L’avant-projet de loi de programmation pour la transition énergétique promet un « nouveau modèle énergétique français » !
Suite aux recommandations du groupe d’experts de l’ONU (le GIEC) pour répondre au dérèglement climatique, la France s’est doté d’un objectif prévu par la loi de 2005, une réduction de 80 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) d’ici 2050. Pour éviter que le dégonflement de ces objectifs ne soit mis en avant, Ségolène Royal, ministre de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Énergie, a repris les objectifs de la Commission européenne d’une réduction de 40 % des GES en 2030. Ne l’oublions pas, la France accueille à Paris (plus exactement au Bourget, ville surtout connue pour son trafic aérien d’aviation, également depuis peu, lieu d’accueil de la foire internationale de la promotion de l’industrie nucléaire…) la conférence climat de l’ONU en décembre 2015. Ca sera donc un élève très moyen qui recevra ! Où est le triptyque efficacité énergétique, renouvelables et réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) ? Nous avons bien noté que ce projet reprend l’objectif de François Hollande, diviser par deux la consommation d’énergie en France à l’horizon 2050. Alors, pourquoi aucun objectif d’économies d’énergies n’est fixé à l’échéance 2030 ? C’est incohérent !
Effet de manche et contradictions ! Un des exemples criants : le nucléaire !
Le texte de loi porte l’objectif de réduire la part du nucléaire dans la production d’électricité à 50 % à l’horizon 2025, en gardant sa puissance actuelle de 63 GW. Avec le lancement du réacteur EPR et le prolongement des centrales après 40 ans d’exploitation, quels moyens se donne le gouvernement pour parvenir à cet objectif ? Augmenter la part globale de consommation électrique afin que la part du nucléaire soit moins importante sans que sa puissance ne soit attaquée ? Les directives d’EDF et les lobbies pro-nucléaires sont ménagés. Les catastrophes de l’Ukraine et du Japon n’ont pas suffi ? Il faut l’arrêt le plus vite possible ces monstres d’un autre temps et donc fermer au plus vite les réacteurs de plus de trente ans et arrêter L’EPR. Jouer avec l’atome c’est jouer avec l’humanité ! Au regard des expériences en France et à l’étranger, l’arrêt du nucléaire est possible simultanément avec l’objectif d’une réduction drastique des énergies fossiles, qui contribuent à l’exploitation « sans fin » des ressources de la terre, à l’augmentation de la pollution de l’air, des sols, de notre alimentation et à l’explosion des problèmes graves de santé publique.
Un autre exemple d’incertitude et de forte actualité est le débat sur le gaz de schiste qui est loin d’être clos si l’on en croit les lobbies et « professionnels », car il n’existe pas une semaine où l’on ne fait pas référence à une nouvelle réglementation européenne qui devrait voir le jour dans les années à venir et qui en évoque l’autorisation à terme en France. Cette position s’appuie notamment sur une hausse attendue des prix du gaz, qui devrait rendre l’exploitation de gaz de schiste « plus rentable ». Il faut répéter sans cesse que les objectifs sur la réduction des GES ne sont pas compatibles avec ce type d’exploitation. On ne construit pas le futur en inscrivant dans la loi les erreurs du passé. Par contre, il faut légiférer pour marquer dans le marbre, donc dans le code minier, l’interdiction de l’exploitation des gaz de schiste. Ce n’est pas qu’une question de pollution de l’environnement, c’est pour éviter bien sûr les catastrophes de l’environnement (sol, eau, santé,… ), mais c’est aussi pour laisser dans le sol ces captages d’énergie fossile qui, exploitée, contribuerait fortement au dérèglement climatique !
Une révolution énergétique !
Tous les voyants sont au rouge. Les catastrophes climatiques deviennent de plus en plus fréquentes et importantes, les réfugiés climatiques se multiplient… Il faut stopper un système qui ne vit qu’à travers les profits, l’étalement urbain, l’intensification d’une agriculture industrielle, l’artificialisation des sols, et mettre au cœur de notre préoccupation la défense des communs, le bien-être collectif et la justice sociale. Cela doit aussi passer par l’arrêt du paiement des actionnaires d’autoroutes, par le retour de ces infrastructures dans le domaine public. Il faut aussi contraindre les donneurs d’ordre qui utilisent la route à payer leur pollution, sans répercussion sur les usagers-consommateurs, pour contribuer à diminuer sérieusement le transport routier au profit des transports collectifs et partagés.
On ne peut pas, comme ce projet de loi le fait, intensifier l’usage des véhicules électriques, sans arrêter les subventions aux transporteurs routiers et aéroportuaire. Il existe des moyens pour rendre les transports collectifs, tel que le train, gratuit pour les usagers. Concernant le transport des marchandises, les flux actuels, les juste-à-temps et la mondialisation des échanges empêchent toute baisse drastique des émissions fossiles. En même tant que doit s’organiser une transition rapide des modes de transports, il faut freiner ces flux, notamment par une relocalisation de certaines productions et des modifications profondes dans le système de productions, d’échanges et de consommations.
La transition énergétique à la sauce Hollande-Royal est loin d’être une révolution. Peut être une petite transition, puisqu’elle aura des impacts minimes sur les consommations d’énergies fossile et nucléaire. Les derniers reculs sur le « péage de transit poids lourds », nouvelle version de l’écotaxe sont un nouveau signe d’un absence de courage politique. L’exonération de la taxe sur le diesel au 1er janvier prochain est elle maintenue. Pourtant une telle taxe était loin d’être la panacée. Le scandale de la société Ecomouv’, qui se traduisait par une privatisation de la perception de l’impôt, n’avait pas entraîné de rupture de contrat avec cette société. Cette mesure semblait faite pour donner raison aux tenant du « ras l’bol fiscal », avec pour conséquence de rendre impopulaire toute mesure faite au nom de la protection de l’environnement. Mais en l’abandonnant en rase campagne, Ségolène Royale donne raison au lobby des transporteurs routiers et réduit les finances du fret ferroviaire, tandis que son gouvernement appelle chaque jour les salariés à faire des efforts et à se serrer la ceinture.
Renouvelable, des objectifs pour 2030 insuffisants !
Si la France respecte ses objectifs déjà engagés au niveau européen, les énergies renouvelables devraient atteindre les 23 % d’ici 2020. C’est pour cela, que l’objectif de cette loi, prévoyant un passage à 32 % en 2030, est une ambition de dégonflé ! 9 points en 10 ans ! C’est encore incohérent ! Par exemple, les objectifs en terme d’efficacité énergétique des bâtiments et notamment des logements sont insuffisants et, surtout totalement déconnectés de d’une volonté de résorption des inégalités sociales : qui pourra payer la rénovation thermique de son logement ? Qui sont aujourd’hui les précaires de l’énergie ? Nous avons besoin d’un plan pour le logement en France alors même que ce qu’avait prévu Cécile Duflot (et que nous ne trouvions pas assez ambitieux !) est déjà remis en cause.
Le statu quo est impossible !
La question de la transition énergétique ne peut pas se traiter dans l’enclave d’un ministère, aussi grand soit-il. Alors que des alternatives s’inventent et s’expérimentent déjà, nous avons besoin des ruptures nécessaires avec les politiques dictées par les multinationales de l’énergie et ce système productiviste qui nous entraîne dans un consumérisme insoutenable. Le statu quo est impossible : face aux crises multiples, plus que jamais une écologie sociale et populaire doit être au cœur de tout projet politique alternatif.
Commission écologie d’Ensemble !