Avec le dernier numéro du Journal municipal de Béziers (JMB), titrant en Une « Ils arrivent ! », Robert Ménard, fait une fois de plus dans la surenchère nauséeuse. Cette fois il s’agit d’exploiter la crise des migrants en agitant la peur face à la menace de l’invasion étrangère. Photo montage à l’appui, relevant de la plus traditionnelle des propagandes fascistes, des familles sont montrées devant un train dans une gare aux frontières de l’Europe. Des affiches sont collées sur les wagons : « Béziers 3865 km », « école gratuite, hébergement et allocations pour tous ». Et l’éditorialiste d’interroger :« Combien sont-ils à converger vers l’Europe ? », « Des millions…qui marchent vers le Nord » assure-t-il.

Ménard attise les peurs face à la supposée invasion étrangère…
Tant sur la méthode que dans le contenu de l’article, nous sommes au cœur de la stratégie et du programme raciste de l’extrême-droite. Profiter des tragédies humaines pour jeter de l’huile sur le feu. « Profiteur d’abîmes » disait alors Daniel Mermet au lendemain des attentats de Paris pour décrire ceux qui, par leurs discours stigmatisants et belliqueux, exacerbent les peurs, alimentent la « guerre des identités » et la « guerre des civilisations », à l’instar de l’édile biterrois.
Dans cet article du JMB, la peur face à la menace supposée, mais néanmoins réaffirmée à tout bout de champ, de l’invasion, doit annihiler tout esprit de solidarité. La menace serait à nos portes, non seulement en France mais ici-même à Béziers. Aux choix allemands ou suédois d’accueillir en grand nombre des réfugiés, le maire de Béziers semble donc préférer celui de Viktor Orban en Hongrie… avec des mûrs et des barbelés autour de Béziers ?!

Et propose les solutions racistes du FN
La « priorité nationale » chère au Front National est alors brandie comme une évidence :« devant un mouvement de population d’une ampleur inouïe, celui qui accueille doit aussi penser à lui, aux siens, à ceux qui sont déjà là » est-il écrit. Et aussi comme une nécessité dans un contexte de difficultés économiques. Rengaine connue de « la France qui ne peut accueillir toute la misère du monde » et qui finit hélas par entrer dans les têtes au point d’annihiler toute capacité de pensée critique.
Dénoncer les immigrés-profiteurs aspirés par l’appel d’air que constituerait le système social français, mais sans jamais s’en prendre aux profits et au capitalisme, est une constante du discours de l’extrême-droite. Et le JMB de s’en prendre au « demandeur d’asile nourri, blanchi, hébergé, soigné gratuitement….». Tout en attisant la concurrence avec les Français qui disposent de faibles ressources, qui sont au chômage…. Diviser pour mieux (arriver à) régner, taper sur les plus faibles et épargner dans les faits les puissants (rien dans le programme du FN sur la redistribution des richesses), c’est une autre constante de l’ED.
Le coût de l’accueil des demandeurs d’asile est ainsi dans le collimateur du Maire. Un tableau récapitule le montant des allocations qui leur sont attribuées en fonction de la composition familiale : 202€ pour une personne seule, 311€ pour un adulte et un enfant, famille de 3 personnes 384€…. Pas de quoi baigner dans le luxe… Mais scandaleux pour le Maire de Béziers ! Et de fustiger aussi l’hébergement gratuit en CADA (Centre d’Accueil de Demandeurs d’Asile), la santé gratuite…. Si Robert Ménard nous dit qu’il a été ému par l’image du cadavre du petit Aylan, proposer de supprimer l’Aide médicale d’État (AME) qui permet aux personnes en attente de statut d’accéder aux soins fondamentaux (proposition claironnée par Marine Le Pen), quitte à les placer en situation de danger de mort, lui semble par contre tout à fait justifiée !

Ne nous laissons pas berner !
Accueillir les réfugiés relève avant tout de ce sentiment de notre commune humanité, de ce fait fondamental de reconnaître dans l’autre différent, un autre soi-même, sentiment sans lequel nous nous précipitons dans l’abîme. Voilà ce que nous ne devons pas oublier dans cette période trouble. À l’instar des manifestants de Berlin, Vienne, Londres, Copenhague ou Calais nous souhaitons la bienvenue aux réfugiés !
Mais il importe dans le même temps de tordre le cou aux arguments de l’extrême-droite tant sa morsure est désormais profonde. Qu’il s’agisse par exemple de la part à peu près stable des immigrés en France et bien inférieure à celle d’autres pays européens, du nombre très faible de demandeurs d’asile dont une part plus faible encore obtient le statut de réfugiés, nous sommes en réalité bien loin du fantasme de l’invasion.
La contribution positive des travailleurs étrangers qui reversent davantage à la société française sous forme d’impôts et de cotisations que ce qu’ils perçoivent en allocations, prestations de santé et retraites est aussi significative des contre-vérités matraquées et totalement banalisées.
Bien sûr l’afflux actuel des réfugiés en Europe (mais n’oublions pas l’accueil sans équivalent par le Liban, la Jordanie…), constitue toutefois un défi pour les États. Mais l’accueil (très modéré cependant en France) ne devrait pas pour autant déstabiliser les sociétés. Ce pourrait être au contraire l’occasion de refondre complètement la politique d’immigration qui a largement sa part de responsabilité dans les morts humaines en Méditerranée. Ce pourrait être aussi l’occasion de changer de discours sur l’immigration. Mais hélas rien n’est moins sûr.

Et organisons la contre-offensive !
Plus que jamais en ces temps troublés nous devons rester fidèles à nos principes de solidarité et d’hospitalité. Mais le combat doit aussi être politique, c’est-à-dire impliquer réflexion, action et donc stratégie de lutte.
Nous disions en particulier dans un article précédent (cf. Faire échec au combat des idées de Ménard) combien la conquête de « l’hégémonie culturelle » était centrale pour l’extrême droite, préalable à la prise du pouvoir et moyen de s’y maintenir. Elle l’est singulièrement dans le cas de Ménard à Béziers qui dispose de moyens financiers, logistiques et symboliques en tant que Maire, pour donner libre cours à ses provocations. Le journal municipal de Béziers constitue ainsi un formidable organe de propagande.
Le terrain des idées ne peut être abandonné à l’ennemi. Il doit être investi dans l’objectif de déconstruire son discours, d’en dénoncer la nocivité et les contre-vérités sur lesquelles il s’appuie. Dans le but aussi de créer des convergences autour d’une autre vision du vivre ensemble, de l’égalité, de la solidarité et de la démocratie réelle. Le journal Envie à Béziers, auquel participent des camarades d’Ensemble constitue en ce sens un lieu de production d’une contre-hégémonie culturelle antifasciste sur le Biterrois. Et quand on voit le Journal municipal de Béziers c’est une œuvre de salubrité publique ! Il est plus qu’urgent d’en élargir la diffusion.

Romain F

Quelques références :
Un article du Monde traitant des idées reçues sur l’immigration, mis en jour en juin 2015
En finir avec les idées fausses propagées par l’extrême-droite, Pierre-Yves Bulteau, Les éditions de l’atelier, en partenariat avec les organisations CGT, FSU, Solidaires, LDH, MRAP, JOC, Fidl,
– Rions un peu ! Parce que la dérision peut être une bonne façon de lutter, voici un lien vers le site Topito qui s’est amusé à détourner les Unes du Journal de Béziers