Le 3 mai, le collectif ENSEMBLE! Les Lilas a organisé, avec la Ligue des Droits de l’Homme, une soirée de projection-débat sur les sans-papiers. Des délégué·es de collectifs de sans-papiers de la région parisienne ont illustré, par leurs témoignages, les difficultés de leur vie quotidienne et montré leur détermination à continuer la lutte.
Mobilisation autour des sans-papiers aux Lilas (93)
Par Pierre Gayral pour le collectif des Lilas, le 7 mai 2024
Le collectif ENSEMBLE! Les Lilas a organisé, avec la Ligue des Droits de l’Homme, vendredi 3 mai, une soirée de projection-débat sur les sans-papiers.
Un documentaire
Le documentaire Premier de corvée de Julia Pascual, Camille Millerand et Émile Costard, coécrit avec Makan Baradji, introduisait la soirée. Il raconte l’histoire de Makan, travailleur malien sans papiers, qui cumule deux boulots en France. Cela lui permet de subvenir aux besoins des siens restés au pays. À travers son histoire, le film raconte la vie des milliers de travailleurs sans papiers cantonnés aux marges de la société. Ce sont pourtant eux qui font tourner des pans entiers de l’économie.
Des témoignages
Suite à cette projection, des délégué·s de collectifs de sans-papiers de la région parisienne sont intervenu·es.
Ielles ont illustré, au travers de leurs témoignages, les difficultés de leur vie quotidienne. Ielles ont surtout montré leur détermination à continuer leur lutte pour leur régularisation et l’égalité des droits.
Ielles ont rappelé la quasi-impossibilité de prendre des rendez-vous en préfecture, la durée intolérable (presque 3 ans) entre leur première demande de régularisation et la réponse de la préfecture, la répétition de récépissés de quelques mois sans aucune justification, même quand leur dossier est complet et répond aux critères.
Fousseiny, délégué des mineurs isolés de Belleville qui occupent la maison des métallos depuis un mois, nous a impressionné·es par sa capacité d’analyse et sa clarté. Il a témoigné de la lutte de ces jeunes qui demandent une reconnaissance de leur minorité, des hébergements dignes, un accès à l’éducation, une couverture santé et un accès aux transports gratuits.
Une soirée militante et pleine d’humanité
Cinquante personnes étaient présentes. Parmi elles, beaucoup connaissaient peu les sans-papiers et ont apprécié les prises de paroles des délégué·es. Elles se sont senties percutées par leur détermination et se sont demandé comment s’investir et aider leur combat.
En résumé, une très belle soirée à la fois militante et pleine d’humanité.
Un contexte national très défavorable
Cette initiative s’inscrivait dans un contexte politique national et européen très défavorable pour les migrant.es.
Au plan national, la loi asile immigration a été promulguée en janvier 2024 malgré une mobilisation importante des collectifs de sans-papiers, de leurs soutiens et d’une partie trop faible de la société civile.
Cette loi a fait apparaitre la très grande proximité entre les macronistes, les Républicains et le Rassemblement National. Marine Le Pen, à juste titre, a souligné que ses positions sur l’immigration se trouvaient légitimées après l’adoption de cette loi.
Une fois de plus, la question migratoire a reposé sur la peur fantasmée de la submersion migratoire. Elle a donc été très fortement instrumentalisée au détriment des migrant·es.
Entre autres, le volet répressif de cette loi s’incarne au travers de la multiplication envisagée des Interdictions de Retour sur le Territoire Français (IRTF) et des Obligations à Quitter le Territoire Français (OQTF), celles-ci passant de 1 à 3 ans.
Un sans-papiers qui reçoit une IRTF, s’il reste en France, ne pourra plus jamais déposer un dossier en préfecture. S’il est expulsé dans son pays et qu’il décide de revenir en France sans visa, l’État ne prendra pas en compte son antériorité. Il repart alors à zéro dans sa demande de papiers.
Un sans-papiers qui reçoit une OQTF, s’il reste en France, devra maintenant attendre 3 ans avant de redéposer un dossier.
Ces 2 outils visent à intimider les sans-papiers, les cantonner à rester des travailleurs et travailleuses sur-exploitées et donc à les faire taire.
Un contexte européen aussi répressif et sécuritaire
Au niveau de l’Union européenne, le Parlement, en votant le pacte européen en avril 2024, a adopté la même approche répressive et sécuritaire. Les mesures prévues : enfermement dans des camps des migrant·es entrant sur le territoire européen, tri sur la base de critères subjectifs et expulsion de force dans un pays tiers ou dans leur pays d’origine de toutes les personnes qui ne sont pas éligibles à l’asile.
Une nouvelle fois, des politiques racistes au détriment d’une politique d’accueil qui assurerait les droits fondamentaux pour des personnes en situation de migration.