Le 8 février 1962, eut lieu le massacre du métro Charonne. Une de nos camarades – alors adolescente – découvrait, chaque jour un peu plus, ce qu’était le régime en place. Elle s’étonne que l’on ne parle pas plus de ce cas de répression, d’autant que les protagonistes du massacre « méritent d’être connus ». Son article vise à ce que « les moins de 20 ans » connaissent mieux ce moment bien sombre de notre histoire contemporaine.
Le 8 février 1962 ne doit pas être oublié
Par Christiane Derdryver, le 2 février 2024.
En un temps où un Président de la République peut rendre un hommage à Pétain, en un temps où le Ministre de l’Intérieur et la Justice donnent presque un permis de tuer aux policiers puisqu’en général ceux-ci encourent surtout du sursis, il est bon de se rappeler le massacre opéré le 8 février 1962 lors de la fin d’une manifestation contre l’OAS1Organisation de l’armée secrète. Certains sont trop jeunes pour se souvenir de cette officine pilotée par des généraux factieux pour que l’Algérie reste française comme le voulait François Mitterrand quelques années plus tôt.
Cette année-là, la France signera les accords d’Évian le 18 mars, mettant ainsi fin à la guerre d’Algérie et rendant sa souveraineté au peuple algérien après des années de lutte. Mais ce sera aussi une année où se déchaînera l’OAS en Algérie et en France.
Plus de 180 plasticages auront lieu en janvier-février, et, en point d’orgue, la « nuit bleue » du 17 janvier, où 18 attentats secouent Paris. Le 7 février, l’appartement d’André Malraux est visé. Delphine Renard, petite fille de quatre ans, est blessée et devient aveugle. Le choc produit par cet événement polarise la colère de l’opinion — de gauche surtout — accumulée au fil des agressions, depuis le plasticage de la gare d’Orsay, le 22 janvier (12 blessés et 1 mort) jusqu’aux attentats contre Jean-Paul Sartre et le siège du PCF.
En août, l’OAS commettra même un attentat contre de Gaulle, attentat qui fut un échec, mais qui montrait que les factieux ne s’estimaient pas battus.
En réaction à ce déchaînement de violence, le PCF, le PSU et les syndicats – dont la CGT, la CFTC et l’UNEF – appellent à manifester le 8 février 1962. La manifestation est interdite par le Ministre de l’Intérieur de l’époque, Roger Frey, qui fait appliquer son ordre par le Préfet de Police Maurice Papon. Celui dont les états de service sont déjà chargés :
- organisation du convoi qui emmena plus de 1 500 juifs vers les camps de la mort lorsqu’il était secrétaire général de la Préfecture de Gironde
- répression du 17 octobre 1961 contre les Algériens qui manifestaient pacifiquement à Paris faisant ainsi aux alentours de 200 morts par balles ou par noyades.
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Les policiers attendent la fin de la manifestation pour charger les manifestant·es dont certain·es cherchent à se protéger en descendant dans le métro, Peine perdue, les policiers tapent à coups redoublés avec ce qu’on appelait le « bidule » et envoient sur eux des grilles d’arbres et de la station. !
Neuf manifestant·es seront ainsi tué·es, trois femmes et six hommes. Huit étaient membres du PCF.
Le 12 février, le premier ministre Michel Debré fait part de son admiration et de sa confiance à la police parisienne et il n’hésitera pas, le 13 avril de la même année, à écrire une lettre à Maurice Papon pour rendre « un particulier hommage à [ses] qualités de chef et d’organisateur, ainsi qu’à la façon dont [il a] su exécuter une mission souvent délicate et difficile ».
Le 13 février, plusieurs centaines de milliers de Parisien·nes rendent hommage aux victimes et se rendent à leurs obsèques au Père Lachaise.
C’est une page peu glorieuse de l’histoire de la France contemporaine qu’il convient de ne pas oublier.
Pour compléter, nous signalons que Alain Dewerpe a écrit un essai publié chez Gallimard dans la collection Folio – Histoire Charonne 8 février 1962, Anthropologie historique d’un massacre d’État.
Il est possible d’écouter une archive sonore dans laquelle Alain Dewerpe intervient : « Alain Dewerpe : « Charonne, 8 février 1962. Anthropologie historique d’un massacre d’État » »
À voir :
Notes
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