En mars 2015, l’hôpital « Lucie et Raymond Aubrac » de Villeneuve St Georges placardait une affichette à toutes ses entrées qui disait : « Laïcité neutralité de l’espace publique – Vous entrez dans un hôpital public. L’hôpital est un établissement public. Cet espace est laïc et neutre. Le respect de cette neutralité suppose que les tenues vestimentaires ne présentent aucun signe ostensible lié à une religion quelle qu’elle soit. »
Même si ce n’est pas dit, c’est bien le foulard qui était visé par cette affichette. Suite à une mobilisation citoyenne, après qu’un élu municipal eut interrogé la direction de l’hôpital, le directeur a fait machine arrière, reconnaissant une « maladresse » !
Cet événement témoigne des dérives actuelles.
La direction de l’hôpital, qui avait organisé un groupe de travail sur la laïcité, justifiait cette consigne discriminatoire sur « Circulaire 2005-57 du 02/02/2005 relative à la laïcité dans les établissements de santé » qui évoque la « Liberté religieuse (..) et (le) principe de non discrimination ». Or cette circulaire (juridiquement contestable par ailleurs) évoque la question du « prosélytisme » et il n’est fait nulle part mention de signes « ostensibles » . En réalité, cela signifie « femme musulmane portant un foulard », c’est d’ailleurs bien comme cela que l’avaient compris les vigiles qui montraient l’affiche à toute femme portant le voile. La neutralité des tenues vestimentaire est pour les fonctionnaires (infirmières, médecins, femmes de ménages, brancardiers…), mais pas pour les usagers (malades, familles, visiteurs…). On est clairement dans une utilisation totalement abusive de la laïcité. L’affichette parle de neutralité de l’espace public, mais comme dans tous les hôpitaux, il y a une aumônerie (catholique) et une chapelle dans l’établissement !
Pourquoi sortir une telle mesure maintenant (la circulaire utilisée pour justifier cette mesure date de 2005) il y a de quoi s’interroger. Il y a depuis les attentats de janvier une multiplication des actes islamophobes, une surenchère permanente sur l’islam (déclarations de Sarkozy pour le porc dans les cantines et contre les femmes voilées, interdiction du foulard dans les crèches, loi examinée au Parlement le 11 mai), débats sur une éventuelle extension de la loi de 2004 pour interdire le foulard à l’université…). Un des directeurs du conseil d’administration de l’établissement public n’est autre que Dupont Aignan, qui essaye de « draguer » les électeurs du FN et de l’UMP. Il avait d’ailleurs soutenu l’année dernière la fusion, au 2ème tour des municipales dans cette ville, de la liste UMP-Debout la France avec celle du FN. Comme par hasard, un clin d’oeil raciste en direction de l’électorat FN à Villeneuve St Georges était toujours bienvenu pour certains, alors qu’à nouveau la bataille électorale pour le département fait rage…
La laïcité n’est qu’un prétexte. Les principes fondateurs de la loi de 1905 sont tordus et on cherche à l’instrumentaliser pour des motifs purement politiciens. Rappelons qu’elle vise à permettre de vivre ensemble et de construire en commun une société démocratique où prévalent un certain nombre de valeurs universelles. Elle garantit la liberté de conscience et d’expression publique de ses croyances ou engagements, la liberté de croire ou non à une transcendance, de pratiquer une religion ou de n’en pratiquer aucune et l’égalité des droits, qui se traduit en terme plus moderne par un principe de non-discrimination (Article 1 « La République assure la liberté de conscience »). Elle s’impose aux services publics et à leurs agents qui doivent être neutres par rapport à tous les usagers pour leur assurer une vraie égalité de traitement, mais ne peut servir à discriminer des patients et leur famille sur des critères religieux.
Nous réaffirmons donc notre opposition à l’instrumentalisation de la laïcité et de la loi de 1905. Nous nous opposons à la stigmatisation des musulmans et réaffirmons l’urgence à combattre tous les racismes. Aujourd’hui, c’est la casse sociale de l’hôpital public qui est la réelle menace. Dans le cadre du « pacte de responsabilité », 22 milliards d’€ de coupes budgétaires sont prévues pour financer les cadeaux faits au patronat (40 milliards d’€). Cela va se traduire dès l’année prochaine par 22 000 suppressions de postes dans les hôpitaux. Ne nous trompons pas d’ennemis. Le problème, c’est la politique de ce gouvernement, pas le foulard !
Ensemble ! 94, le 31 mars 2015.