C’est ce qu’on pourrait conclure si l’on regarde de près l’étude conduite par l’INERIS et rendue publique fin juin 2015. En 2012, l’INERIS a coordonné ce travail prospectif sur les polluants dits « émergents » dans les eaux des rivières et plans d’eau du territoire national (métropole et DOM). Commandée par le Ministère, cette étude avait pour objectif de faire un état des lieux de la présence de polluants peu recherchés ou mal connus.
Plus précisément, son objectif était de définir une liste des substances les plus pertinentes à surveiller de manière régulière dans l’avenir, de repérer les polluants émergents et de consolider la liste de substances visées par le plan ECOPHYTO. Enfin, de faire ressortir les « lacunes » et améliorer les connaissances sur les effets toxiques et écotoxiques de ces substances.
Si les auteurs affirment que les constats faits ne constituent pas le reflet exhaustif de la contamination des milieux aquatiques par les micropolluants, nous sommes toutefois en mesure, au vu des résultats publiés, d’être inquiets. Le travail est impressionnant : 80 000 mesures, 182 substances recherchées, 158 points de mesure, répartis entre cours et plans d’eau (à la fois dans l’eau et dans les sédiments), dans des milieux agricoles, urbains et industriels, le tout à des saisons hydrologiques différentes (printemps, été et automne).
Les molécules recherchées proviennent de produits à usage professionnel ou domestique : produits de soin corporel, plastifiants, résidus de médicaments, pesticides et biocides, hydrocarbures aromatiques, retardateurs de flamme, tensio-actifs, antioxydants, additifs d’essence, molécules industrielles diverses, etc.
Les résultats donnent à réfléchir :
Dans l’eau, 73 % des substances recherchées (soit 60 molécules) ont été trouvées au moins une fois dans les cours d’eau et 28 % (soit 23 molécules) au moins une fois dans les plans d’eau.
Dans les sédiments, 63 % des produits recherchés (soit 85 molécules) ont été quantifiés au moins une fois dans les cours d’eau et 44 % (soit 59 molécules) au moins une fois dans les plans d’eau.
Dans l’eau, 34 substances peuvent être qualifiées « d’omniprésentes » puisque trouvées dans tous les bassins au moins une fois. Une grande partie des catégories d’usage est représentée : 1 additif d’essence, 1 molécule industrielle type naphtalène, 1 HAP, 4 produits de soins corporels, 12 pesticides et biocides, 9 résidus de médicaments, 5 plastifiants et 1 alkylperfluoré.
Parmi les molécules omniprésentes dans l’eau, on trouve 3 composés de parabène utilisés dans plus de 80 % des produits d’hygiène et de toilette (shampooings, crèmes hydratantes, mousses à raser) et un plastifiant à base de phtalates couramment utilisé dans les plastiques en nitrocellulose, les vernis à ongles ou encore la laque. À noter que les parabènes sont considérés comme des perturbateurs endocriniens !
La détection de ces polluants dans l’eau de nos rivières est certainement une avancée dans la connaissance de notre environnement. Il faut maintenant en mesurer l’impact, les résultats publiés étant pour le moins inquiétants. La vraie solution serait certainement d’arrêter l’emploi de ces molécules qui ne servent bien souvent qu’au « marketing » ou au confort.
Les industriels de la cosmétique, de la plasturgie, de la pharmacie, etc. feraient bien de prendre conscience des dégâts qu’ils occasionnent à dame nature et revoir la composition de leurs produits !
René Durand