La victoire du candidat libertarien et d’extrême droite en Argentine est une très mauvaise nouvelle pour l’ensemble du mouvement social et les classes populaires de ce pays. Il nous fait tenter de comprendre comment cet homme a pu parvenir au pouvoir. Il n’avait pourtant aucune expérience politique ni véritable mouvement structuré derrière lui. Un article paru dans Contretemps peut nous y aider. Cet article est paru initialement en espagnol sur le site de Nueva Sociedad.
L’ouragan Milei. Les sept clés de l’élection argentine
Par Mariano Schuster et Pablo Stefanoni. Le 21 novembre 2023
Le libertarien Javier Milei a remporté l’élection présidentielle argentine avec 55,7 % des voix contre 44,3 % pour le péroniste Sergio Massa, soit une marge beaucoup plus importante que ce que prévoyaient les sondages.
En l’espace de deux ans, cet outsider aligné sur l’extrême droite mondiale est passé des studios de télévision, où il était connu pour son style excentrique et ses cheveux indisciplinés, à la Casa Rosada [la Maison Rose est le siège du pouvoir exécutif argentin]. Comment l’Argentine en est-elle arrivée à cette situation apparemment impossible il y a quelques mois ?
Pour la première fois dans l’histoire du pays, un homme sans expérience de gestion, sans maire ni gouverneur et sans représentation significative au Congrès est devenu président.
1/ Javier Milei, un homme sans expérience politique, connu pour ses discours anti-keynésiens virulents et son mépris pour la « caste » politique, a exprimé, lors des élections argentines, une sorte de mutinerie électorale anti-progressiste. Ce processus a certes des particularités locales, mais il exprime un phénomène plus large qui transcende le pays qui vient de l’élire.
Si les raisons du non-conformisme qui a conduit une partie des citoyens à voter pour Milei peuvent être trouvées, dans de nombreux cas, dans des fondements économiques, l’expansion du libertarianisme est également liée à un phénomène global d’émergence de droites alternatives avec des discours anti-statu quo qui capturent le malaise social et le rejet des élites politiques et culturelles.
L’expansion de la droite n’est pas toujours justifiée par des raisons économiques. L’extrême droite crée des clivages en fonction des réalités locales et se développe également dans les pays à haut niveau de prospérité. Milei a intégré de nombreux discours de ces droites radicales mondiales, souvent de manière non digérée, comme celui qui postule que le changement climatique est une invention du socialisme ou du « marxisme culturel », ou celui qui souligne que nous vivons sous une sorte de néo-totalitarisme progressiste.
Dans une large mesure, le phénomène Milei s’est développé à partir de la base et a longtemps échappé à l’attention des politologues – et des élites politiques et économiques elles-mêmes – et a réussi à teinter le mécontentement social d’une idéologie « paléolibertarienne » sans aucune tradition en Argentine (l’offre crée sa propre demande). Ses slogans « La casta tiene miedo » (La caste a peur) ou « Viva la libertad, carajo » (Vive la liberté, merde) se mêlent à une esthétique rock qui éloigne Milei de la rigidité des vieux libéraux-conservateurs.
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