La guerre en Ukraine dure depuis 18 mois, un long temps de destructions, de souffrances et d’usure des sociétés impliquées. Il convient à la fois de faire le point sur la solidarité avec la résistance ukrainienne, et d’évaluer la situation au plan militaire. Pour cela, deuxième partie de l’article : 2. la situation militaire.
La contre-offensive dans une impasse ?
Par Stefan Bekier et Jean-Paul Bruckert. Publié le 3 novembre 2023 dans le n° 59 de ContreTemps, revue de critique communiste
Une analyse des différents théâtres d’affrontement et des caractéristiques d’une contre-offensive ukrainienne qui piétine (voir l’article très informé de Cédric Pietralunga, « La contre-offensive de Kiev en échec », Le Monde, 27 octobre 2023) semble montrer que la Crimée est l’objectif prioritaire de la stratégie mise en œuvre par le général Zaloujny et son état-major. Mais l’idée s’impose de plus en plus que, pour des raisons multiples, la guerre sera longue.
Les fronts périphériques
À l’est (oblasts de Louhansk et de Donetsk) se déroulent trois batailles aux objectifs qui semblent pour une part inversés. Au nord, dans la région de Kreminna et Koupiansk, où était attendue une offensive majeure de l’armée russe pouvant menacer Kharkiv, ce sont les Russes qui sont à l’initiative.
Mais les Ukrainiens résistent et limitent les avancées ennemies, au mieux à quelques dizaines de km². L’objectif des Russes est, sinon de percer en direction de Slaviansk et Kramatorsk — mais sont-ils en capacité de le faire ? —, plus sûrement, de fixer des troupes ukrainiennes afin qu’elles ne puissent renforcer le front sud. Mais c’est un échec car les unités de première ligne sont déjà au Sud.
Plus au Sud se déroule une autre bataille, difficile à comprendre, la seconde bataille de Bakhmout. Pourquoi cette bataille pour une ville en ruines ? Pour le prestige ? Afin d’effacer la prise de la ville par la milice Wagner au terme de terribles combats ? Peut-être. Mais aussi, et plus sûrement, surtout pour fixer des troupes russes afin de les empêcher de renforcer le front sud, là où semble se porter l’effort majeur de l’armée ukrainienne.
Échec enfin pour les Russes, du moins pour l’instant, à Avdiivka, un saillant tenu par les Ukrainiens dans la proximité de Donetsk. Une bataille féroce où les Russes ont engagé de gros moyens et essuyé de très lourdes pertes ! Une bataille qui répond probablement à un objectif limité : supprimer le saillant pour raccourcir les lignes et démontrer que la contre-offensive ukrainienne est un échec face à la « défense active » des Russes selon l’expression de Poutine.
Au sud, la contre-offensive en échec
C’est au sud, dans l’oblast de Zaporijia en direction de Tokmak et de Melitopol, voire plus tard de Berdiansk et Marioupol, dans un contexte difficile compte tenu des lignes étagées de fortifications et de champs de mines, que se déroule la contre-offensive ukrainienne. Trop lentement au gré de certaines critiques mais avec détermination. Malgré les obstacles, dans un combat d’infanterie très coûteux en vies humaines, les Ukrainiens avancent. En ayant réussi à constituer un saillant, ils ont incontestablement remporté un succès tactique dans la région de Robotyne et Novoprokopivka. S’agissait-il de dégager un couloir que pourraient emprunter les blindés des brigades mécanisées, lorsque les trois lignes de défense ayant été rompues, serait venue l’heure de la percée ? Si elle advient !
L’objectif de cette manœuvre serait de couper en deux les forces de l’armée russe et de disloquer leur dispositif. Objectifs de moyen terme probablement, mais à court et moyen terme l’idée est plus sûrement de se mettre à distance favorable de l’artillerie à longue portée (Himars, Caesar et désormais ATACMS d’une portée de 165 km) pour couper les lignes de communication routières et ferroviaires (essentielles à la logistique russe) entre la Russie, le Donbass et la Crimée.
À ce tableau, ajoutons que selon l’agence Tass, l’armée ukrainienne concentrerait des forces à l’Est de Kherson, et même qu’une tête de pont a été établie par quelques centaines d’hommes des forces spéciales sur la rive gauche du Dniepr, à Olechky, dans la proximité de la ville. Dans l’un et l’autre cas le but apparaît clair : il s’agit d’isoler la Crimée !
La Crimée au cœur
Il semble en effet que la Crimée soit, directement ou indirectement, au cœur de la stratégie ukrainienne. Frappes sur le pont de Tchongar et surtout attaques, du fait de missiles et de drones navals, du pont de Crimée (ou de Kertch) fortement endommagé, au point de ne plus permettre le passage de véhicules lourds. La Russie a été contrainte de couler des ferries pour constituer une illusoire barrière ! Attaques de drones quasi permanentes sur des stations de radar, sur des bases aériennes, des centres de commandement ou des dépôts de munitions. À cet égard, la spectaculaire frappe au moyen de missiles – SCALP ? – du centre de commandement de la flotte de la Mer noire à Sébastopol (l’amiral commandant en chef et 35 officiers tués ?) montre que les Ukrainiens sont capables de coups très précis destinés à viser à la tête pour désorganiser l’ennemi. De même, les missiles ukrainiens ont touché et partiellement détruits dans la rade de Sébastopol un sous-marin et un navire amphibie.
Si la Crimée est au cœur de la stratégie ukrainienne, c’est aussi qu’elle est la clé de la mer Noire, dont Moscou a fait « un champ de bataille » selon Zelensky. Cette guerre est donc aussi – un paradoxe, car l’Ukraine n’a quasiment plus de marine – une guerre navale qui a vu les Ukrainiens inventer une nouvelle forme de guerre. Après avoir chassé les Russes de l’île aux Serpents, ils ont inauguré une nouvelle méthode en recourant à des drones navals. Attaques d’une frégate et d’un navire amphibie ou contre des plates-formes gazières que les Russes avaient transformées en stations de renseignement, autant de succès qui limitent les moyens de l’ennemi, le contraignent à replier ses navires sur Novorossiisk (rive Est de la mer Noire), voire dans un nouveau port en Abkhazie (territoire séparatiste de la Géorgie), ou tentent de l’aveugler. Serait-ce un possible tournant dans la guerre comme l’indique le ministre ukrainien de l’Intérieur ? Débarquements répétés de forces spéciales pour déployer le drapeau ukrainien en Crimée (en jet ski pour la dernière en date !). Geste symbolique signifiant que l’Ukraine ne transigera pas sur ce point. Guerre navale mais aussi guerre aérienne partout sur le territoire russe au moyen de drones frappant des centres de commandement, des bases aériennes (la dernière en date, avec des ATACMS, le 17 octobre sur des aérodromes de Berdiansk et Louhansk détruisant 21 hélicoptères d’attaque), des dépôts de munitions ou des dépôts de carburant. Et, la nuit, des ministères ou le quartier d’affaires de Moscou avec une claire volonté de ne pas faire de victimes civiles. C’est ce que Michel Goya nomme joliment « la première campagne aérienne non-violente » de l’histoire.
Cette guerre est, on le sait, à bien des égards une guerre « mondialisée ». La Russie qui veut priver l’Ukraine des ressources afférentes à l’exportation des grains (près de 33 millions de tonnes l’année dernière), a dénoncé le 17 juillet l’accord sur les céréales. Elle menace tout navire contrevenant d’être considéré comme une cible de guerre. Au risque assumé, certains pays du Sud dépendant des importations de grains ukrainiens, de provoquer une crise alimentaire mondiale. Déjouant la manœuvre et faisant une nouvelle fois preuve d’ingéniosité, les Ukrainiens ont ouvert un corridor maritime, le long des côtes, une route que plusieurs cargos ont déjà empruntée. Il reste qu’en octobre les exportations ont été deux fois moins importantes qu’en octobre 2022 et qu’il ne s’agit cependant là que d’une mesure aux effets limités, importante sur le plan psychologique mais cependant loin de rivaliser avec la route terrestre passant par la Pologne et la Slovaquie, et surtout avec la voie du Danube.
Tous ces points marqués et les succès tactiques enregistrés par les Ukrainiens ne permettent cependant pas d’oublier les difficultés rencontrées par la contre-offensive. L’Ukraine subit un déluge de drones et de missiles, frappant des cibles stratégiques (silos et dépôts de céréales par exemple), mais aussi régulièrement des cibles civiles. Immeubles d’habitation à Lviv, Odessa, Kharkiv, Kherson, Dnipro, entre autres cités… Derniers en date de ces crimes : 52 morts dans le village de Hroza (Groza) le 5 octobre, 72 bâtiments endommagés à Kharkiv le 6 octobre dont 69 sont des immeubles d’habitation ! Avant de s’en prendre avant l’hiver, comme la saison dernière, aux centrales et transformateurs électriques. Même si la défense aérienne parvient à parer la plupart de ces attaques, elle ne peut tout empêcher, et les frappes pèsent sur le moral de la population.
Un bilan amer
Sur la contre-offensive enfin, le général Zaloujny lui-même reconnaît dans un entretien avec The Economist (2 novembre) être dans « une impasse » et qu’ « il n’y aura probablement pas de percée profonde et belle ». Il avoue des erreurs dans la planification et le déroulement, notamment sur le fait d’avoir surestimé le caractère décisif des pertes infligées : « dans n’importe quel pays, de telles pertes auraient mis fin à la guerre » ! La planification avait d’autre part tablé sur quatre mois pour atteindre la Crimée… Or l’avancée – il le dit – n’a été que de 17 km en cinq mois ! Les raisons ? Les défenses que les Russes ont eues tout le temps d’établir, leur capacité d’adaptation, le retard apporté à la livraison d’armes modernes qui auraient été fort utiles l’an dernier et le sont moins… Les hommes ? Il balaie cet argument en avouant néanmoins qu’il y a cru. La connaissance de ce chacun fait : « Nous voyons ce que fait l’ennemi et il voit tout ce que nous faisons ». In fine, il lui semble que « nous avons atteint un niveau technologique qui nous met dans une impasse » et que, si l’on veut éviter une épuisante guerre de tranchées, seul « un saut technologique massif », appuyé sur les dernières avancées, permettrait d’en sortir et de pallier le déficit démographique. Il conclut « tôt ou tard, nous nous apercevrons que nous n’avons pas assez d’hommes pour nous battre ». Même si on peut s’interroger sur les raisons profondes – attirer l’attention des Occidentaux ? – d’une telle déclaration publique, force est de reconnaître qu’elle éclaire la situation d’une lumière crue.
Tragique illustration du temps perdu du fait des atermoiements – délibérés ? – des Occidentaux à livrer les armes et les munitions qui auraient permis de lancer la contre-offensive plus tôt ? Mais les Ukrainiens auraient-ils été prêts ? Ils ont encore aujourd’hui un énorme besoin de munitions car cette guerre de haute intensité est dévoreuse d’armes et de munitions.
Et Poutine, qui a relancé l’industrie de défense et est allé solliciter l’aide de Kim J2ong-Un (un millier de containers et des cargos chargés de munitions), d’ironiser sur le fait que l’Ukraine n’aurait « qu’une semaine à vivre sans les livraisons d’armement occidental », et d’envisager l’épuisement des stocks ! Si en apparence le temps travaille pour lui, il faut souligner qu’il en est lui aussi prisonnier, car plus le temps passe et plus sa marge de manœuvre devient étroite.
De leur côté, les gouvernements occidentaux sauront-ils assumer la responsabilité qui leur incombe et faire face à un défi qui engage plus que la défense d’un peuple combattant pour sa liberté ? Crainte d’une avancée vers l’ouest au-delà de l’Ukraine ? Crainte d’une défaite de la Russie qui s’accompagnerait d’une poussée encore plus belliciste ou d’un éclatement de la Fédération de Russie ? Et peur concomitante dans l’un et l’autre cas de l’utilisation du nucléaire ?
Dans la perspective d’une guerre longue,
un soutien plus impératif que jamais
Ukraine ? L’arrière tient
Sans compter ce qui sépare ceux qui sont partis (entre 5 et 8 millions) et ceux qui sont restés, s’accentue le contraste entre celles et ceux qui sont pleinement engagés dans l’effort de guerre et celles et ceux qui, loin du front, dans les villes ou sur les plages, tentent de retrouver la vie d’avant. Une fatigue générale, mais pas une « fatigue de reddition » comme y insiste le député Oleksi Hontcharenko, cité par Jacques Follorou (« En Ukraine, les gens ne peuvent pas vivre tout le temps dans le deuil », Le Monde , 1er octobre 2023). Une fatigue qui s’adosse à une claire conscience des énormes pertes sur le front (70 000 morts pour 200 000 victimes au total ?). Mais une fatigue qui n’épargne pas les combattants. Pertes de camarades, allongement des rotations, manque de matériel et de munitions… et aussi difficulté de s’adapter lors du retour à la vie civile, de partager l’indicible avec l’arrière, jointe à un désir de retrouver sur le front les camarades… Impression de les avoir abandonnés… Une fatigue qui n’empêche une renaissance de la démocratie comme le montre des manifestations à Lviv, Kyiv, Ternopil etc. qui soumettent le pouvoir à la critique. Un « débat d’inclusion et non de défaitisme » comme y insiste Oleksi Hontcharenko (cité par Jacques Follorou Le Monde, 24 octobre 2023). De même, des femmes ou mères de combattants manifestent à Kyiv pour exiger le retour ou au moins une permission pour ceux qui sont au front depuis le début. Une lassitude qui ne supplante pas le sentiment de se battre pour une cause juste, – sentiment qui anime aussi la résistance dans les zones occupées (Melitopol ou Donetsk) -, mais dont le gouvernement ukrainien a compris qu’elle nécessitait de proposer des clips mobilisateurs montrant des héros ou héroïnes positifs.
Russie. Au-delà des apparences
Tout autre est la situation perceptible en Russie. En apparence, la vie continue dans les grandes villes comme si de rien n’était. Un déni de réalité ? Mais qu’en est-il dans les petites villes et villages des régions périphériques qui fournissent l’essentiel des effectifs… et des morts ! Sauf que des centaines de milliers de jeunes sont partis à l’étranger pour échapper à la mobilisation. Sauf que malgré la peur et le mensonge (Isabelle Mandraud, « Le mensonge, arme de destruction massive ? », Le Monde, 22 septembre 2023), une fracture radicale se manifeste entre le régime et la jeunesse, ce que montre Vera Grantseva (« Les Russes veulent-ils la guerre », Éd. Du Cerf, octobre 2023). Il y aurait par ailleurs 54% d’amputés ou de handicapés dans les rangs des vétérans russes, d’après Alexeï Vovchenko, vice-ministre du Travail, entretien à Rossiyskaya Gazeta. Même si le pouvoir poutinien manipule les chiffres, comment douter que l’opinion sait que cette « opération spéciale » se traduit par un véritable massacre !
Les clips pour attirer de nouvelles recrues font de plus en plus appel à l’intérêt pécuniaire. Cela s’applique du reste au recrutement de femmes – une nouveauté – notamment par la société militaire « Redout », contrôlée par le ministère de la Défense. Dans les troupes, les vidéos de protestations des soldats montrent du reste que les problèmes demeurent : manque de munitions, rotations absentes, blessés non évacués, problèmes de commandement, etc. Le moral n’est donc pas au beau fixe. D’où, reprenant l’idée de Prigogine (« liberté contre bravoure »), la création de bataillons dits « Storm Z », composés de détenus et de soldats réfractaires, utilisés en première ligne. Comme une nouvelle chair à canon ? Tous ces travers ne doivent cependant pas cacher la réalité. S’ils sont, semble-t-il, peu capables de lancer une grande offensive, les Russes résistent et, dans un très dur combat d’infanterie, ne reculent que peu à peu. Les trois lignes défense qu’ils ont eu tout le temps d’établir ainsi que la supériorité aérienne et en artillerie dont ils disposent excluent pour l’instant – les Ukrainiens l’ont appris à leurs dépens – l’usage des blindés.
Pour l’Ukraine, des soutiens fragilisés
Les alliés de l’Ukraine sauront-ils assumer leurs responsabilités ? On peut en douter compte tenu des mouvements en sens contraire. Alors qu’en France, 56% des Français continuent à se déclarer favorables au soutien à l’Ukraine (sondage en février IPSOS, Franceinfo), pour la première fois, en août, un sondage a montré qu’à l’inverse une majorité des électeurs américains (55%) se déclarait hostile à ce que le Congrès autorise de nouvelles livraisons d’armes à l’Ukraine. Lassitude devant les milliards de dollars (46 Mds) dépensés et désir de recentrage ? Pire, à la suite d’un appel de Trump à refuser toute nouvelle aide à l’Ukraine et de l’accord entre Biden et McCarthy, Speaker de la Chambre des Représentants, pour prolonger l’aide, la destitution de ce dernier, favorable à une coopération avec l’exécutif, affaiblit considérablement la marge de manœuvre du Président et le soutien bi-partisan sur lequel il pouvait compter. Au retour de son voyage en Israël, Joe Biden semble cependant rester ferme. Il réclame 61,4 Mds de dollars (dont la moitié en armement) pour l’Ukraine et 14,3 Mds de dollars pour Israël (dont les ¾ en armement, des armes pour écraser les Palestiniens !). Mais aura-t-il les moyens ? Même s’il assortit désormais sa demande d’arguments susceptibles de convaincre à l’intérieur, comme l’emploi et l’intérêt économique, l’élection à l’unanimité des Républicains de Mike Johnson comme nouveau Speaker, un ultraconservateur et fidèle de Trump, laisse présager de grandes difficultés. D’autant que cette majorité extrémiste et décidée à faire le jeu de Trump, le défie en votant seulement le crédit à destination d’Israël ! « Inacceptable » pour Biden, qui est décidé à utiliser son droit de veto. Bref, une guerre d’usure, dans le contexte des élections présidentielles, qui n’est pas favorable au soutien à l’Ukraine.
Les États-Unis étant, de loin, le premier contributeur militaire, on comprendra que le soutien à l’Ukraine résistante est, pour l’heure, dans une passe difficile. Et ce d’autant plus qu’en Europe (77 Mds d’euros d’aide de l’UE, dont 5.6 Mds d’aide militaire et 10 Mds provenant des États) se renforcent, on l’a vu en ce qui concerne la France, soit les courants pacifistes, soit les sympathies pour Poutine. Mais c’est encore plus net en Europe centrale. Tout d’abord en raison de la brouille entre Kiev et Varsovie à propos de la question des céréales ukrainiennes qui sont exportées depuis 2022 libres de droits dans l’Union européenne, cela au grand dam des agriculteurs polonais confrontés à une baisse drastique des prix. Le 15 septembre, Varsovie, suivie par Budapest et Bratislava, avait décidé un embargo sur les céréales, ce qui avait motivé les très vives réactions de Volodymyr Zelensky et les répliques cinglantes du Président Duda. Moyennant quoi la Pologne avait décidé le 20 septembre un arrêt des livraisons d’armes. D’où une campagne électorale ayant atteint un niveau de virulence indigne avec une campagne anti-allemande orchestrée par le PiS ! En vain, carcelui-ci a perdu les élections (le 15 octobre). Si, sur la question des céréales, un pas a été fait le 3 octobre, il est à espérer que la défaite de Kaczyński et l’arrivée au pouvoir de la « Coalition civique (KO) » et de ses alliés potentiels — mais le Président tarde à confier le pouvoir à Donald Tusk – pourra aplanir les différends et, conformément aux déclarations de Tusk, soutenir la nécessité d’une victoire de l’Ukraine.
Après Victor Orbán en Hongrie, c’est Robert Fico en Slovaquie qui se distingue de l’UE, l’un et l’autre se montrant ouvertement favorables à Poutine… La Hongrie, qui a initialement participé aux sanctions, s’efforce de les adoucir, et Orbán multiplie à cet égard les déclarations hostiles. Pour le moins à droite de la droite européenne, sinon proche de l’extrême droite, critique de la démocratie libérale et partisan d’un État « illibéral », proche de Vladimir Poutine – il l’a rencontré à Pékin le 17 octobre, ce qui est considéré par certains Européens comme une « trahison » – , Viktor Orbán a adopté une ligne pro-russe à partir des années 2010. Après s’être rallié aux sanctions, il défend l’idée qu’il faut négocier avec la Russie. Quant à Robert Fico, chef du gouvernement depuis le 25 octobre, il suit l’exemple de son voisin, alors que Bratislava était jusque-là un fidèle soutien de Kiev (don d’armes et accueil de réfugiés). Il se dit prêt à mettre fin à l’aide militaire et milite, comme Viktor Orbán, pour forcer à un accord de paix.
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En dépit de l’héroïsme de ses combattants et de la résilience de la population, des efforts opiniâtres de son Président, la situation de l’Ukraine résistante est plus que préoccupante. Le drame est que dans une large mesure la solution de l’impasse dans laquelle elle se trouve dépend principalement d’un soutien en armes de pointe qui lui a jusque-là été beaucoup trop mesuré. Par peur du chantage au nucléaire exercé par l’ours poutinien ? Mais est-il encore temps ? Et n’est-ce pas à cette aune – l’urgence à agir pour sortir de l’impasse – qu’il faut comprendre la sortie du général Zaloujny ? N’est-ce pas aussi, pour nous, un appel à prendre conscience du caractère crucial du soutien citoyen à apporter à la résistance armée et non armée du peuple ukrainien ?