Les négociations relatives au dialogue social ont échoué. A dire vrai, d’une séance à l’autre, le projet d’accord proposé par le MEDEF n’avait pas beaucoup évolué, ce dernier restant campé sur l’instauration d’une instance unique a minima : le conseil d’entreprise. Cette unique instance de représentation des salariés dans l’entreprise emportait avec elle la disparition du CHSCT et la mise sous mettre des délégués syndicaux à l’égard du conseil d’entreprise. Mais surtout, le projet du MEDEF martelait une fois de plus l’idée que la loi et l’accord de branche devaient être supplétifs de l’accord d’entreprise, foulant au passage du pied le droit fondamental des salariés à l’information et à la consultation. En effet, le fait de renvoyer l’essentiel à la négociation collective d’entreprise aurait conduit à rendre bien minces les garanties légales apporter au droit de participation des travailleurs.
Le projet de décentraliser de la production des normes sociales vers l’entreprise pour émanciper cette dernière de toute contrainte extérieure, jugée en soi illégitime, est ancien. Et à bien des égards, ce projet est déjà une réalité. Mais le constat du patronat, rappelé dans le préambule du projet d’accord demeure inlassablement qu’il existe une contrainte excessive imposée par le droit du travail. La représentation des salariés n’échappe pas à cette tentative. Mais, s’y attaquer comporte un risque supplémentaire, dans la mesure où la représentation des salariés n’est pas seulement l’objet de normes ; les représentants des salariés participent aussi à l’élaboration de normes. Partant, la décentralisation et la contractualisation des règles sur la représentation des salariés sont nécessaires pour atteinte le but ultime du patronat : l’auto-réglementation de l’entreprise.
À lire le préambule, les règles sur la représentation collective des salariés n’ont plus tant pour finalité l’effectivité du droit des salariés à être représentés, c’est-à-dire le droit d’exprimer et de défendre leurs intérêts face à l’employeur. Évoquée à travers l’idée de dialogue social, la finalité serait désormais de « permettre aux salariés de mieux saisir la stratégie de l’entreprise », et mieux encore de servir de « puissant levier de compétitivité ». Autrement dit, c’est l’efficacité économique des entreprises qui devient le but du dialogue social, but que les règles légales seraient, par essence, incapables d’atteindre.
En définitive, la démocratie sociale et son avatar, le « dialogue social », sont pensés  comme une « contre-démocratie », faisant face à la démocratie politique. Ce projet était clairement affirmé dans la dernière mouture du projet. En effet, un ultime article instituait un « comité de suivi de transposition », mouche du coche du Parlement. Ainsi lisait-on : « dans le respect des prérogatives du Parlement, le comité de transposition veille à la transcription fidèle de l’accord dans la loi et informe, le cas échéant, le Parlement des points dont il jugerait la transposition non conforme à l’accord »…. Bienvenue dans l’ère du néo-corporatisme !
Bien heureuseuement, l’ensemble des organisations syndicales a finalement refusé de céder. Parmi les négociateurs, tous n’étaient pas hostiles au principe d’une instance unique. Cependant, la suppression de la double consultation (au niveau central et au niveau des établissements), la faiblesse des moyens accordés aux représentants élus, la définition de l’établissement distinct comme cadre d’élection et de désignation des délégués syndicaux ont été autant de motifs d’un désaccord franc, les mêmes motifs au demeurant que ceux qui avaient conduit à faire échouer les négociations la semaine dernière. Rien d’étonnant donc à ce qu’elles aient de nouveau tourné court.
L’échec des négociations aura également permis de faire surgir le problème de la loyauté de la procédure de négociation. Quelle légitimité peut bien avoir un accord, fut-il majoritaire, s’il est élaboré par le seul patronat, faisant fi des contre-propositions syndicales, et discuté en catimini lors de négociations séparées ?
Reste à savoir quel sens donner à l’obstination du MEDEF pendant ces négociations. N’a-t-il pas volontairement fait échouer les négociations ? Pourquoi ne pas parier que le gouvernement élaborera un projet de loi sur la base de ses propositions ? Toutes les expériences récentes lui donnent raison d’espérer : la loi de sécurisation de l’emploi, le pacte de solidarité, le projet Macron… Alors pourquoi pas le dialogue social ? Mais peut-être vise-t-il encore plus loin, attendant le retour de la droite en 2017.
Josépha Dirringer