Tout le monde parle du Hamas mais peu connaissent l’histoire de ce mouvement. L’article qui suit vise à donner des clés de connaissance et de compréhension sur les origines, l’évolution et le développement du Mouvement de la résistance islamique.

Origine et développement du Hamas

Par Jacques Fontaine. Le 15 octobre 2023

Le Mouvement de la résistance islamique (ou Hamas, selon son acronyme arabe) a été créé en 1987, à l’aube de la première intifada par des militants issus des Frères musulmans, avec le soutien d’Israël1AFPS, Des Frères musulmans au Hamas, Palestine Solidarité n° 83, janvier 2023..

Le développement du mouvement des Frères musulmans en Palestine (1935-1987) : la volonté de réislamisation

Fondés en 1928 en Égypte par un instituteur pieux, Hassan al-Banna, les Frères musulmans sont une société secrète dont le but est de revenir aux préceptes originels de l’islam. Ils ont une conception à la fois religieuse et politique de la religion musulmane et souhaitent le retour au califat. Présents dès 1935 en Palestine, des Frères participent à la grande révolte arabe de 1936-1939, puis à la guerre contre Israël de 1948-49.

La guerre israélo-arabe de juin 1967 marque un tournant radical dans le conflit israélo-palestinien, avec un recul des mouvements progressistes et laïcs, au profit de mouvements religieux, aussi bien en Israël (sionisme religieux) que dans le monde arabo-musulman (islamisme). Ce double mouvement va contribuer à gommer en partie l’aspect fondamental du conflit israélo-arabe, conflit politique entre un peuple colonisé et un pays colonisateur au profit d’une dimension religieuse survalorisée, ce qui fait le jeu du colonisateur israélien.

Dans les années 60 et 70, les Frères musulmans privilégient la réislamisation de la société à la résistance active à Israël qui pour eux est seconde, ce qui satisfaisait les Israéliens qui approuvent la création d’une « Association islamique » dirigée par un cheikh infirme, Ahmed Yassine. Petit à petit, la question de la lutte armée devient plus prégnante chez les Frères et des petites cellules militaires sont formées au début des années 80.

1987-2004 : la primauté de la lutte armée

Créé début décembre 1987 à Gaza, le Hamas joue un rôle important dans la première intifada, d’abord à Gaza, puis en Cisjordanie, sans que cela pose question aux dirigeants israéliens qui voient dans le Hamas un moyen de contrer l’OLP2Organisation de libération de la Palestine.

En 1988, le Hamas approuve une Charte qui refuse toute négociation avec Israël et prévoit, « face à l’usurpation par les juifs de la terre de Palestine », sa destruction par le jihad ; d’autres articles sont franchement antisémites, parfois inspirés par Les Protocoles des sages de Sion. Cette Charte, peu citée par les dirigeants du Hamas, « a fini par devenir un boulet plutôt qu’un étendard intellectuel »3Hroub K., 2008, Le Hamas, Démopolis, Paris, 250 p. ; les dirigeants du Hamas le définissent comme « anti-sioniste, pas anti-juif »

Dans la logique de sa Charte, le Hamas s’oppose aux négociations de paix menées à Oslo, ce qui entraîne Israël à prendre ses distances avec lui en 1993. En mars 1994, il annonce une campagne d’attentats-suicides. À la multiplication des attentats pendant la seconde intifada, Israël réplique par une politique d’assassinats ciblés dont le Cheikh Yassine est victime le 22 mars 2004, ce qui n’empêche pas le Hamas d’être de plus en plus populaire, à Gaza comme en Cisjordanie.

2004-2022 : la participation à la politique institutionnelle

Suite aux revers de la seconde intifada et aux difficultés de la population palestinienne qui a subi la militarisation de cette intifada, le Hamas, pragmatique, change à nouveau de stratégie après les assassinats du printemps 2004 : il s’intéresse progressivement à la vie politique palestinienne et il accepte de participer aux élections locales où il apparaît comme la première force d’opposition à l’OLP. Fort de ce succès, il se présente aux élections législatives de 2006 qu’il remporte(74 sièges sur 132). Mais s’il devient le premier parti palestinien avec 42,9 % des voix, le Hamas n’en est pas moins minoritaire et ne doit sa victoire qu’aux profondes divisions du Fatah4Fatah qui ont fait le jeu du parti islamiste. À Gaza, où sa victoire est plus large qu’en Cisjordanie (48,3 % des suffrages exprimés contre 43,6 % pour le Fatah), il s’empare du pouvoir par un coup de force au printemps 2007 et y établit un régime particulièrement autoritaire.

Le Hamas poursuit sa mutation, il reprend sa proposition de trêve (à la condition qu’Israël évacue tous les territoires occupés) et en porte la durée à 20 ans, puis 30. En 2017, il amende sa Charte (dont la version de 1988 n’est cependant pas formellement abandonnée) : il accepte le principe d’un État palestinien dans les limites de 1967 et déclare que « résister à l’occupation par tous les moyens et toutes les méthodes est un droit légitime par des lois divines et des normes et lois internationales ».

On ne peut terminer cet article sans évoquer les financements du Hamas : le financement des activités militaires est assuré par l’Iran (comme celui du Hezbollah libanais, ce n’est un secret pour personne !). Celui de ses activités civiles l’est par le Qatar. J’en ai appris la méthode en 2021 par une source tout à fait fiable : les valises de billets arrivent par avion à l’aéroport Ben Gourion et sont transférées sous bonne escorte israélienne jusqu’au point de passage d’Erez où elles sont remises au Hamas. Je pense que c’est cette complicité israélo-qatarie qui explique qu’Israël ne demande pas l’adhésion du Qatar aux accords dits d’Abraham.

Conclusion

Le mouvement des Frères musulmans palestiniens qui, au début des années 80, privilégiait la réislamisation de la société palestinienne à la lutte contre l’occupation sioniste a bien évolué. Après une phase de militarisation qui lui a apporté reconnaissance et prestige, mais qu’il a payé très durement ainsi que la population palestinienne, le Hamas a su se remettre en question et a joué le jeu démocratique des institutions palestiniennes issues des accords d’Oslo auxquels il est toujours opposé. Néanmoins, comme le prouvent les agressions israéliennes au printemps 2021 et à l’été 2022, le Hamas garde une option militaire. Cette option militaire convient bien au gouvernement israélien pour qui le Hamas est le meilleur ennemi. En mars 2019, Netanyahou ne déclarait-il pas cyniquement, devant les députés du Likoud : Quiconque veut contrecarrer l’établissement d’un État palestinien doit soutenir le renforcement du Hamas et le transfert d’argent au Hamas. Cela fait partie de notre stratégie.

Notes