On pouvait imaginer qu’avait servi de leçon le calamiteux épisode hollandais de la déchéance de nationalité pour les binationaux. Qui gouverne le pays devrait être averti qu’il est certains sujets qui d’apparence anodine s’avèrent hautement inflammables, pour lesquels de faciles victoires à portée de main recèlent des poisons lents…

Avec ladite loi asile et immigration démonstration est donnée qu’il n’en est rien.

La tête dans les sondages, voici des gouvernants qui oublient le sol où s’enracinent des principes qui exigent respect.
Ils savent que l’opinion est sensible à ce mauvais vent qui, ici en France et partout en Europe, souffle fort, désignant exilés, réfugiés, migrants, immigrés comme un amalgame menaçant nos conditions d’existence, notre sécurité, voire ce qu’on estime être notre identité (nationale ? Chrétienne ? Occidentale ?…) Ils sont informés que des forces fascisantes, qui contaminent la droite conservatrice, se goinfrent de ces craintes et ressentiments, que par conséquent enfle une demande de fermeté à l’égard des miséreux, et que celle-ci diffuse dans l’électorat.
Dans ces conditions, tenir un discours de vérité, dire ce qu’il en est vraiment, demanderait beaucoup d’efforts, et ce sans aucune garantie d’être entendu. Il est donc autrement plus efficace de faire montre de fermeté.
Doublement de la durée légale de rétention des sans-papiers ! Allongement de 45 à 90 jours de la durée légale d’enfermement des étrangers au centre de rétention administrative (les CRA) ! Ne pas céder quant à l’interdiction de l’enfermement des enfants ! Ni sur les points clés du prétendu « délit de solidarité » !
Cela répond-il aux problèmes réels ? Certainement pas. Sinon que pour les victimes de cette politique cela va ajouter des tourments à une situation douloureuse, davantage d’injustices et d’humiliations…

Gérard Collomb, au nom du gouvernement, a fait adopter sa loi par l’Assemblée.
Au prix d’un spectacle lamentable. Il n’y aurait d’opposants qu’extrémistes, et de pointer une symétrie fallacieuse entre les diatribes de droite, qui brocardent une fermeté en trompe l’oeil, et les protestations d’une gauche qui en appellent à l’humanité. Ce qui autorise à entendre les unes, pour ne rien céder, et de rester sourd aux secondes. Quant aux états d’âme au sein de la majorité, Richard Ferrand a su mettre le groupe en ordre, sous menace d’exclusion des insubordonnés. Jean-Michel Clément s’est trouvé bien seul dans son vote contre. Il a sauvé son honneur, non celui du groupe parlementaire LREM, ce dont il a tiré la logique conséquence en démissionnant de celui-ci.
Pour le gouvernement c’est une victoire politique. Empreinte de bêtise et d’inhumanité.
Les dettes de déshonneur se règlent sur la durée…

Francis Sitel