus de construction d’une décision commune. Le consensus suppose l’absence de blocage, le blocage pouvant venir d’une partie du mouvement qui estimerait que la décision serait contradictoire avec ses convictions profondes. Si des adhérent-e-s ou une partie du mouvement manifeste un désaccord qui ne remet pas en cause ses convictions profondes, elle pourra se mettre en réserve de la décision prise. » « Sur le fonctionnement de notre mouvement » « Texte issu des assises nationales des 23 et 24 novembre 2013 » à Saint-Denis / Page 4 et 5

Au fur et à mesure des AG, nous avons réaffirmé ces principes de fonctionnement. Et ce n’est pas parce que les dernières prises de décision ont suscité des polémiques que nous devons jeter le bébé avec l’eau du bain.

La recherche du consensus doit être systématique dans la prise de décision

En 2015, nous l’affirmions encore : « Nous privilégions le fonctionnement au consensus. Un principe qui devrait perdurer, même si nous pourrons être amenés à voter sur des questions politiques qui nécessitent des décisions mais nous le ferons qu’une fois le débat poussé jusqu’au bout et avec la recherche de très large majorités. (…) [La suite, que nous omettons, est la reprise à l’identique du texte de novembre 2013 cité ci-dessus].Cela n’empêche pas qu’après toutes les tentatives menées, il puisse arriver qu’un sujet sur lequel nous devons prendre obligatoirement une décision ne fasse pas consensus. Si l’on n’arrive pas à se mettre d’accord, le vote peut avoir lieu. Dans ce cas, l’instance concernée peut proposer un vote pour prendre une décision à la majorité qualifiée des deux tiers.

Si des adhérent-e-s ou une partie du mouvement manifeste un désaccord qui ne remet pas en cause ses convictions profondes, elle pourra se mettre en réserve de la décision prise. L’essentiel se règle de manière politique : il ne faut qu’aucun participant à Ensemble ! soit de fait poussé dehors par une décision et inversement trouver les moyens pour qu’aucun désaccord n’interdise une action largement souhaitée. » « Sur le fonctionnement de notre mouvement » (texte adopté à l’assemblée générale des 31 janvier et 1er février 2015)

Nouvelle réaffirmation en 2020 : « La recherche du consensus doit être systématique dans la prise de décision, sans évacuer les désaccords ni les procédures de votes éventuelles qui peuvent être nécessaires (avec une majorité qualifiée des deux tiers). » « Texte sur le fonctionnement d’Ensemble » adopté à l’Assemblée générale d’Ensemble le 21 novembre 2020

Que certain·es aient voulu faire du consensus une règle d’unanimité est totalement contradictoire avec les principes précédemment exposés.

Une règle d’unanimité est totalement contradictoire avec les principes précédemment exposés

Nos discussions doivent être suffisamment fondées politiquement pour que des mises en œuvre différentes puissent être acceptées sur des questions tactiques. Cela n’est qu’un des aspects de l’élaboration collective.

Nous ne pouvons le redire mieux que nos textes d’AG : « Le consensus n’est pas l’unanimité. C’est d’abord un processus de construction d’une décision commune. Le consensus suppose l’absence de blocage, le blocage pouvant venir d’une partie du mouvement qui estimerait que la décision serait contradictoire avec ses convictions profondes. Si des adhérent-e-s ou une partie du mouvement manifeste un désaccord qui ne remet pas en cause ses convictions profondes, elle pourra se mettre en réserve de la décision prise. »

Donc, après débats et si le consensus reste impossible, un recours au vote peut être nécessaire pour définir une orientation globale du Mouvement.

Mais, à l’usage, le nombre de propositions soumises au vote aurait intérêt à ne pas excéder trois, si on veut qu’une majorité des deux tiers puisse se dégager plus facilement.

Il reste alors à communiquer sur la position ayant obtenu ces deux tiers en précisant que c’est celle de la majorité du Mouvement. Mais, la ou les positions minoritaires doivent être également signalées en rappelant que toute minorité – tout en respectant le choix fait par la majorité – conserve son libre arbitre.

Ainsi tout le monde s’y retrouve, notre organisation a sa feuille de route et personne ne peut se sentir spolié par rapport à son implication dans le Mouvement. L’autogestion c’est aussi ça : chacun·e participe et est reconnu·e par ses pairs selon ses capacités, ses envies, ses affinités, etc. pour la réalisation d’un projet commun. Ni blocage, ni unanimité voilà ce qu’est le consensus tel que nous le concevons.

Mais, comme le disent nos textes, des adhérent·es ou une partie du mouvement qui manifestent un désaccord qui ne remet pas en cause leurs convictions profondes, peuvent se mettre en réserve de la décision prise.

Les camarades qui se sont prononcé·es pour le boycott ou qui ne souhaitaient pas appeler à voter pour JLM étaient dans cette situation-là. Ils et elles ont gardé leur liberté d’appréciation. Cette liberté est fondamentale : notre démocratie interne ne doit pas être contraignante.

Il n’est en rien nécessaire de revenir sur nos principes, pour nous couler dans des modes de fonctionnement contraires aux valeurs qui sont les nôtres.

Si Ensemble ! revendique l’autogestion, il doit continuer à rechercher le consensus, essayer d’en dégager des prises de positions majoritaires mais ne pas se désintéresser de celles qui ne le sont pas et continuer à en tenir compte.

Réaffirmons notre choix de fonctionner au consensus, appliquons ce mode de décision mais appliquons le vraiment, dans toutes ses dimensions et dans toutes ses conséquences !

 

Bernadette Bouchard et Jean-Marie Fouquer
07/08/2022