Depuis plus d’un an, la commission « chômage, pauvreté, précarité, travail » d’ENSEMBLE! met l’accent sur ces situations largement négligées par une gauche qui raisonne trop sur la base des salarié·es en emploi. La brochure « Abolir le chômage, la précarité, la pauvreté » en est la preuve.

Lutter contre la pauvreté, un enjeu essentiel pour la gauche

Par Étienne Adam – Le 18 septembre 2023

Stratégiquement, on ne peut laisser de côté un ensemble de fractions de la classe qui représente quasiment 1/3 du salariat. On y trouve : chômeur·euses à temps complet, chômeur·euses de longue – voire de très longue – durée (y compris des personnes qui aujourd’hui ne sont pas considérées comme telles comme les bénéficiaires du RSA), précaires, mais aussi toutes les formes de sous-emploi que sont les temps partiels imposés (y compris les contrats atypiques).

Seule une partie de ces emplois est concernée par une augmentation du SMIC et dans des proportions encore plus limitées. Les 2 augmentations de 2023 (+54 €) sont, par exemple, réduites au prorata de la durée.

De ce fait, le rôle protecteur du SMIC est singulièrement réduit, même s’il doit être défendu sur le principe et revalorisé. Mais, il ne peut répondre aux besoins de nombreuses fractions du salariat.

De plus, si le chômage baisse (au sens de chômage à temps complet), la précarité augmente. Les réformes successives de l’indemnisation chômage, en baissant les droits, contribuent à une augmentation de la pauvreté. Celle-ci prend une dimension dramatique avec l’inflation qui frappe d’abord les plus bas revenus en augmentant les prix des besoins essentiels et les dépenses incompressibles. Il y a vraiment là une urgence sociale qui ne peut trouver de réponse dans les indispensables interventions caritatives.

Des Restos du cœur au Secours populaire117e baromètre Ipsos / Secours Populaire : privations et peur du lendemain, tous disent que la générosité (même celle de Bernard Arnault !) ne peut suffire. Tout le secteur caritatif réclame de l’État des politiques énergiques de lutte contre la pauvreté. À la quasi-unanimité, les associations demandent l’augmentation des minimas sociaux, revendication reprise par le Pacte du pouvoir de vivre ou l’Alliance écologique et sociale.

Bien sûr, on peut débattre du montant de cette revalorisation. Mais il faut prendre conscience que c’est une mesure d’urgence facile à mettre en œuvre. Elle ne s’oppose pas à des réponses de fond comme le Nouveau Statut du Travail Salarié ou la Sécurité Sociale Alimentaire. L’important est de garantir un revenu et de défendre et développer des services publics (par exemple celui de la petite enfance parce que les femmes constituent la grande part des pauvres). Toutes ces mesures visent à répondre aux besoins en lien avec une transition écologique radicale.

Personne en dessous du seuil de pauvreté 1 250 € pour toutes et tous !

Pourquoi personne en dessous du seuil de pauvreté ?
Parce que le nombre de pauvres explose !

Ce mot d’ordre est un outil de lutte contre l’inflation, facile à populariser auprès de personnes qui, depuis des années, adhérent à l’absolue nécessité de la lutte contre la pauvreté (« aujourd’hui, on n’a plus le droit d’avoir faim »). C’est un projet de société solidaire et une façon de poser la question de la répartition des richesses, des profits et des dividendes.

Quel seuil de pauvreté ?

Le chiffre actuel largement retenu (y compris par les gouvernements qui prétendaient en faire celui pour la retraite de base) est de 60 % du revenu médian, soit 1 128  €/mois (INSEE). Une enquête du Secours populaire de septembre de 2020 indiquait « les Français considèrent qu’une personne seule est pauvre quand elle a un revenu mensuel net inférieur à 1 238 € (rapport 2023 = 1 377 €).

Une mesure d’urgence : il s’agit de doubler le montant du RSA, d’en faire un droit individuel et non plus par foyer et de faire suivre la prime d’activité (RSA différentiel pour les salarié·es pauvres) pour arriver à 1 250 €.

Il faut insister sur le fait qu’il s’agit d’une mesure provisoire de revenu minimum qui donne le temps de débattre de mesures plus structurelles et pérennes comme le Nouveau Statut du travail Salarié. Parmi les débats à mener, figure, en particulier, celui d’un financement qui fasse réellement contribuer les grandes entreprises qui se servent de la sous-traitance pour ne pas cotiser (y compris par le développement de non-salarié·es, UBER et autres). Cette mesure d’urgence – en sortant les gens des contraintes de la survie financière qui les pousse à accepter n’importe quel emploi – permettrait de modifier le rapport de forces, de donner des choix aux travailleur·euses d’en bas et ainsi de bouleverser le « marché du travail précaire » actuel. Au-delà, c’est l’ensemble du salariat qui bénéficierait de la modification du rapport des forces avec de nouvelles possibilités et des droits d’intervention sur l’organisation et le sens du travail. Aujourd’hui, chômage, précarité, pauvreté sont un moyen de maintenir la relation de subordination, le pouvoir du Capital dans les entreprises.

Répétons-le : il ne s’agit pas de l’introduction d’un revenu minimum, mais d’une mesure transitoire qui donne le temps de débattre d’un nouveau statut du travail salarié.

Faire payer ceux qui ont créé cette situation pour assurer leur pouvoir

Dans le débat public sur l’inflation, la droite s’efforce de passer sous silence le mécanisme de l’inflation. Pourtant, de plus en plus d’économistes considèrent que l’inflation est liée à l’augmentation des marges des entreprises qui leur permet de maintenir – voire d’augmenter – les dividendes versés aux actionnaires. Il devient visible que l’appauvrissement par la perte de pouvoir d’achat des un·es génère la croissance des actions et des patrimoines des autres, le nombre des millionnaires, etc.

La part dans les revenus et les patrimoines des 5 % les plus riches poursuit son ascension depuis des décennies.

Le relèvement massif des minima sociaux coûterait environ 30 Mds sur 2 ans. Ce montant est aisément mobilisable en le prélevant sur les revenus et le patrimoine de celles et ceux qui détiennent la richesse. Les formes de ce prélèvement exceptionnel (qui ne nécessite pas de réforme fiscale préalable à sa mise en place) peuvent être diverses : contribution exceptionnelle ou emprunt forcé. Ce sont des techniques fiscales qui ont le mérite de désigner l’adversaire et rompent avec la baisse de la fiscalité pour les riches. Avec l’objectif précis de réduction des inégalités générées par le capitalisme financier, nous assumons les augmentations d’impôts au nom d’une socialisation plus grande des richesses produites.

Notes