Une nouvelle formation politique ?

Eugène Bégoc contribue au débat ouvert par Jean-Claude MAMET sur ce site. Quelles finalités sert la constitution de L’APRÈS qui se réunit ces 21 et 22 juin avec la participation d’ENSEMBLE!, les un·es et les autres engagé·es dans la constitution d’une nouvelle formation politique à gauche ?

Avons-nous besoin d’une nouvelle formation politique ?

Par Eugène Bégoc. Le 18 juin 2025.

Trois raisons au moins conduisent ENSEMBLE! et l’APRÈS – que GDS a déjà rejoint – à construire une nouvelle force politique de gauche en France1Une force commune avec L’APRÈS. Espérons que d’autres composantes unitaires nous rejoindront rapidement.
À l’école du mouvement social
La première raison d’oser la création d’une nouvelle organisation à gauche découle d’un fait nouveau et majeur. Les élections législatives des 30 juin et 7 juillet 2024 ont été marquées par l’intervention syndicale, associative, citoyenne. De nouvelles formes d’articulation entre initiatives partidaires et expressions politiques syndicales, citoyennes et associatives sont donc à inventer.
Ce sera probablement le terrain de première mise à l’épreuve de notre convergence en marche.
Un cartel électoral français à ouvrir
La deuxième raison de créer un parti tient à l’enkystement des quatre partis du cartel Nouveau Front populaire (NFP) dans les jeux que leur assignent l’Élysée et les médias. Chacun est très éloigné des couches sociales dont ils veulent rester les représentants.
Faut-il pour autant abandonner les rôles que la forme parti a assuré dans le passé des gauches européennes ? Construire une stratégie de dépassement des rapports sociaux capital-salariat(s) : faire vivre le patrimoine d’expériences et d’idées critiques du capitalisme et des sociétés de domination ; permettre l’échange de milieux professionnels et d’engagements diversifiés ; impulser de nouvelles initiatives émancipatrices…
Notre nouvelle formation politique a un rôle irremplaçable à assurer pour actualiser la critique de l’État. Le patrimoine d’expériences et d’idées autogestionnaires est essentielle pour subvertir la subordination médiatico-électorale de la majorité sociale.
Les carences de la gauche à l’échelle européenne
La troisième raison tient à trente ans de déliquescence des partis de gauche à l’échelle européenne. Il nous faut inverser la tendance !
Peut-il en 2025 ne pas y avoir une voie diplomatique européenne de gauche ? Le sort des peuples ukrainiens, palestiniens, libanais, syriens et iraniens ne peut être abandonné aux escalades meurtrières des régimes agresseurs et oppresseurs.
Frontex et les négociations avec les pays du pourtour méditerranéen pour refouler les migrants.es doivent être abandonnés. Les partis de gauche qui ont assumé et contribué à mettre au point la politique d’Europe forteresse doivent être confrontés au bilan de leur action de trente ans.
Une nouvelle alliance des gauches européennes doit se construire. Elle doit nous sortir de l’immobilisme gouvernemental devant la violation des droits humains et du droit international. Cet immobilisme qui n’a su ni anticiper, ni répondre aux agresseurs russes et israéliens.
Ces mêmes partis gouvernementaux de gauche – plus ou moins roses, plus ou moins verts – sont depuis trente ans dépourvus de tout volontarisme. Quand des sites sont restructurés ou fermés, les savoir-faire des collectifs de travail impactés n’ont pas été pris en compte pour réorienter le tissu industriel européen vers la valorisation d’usages collectifs.
Pourtant, il y avait et il y a nécessité d’être audacieux dans le déploiement des transports en commun et des habitats partagés. C’est l’alternative au consumérisme sans limites du pavillon et de la multimotorisation. Le tissu urbain historique du continent et ses équilibres ville / campagne, aussi gravement abimés sont-ils, constituent de vrais leviers pour remettre l’humain au cœur de la fabrique de la ville.
Faire creuset d’une gauche d’opposition
Les gauches « responsables » –  à un moment de relative « bonne santé économique » – ont décidé de faire jeu égal avec le populisme des Berlusconi et Chirac.
N’est-ce pas à compter de ce moment qu’elles ont abandonné le rôle de gauche d’opposition ?
En l’absence d’opposition, l’atlantisme aveugle des électrices et électeurs de droite, combiné au renouveau des pratiques patrimoniales rentières, les a fait converger irrésistiblement avec les extrêmes droites nationalistes et liberticides.
Effet de conjoncture ? Lame de fond ?
Laissons la réponse en suspens. Développons les pratiques et les convergences de gauche d’opposition. Reconstituons un front contre les orientations des droites continentales et britanniques.
Soyons sûrs : elles continueront à se radicaliser. Le fond de l’air n’est ni brun ni bleu aujourd’hui, la confrontation est à dix ou quinze ans, donc commençons sans attendre à cette échelle européenne.
Et la primaire de gauche ?
Les quatre du cartel NFP considèrent, chacun dans son couloir, que 2027 est acquis aux droites et à l’extrême-droite. Une mobilisation pré-électorale de type primaire des citoyen·nes de gauche peut-elle défier ces pronostics ?
Plusieurs parmi nous en sont convaincu·es. Sur notre site, Jean-Claude Mamet développe un argumentaire charpenté dans cette direction2Primaire ou pluralisme ?. Le débat est devant nous.
Assumer l’échéance de la citoyenneté locale
Mais d’ores et déjà, face aux droites en pleine radicalisation, il nous faut faire front uni, dès maintenant, pour mars 2026. La crise de la démocratie qui limite l’intervention citoyenne au temps de l’isoloir est irréversible. C’est à nous de faire vivre une citoyenneté ouverte et active dès à présent.
L’aspiration à l’union – c’est-à-dire à ne pas exclure (tel parti) ni à ne minorer aucun positionnement à gauche (citoyen, associatif, syndical) – peut faire « bouger les lignes ».
L’importante mobilisation électorale derrière les droites et l’extrême-droite justifie un nouveau dispositif électoral à gauche. Il faudra présenter une seule liste de gauche dans toutes les communes en mars 2026, en préfiguration d’une seule candidature à la prochaine élection présidentielle et dans les 577 circonscriptions législatives.




Relancer la dynamique populaire

Juin 2024 : Partis de gauche et écologistes, forces syndicales, associatives et citoyennes attachées à la justice sociale et environnementale et à la démocratie se mobilisèrent. Un Front républicain porta le Nouveau Front populaire en tête à l’Assemblée Nationale. Il faut retrouver cette dynamique pour relever les nouveaux défis.

21 juin 2025

Un an après, relancer la dynamique populaire unitaire !
Tel est l’enjeu de la réunion nationale du Réseau des collectifs du NFP !

Par le Réseau des collectifs du NFP. Le 12 juin 2025.

Il y a un an, le président de la République dissolvait l’Assemblée Nationale. L’extrême-droite espérait bien obtenir une majorité pour conduire une politique réactionnaire et raciste. Il n’en fut rien grâce à une formidable mobilisation citoyenne unitaire. Les partis de gauche et écologistes se rassemblèrent dans le Nouveau Front Populaire autour d’un programme de rupture. Les forces syndicales, associatives et citoyennes attachées à la justice sociale et environnementale et à la démocratie se mobilisèrent activement. Sous pression de la société civile, un Front républicain barra la route du pouvoir au Rassemblement national et porta le NFP en tête à l’Assemblée Nationale.

Comment retrouver cet élan aujourd’hui alors que la menace est toujours présente et qu’entre temps les mauvais coups gouvernementaux se sont enchainés ? Discutons-en le 21 juin !

Macron a bafoué le résultat des urnes pour continuer sa politique antisociale. L’extrême droite menace toujours. Elle se nourrit de la désespérance sociale et surfe sur les « paniques identitaires » qu’elle alimente en faisant de l’immigration la source des maux du pays. Avec la droite conservatrice, ils tiennent de concert un discours raciste et xénophobe qui met en péril le vivre ensemble. Des assassinats racistes récents en sont la conséquence et doivent nous alerter. Les groupes identitaires néonazis paradent dans différentes villes et menacent les immigrés et les militants de gauche. On imagine sans peine leur déchainement si Mme Le Pen et MM. Bardella, Retailleau et autres accédaient au pouvoir. Face à cela, la division des gauches et des écologistes serait irresponsable et suicidaire.

Quelles priorités programmatiques et quelle stratégie mettre en œuvre pour y répondre ? Discutons-en le 21 juin !

Dans le Loiret, Mme Le Pen et ses affidés se sont réunis pour un grand meeting en présence des dirigeants de leurs alliés européens dont le premier ministre hongrois Victor Orban. Dans son discours, les journalistes l’ont noté, fini la dédiabolisation cravatée, retour aux fondamentaux du populisme, du trumpisme, du nationalisme et du racisme. Les masques sont tombés et les yeux devraient s’ouvrir. La gauche sociale, citoyenne et politique y a répondu par une manifestation unitaire antifasciste avec plusieurs milliers de participants. Les principales organisations syndicales étaient représentées par leurs premiers dirigeants. Les partis de gauche et écologistes par des parlementaires. Des forces citoyennes étaient aussi présentes. Un petit air de Front Populaire flottait dans l’air.

Comment développer cet esprit de front uni contre le fascisme Dans les mois qui viennent, comment contester les discours de Haine qui détournent de l’essentiel ? Discutons-en le 21 juin !

Dans son intervention, qu’il faut lire dans son intégralité3https://www.cgt.fr/actualites/france/lutte-contre-lextreme-droite/intervention-de-lacgt- au-meeting-unitaire-de-montargis-contre-le-fascisme, Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT, a bien souligné l’enjeu :

« Il est des moments où l’Histoire nous appelle, non pas à commenter le cours des choses, mais à y intervenir. (…) Aujourd’hui, face à la montée de l’extrême-droite, ce moment est venu. (…) Comment ? Par l’unité d’abord. (…) Il faut être à la hauteur de la gravité du moment. L’histoire nous l’enseigne avec clarté : quand les forces progressistes sont divisées, l’extrême-droite avance. Quand elles sont unies, elle recule. L’unité, dans le respect de l’indépendance syndicale, n’est pas un luxe, ni un discours. C’est un acte de résistance.(…) Il faut se le dire franchement, tant que la gauche renoncera à transformer la société, tant que la gauche n’aura pas le courage d’affronter les forces du capital, cela ouvrira un boulevard à l’extrême-droite. Il faut donc pour la combattre ouvrir des perspectives sociales (…) »

Oui, des convergences dans l’indépendance des forces syndicales, associatives, citoyennes et politiques peuvent barrer la route à l’extrême-droite et ouvrir une perspective émancipatrice. C’est notamment notre proposition de convention pour la transformation sociale, écologique et démocratique. Discutons-en le 21 juin !

Un nouvel élan est nécessaire pour dépasser les divisions, pour refaire Front Populaire et relever les défis qui sont devant nous. Avec d’autres, les collectifs NFP ont un rôle à jouer. Nous l’avons fait il y a un an. Nous pouvons le refaire si nous nous nous en donnons les moyens. La deuxième réunion nationale du Réseau des collectifs locaux NFP revêt donc une grande importance pour prendre les décisions nécessaires. Soyons nombreuses et nombreux pour décider ensemble !

2ᵉ rencontre nationale 21 juin 2025

2ᵉ rencontre nationale 21 juin 2025




Lettre d’ENSEMBLE! n° 155

Lettre n° 155
du 12 juin 2025

Au sommaire :

  • L’Édito : Une victoire symbolique ;
  • Unité, rassemblement, mobilisation pour la rencontre des collectifs locaux NFP le 21 juin ;
  • Plus que jamais, solidarité avec la Palestine ! ;
  • Réflexions sur une démocratie libérale en crise :
  • 15 mai, on construit l’alternative : riche débat ! ;

La lettre d’ENSEMBLE n°155 (12-06-2025)




Yaïr Golan, un espoir en trompe-l’œil

Thomas Vescovi doute que le leader de la gauche sioniste, Yaïr Golan, incarne une perspective sérieuse de paix pour les Palestiniens. C’est ignorer la réalité de la société israélienne et des rapports de force politique. Seules des actions internationales peuvent stopper la politique israélienne. Un article à ne pas manquer.

Yaïr Golan, un espoir en trompe-l’œil pour sauver l’image d’Israël

Par Thomas Vescovi. Publié le 10 juin 2025 par The Conversation.

Si les récents propos du leader de la gauche sioniste, Yaïr Golan, qui a critiqué de façon très virulente la conduite de la guerre à Gaza, participent à créer des brèches dans une union militariste à laquelle il a abondamment contribué, les réactions suscitées par ses déclarations disent aussi beaucoup de la réalité d’une société qui consent très majoritairement à la politique conduite à l’encontre des Palestiniens.

« Un pays sain ne fait pas la guerre à des civils, n’a pas pour hobby de tuer des bébés, ne se fixe pas pour objectif d’expulser des populations. »

C’est ce qu’a déclaré Yaïr Golan, le leader du parti de gauche sioniste Les Démocrates (HaDemocratim), le 20 mai dernier à la radio publique israélienne. Il a ajouté qu’Israël serait « en passe de devenir un État paria ». Ces propos ont été immédiatement condamnés par Benyamin Nétanyahou, qui a dénoncé la « décadence morale » de Golan et qualifié ces déclarations de « calomnies antisémites ».

Deux jours plus tard, Golan surenchérissait : après l’assassinat de deux employés de l’ambassade d’Israël à Washington, il a accusé le premier ministre israélien d’alimenter « l’antisémitisme et la haine envers Israël […], mettant en danger chaque Juif à travers le monde ». Toutefois, face au tollé suscité, il a rétropédalé quelques jours plus tard sur Channel 12, affirmant notamment qu’« Israël ne commet pas de crimes de guerre à Gaza » et que sa prise de parole ne visait qu’à « sauver l’image de l’État d’Israël ».

[…]

La suite de l’article de Thomas Vescovi : « Yaïr Golan, un espoir en trompe-l’œil pour sauver l’image d’Israël »




La démagogie continuelle de Darmanin

Jean-François Le Dizès dénonce la démagogie de G. Darmanin. Ce dernier vient de se prononcer pour la suppression du sursis. Notre camarade rappelle qu’il vaut mieux prévenir la délinquance que durcir la répression et remplir des prisons déjà surpeuplées. Mais G. Darmanin est un habitué des prises de position populistes.

La démagogie continuelle de Darmanin

Par Jean-François Le Dizès. Le 8 juin 2025.

Le sursis en question

Récemment, Gérald Darmanin – en tant que ministre de la Justice – s’est prononcé en faveur de la suppression du sursis concernant les condamnations.

Cette mesure ne peut que faire exploser les effectifs dans les prisons. Comme celles-ci sont déjà surpeuplées, où mettrait-on ce surplus ? Leur taux d’occupation étant en effet déjà de 134%4https://www.lemonde.fr/societe/article/2025/05/31/la-surpopulation-carcerale-continue-de-s-aggraver-avec-83-681-detenus-au-1-mai-un-niveau-jamais-atteint_6609476_3224.html.

La proposition de Darmanin n’est-elle pas de la pure démagogie ?

Prévenir et guérir la délinquance

Au lieu de durcir la répression contre la délinquance, ne faudrait-il pas mieux la prévenir ?

Pour cela, commençons par réduire la pauvreté, qui est le principal lit de la délinquance. Or, au contraire, actuellement, elle augmente. En effet, le pourcentage des personnes vivant sous le seuil de pauvreté est passé de 6,6% en 2002 à 8,1% aujourd’hui5Dauphiné libéré, 4/6/2025 p. 40. À ce sujet, Darmanin, en tant que ministre de l’Intérieur, s’est-il interrogé sur le sens des émeutes de juin 2023 ?

De plus, quand on sait que 32%6https://www.justice.gouv.fr/documentation/etudes-et-statistiques/sortants-prison-2019-baisse-recidive-apres des personnes sortant de prison récidivent dans l’année qui suit leur libération, ne devrait-on pas aider davantage les détenus à se réinsérer ?

Et ce n’est pas en interdisant aux détenus de jouer, comme a tenté de le faire Darmanin, qu’on y contribuera. Au contraire, l’activité est un des moyens pour y parvenir. Or, seulement 31% des détenus ont un travail7https://oip.org/wp-content/uploads/2023/08/contribution-oip-sf-cescr-france-28082023.pdf et seul un sur quatre bénéficie d’une activité d’enseignement (réduite) alors que 90% d’entre eux ont un niveau inférieur au bac8https://oip.org/wp-content/uploads/2023/08/contribution-oip-sf-cescr-france-28082023.pdf.

Des coups d’épée dans l’eau

Darmanin n’en est pas à sa première prise de position populiste.

N’a-t-il pas annoncé sa volonté de monter une prison de haute sécurité en Guyane ? Ce qui a provoqué l’ire des Guyanais. Ce remplaçant du bagne de Cayenne verra-t-il le jour ?

Darmanin n’avait-il pas – en tant que ministre de l’Intérieur – annoncé en 2023 l’élimination des bidonvilles à Mayotte par son opération Wuambushu, en expulsant ses habitants du territoire ? Or, le cyclone survenu l’année suivante a montré qu’ils étaient toujours très présents.




Des assemblées citoyennes communales

Un enregistrement vidéo de la visioconférence sur les municipales, le communalisme et les expériences citoyennes. La rencontre s’est tenue le 27 mai 2025. Elle était organisée par le réseau des collectifs citoyens du NFP. L’objectif était de présenter et d’analyser aussi bien les succès que les limites de diverses expériences.

Collectif : Réseau des collectifs citoyens du NFP. Vidéo du 27 mai 2025.

Le réseau des collectifs citoyens du NFP a organisé le 27 mai une visioconférence sur les municipales, le communalisme et les expériences citoyennes.

L’objectif était de présenter et d’analyser aussi bien leurs succès que leurs limites.

Ont participé à cette visioconférence :

  • Pierre SAUVETRE sociologue, « Le municipalisme des communs », « Le Printemps marseillais » : Bilan de 2020,
  • David FLACHER, « Paris Collectif » (Projet citoyen),
  • Bernard PRIEUR, « Le Tiers citoyen » (Ivry-sur-Seine),
  • Annie CHICOT, « Le Havre citoyen » (en 2020),
  • Amélie CIFCI, « Viva » (Nice).
Vidéo à consulter et à partager !

Pour compléter, vous pouvez lire sur notre site :




Refaire Front Populaire !

Claude Debons a publié un billet que nous tenions à signaler. Les dernières élections européennes et législatives l’ont montré. La dynamique est en faveur de l’extrême-droite. Malgré un sursaut populaire lors des législatives, la menace demeure… Il faut travailler à une re-mobilisation citoyenne pour s’opposer avec succès à l’extrême droite.

Contre l’extrême droite, la nécessaire intervention du mouvement social et citoyen, pour refaire Front Populaire !

Par Claude Debons. Publié le 1er juin 2025 sur le Club de Mediapart

Les dernières élections européennes et législatives l’ont montré. La dynamique est en faveur de l’extrême-droite.

Elle a pu être contenue par un sursaut populaire lors des législatives, mais la menace demeure.

Comme ailleurs en Europe, on recueille là le résultat des politiques néolibérales qui ont aggravé la précarité, accru le sentiment d’abandon, obscurci l’avenir pour de larges pans de la population.

L’extrême-droite prospère aussi sur le sentiment du déclin de la France qui lui sert à alimenter une nostalgie réactionnaire.

S’y ajoutent les « paniques identitaires » alimentées à grand bruit par l’extrême-droite, suivie par la droite, qui désignent dans l’immigration et les musulman.es la source de tous les maux du pays, mettant en péril le vivre ensemble. Une partie du système médiatique y participe.

[…]

Lire la suite de l’article de Claude Debons : « Contre l’extrême droite, refaire Front Populaire ! »




Lettre d’ENSEMBLE! n° 154

Lettre n° 154
du 5 juin 2025

Au sommaire :

  • L’Édito : Le capital, prédateur sans vergogne ;
  • Le plastique, fantastique ou catastrophique ? ;
  • L’AES06, collectif pour la justice sociale et climatique, ;
  • Donbass et Crimée : oblasts russes ou ukrainiens ? :
  • Les ambiguïtés du consentement ;

La lettre d’ENSEMBLE n°154 (05-06-2025)




Amiens : élections municipales 2026

Eugène Begoc le rappelle : La mandature de la gauche plurielle fit exploser l’abstention des classes populaires et des couches moyennes aux scrutins de proximité. Le premier défi consiste à faire des élections municipales (dans neuf mois) une mobilisation comparable au sursaut salutaire de la gauche aux législatives de 2024.

La gauche amiénoise mettra-t-elle en ballotage le candidat macroniste aux élections municipales de mars 2026 ?

Par Eugène Begoc. Le 10 juin 2025.

C’est la mandature de la gauche plurielle qui fit exploser l’abstention des classes populaires et des couches moyennes aux scrutins de proximité. Cela fut relevé à Amiens. Les élections municipales de 2001 virent bondir de 40% l’abstention, un palier demeuré quasi contant depuis.

L’abstention des électrices et électeurs de gauche n’est pas une fatalité.

Une première exception toutefois : les grands ensembles votèrent en nombre au deuxième tour de l’élection de 2008. Cette participation empêcha Robien d’accéder à un quatrième mandat.

Deuxième exception bien sûr : l’élection des 30 juin et 7 juillet. Les quartiers de maisons ouvrières et les grands ensembles votèrent massivement dans la première et la deuxième circonscription. Le successeur désigné à la maire UDI – macroniste et assureur comme Robien des grands propriétaires et gros commerçants – fut privé du siège de député qu’il ambitionnait.

Dix-huit ans plus tard, le premier défi reste de faire des élections municipales (dans neuf mois) une mobilisation comparable au sursaut salutaire de la gauche aux élections législatives de 2024.

Le bilan de la gauche d’opposition sortante, un point de départ pour 2026.

Depuis 2020, les dix conseiller·ères de gauche ont publiquement combattu les intérêts privés chers aux droites amiénoises.

Premier terrain d’affrontement : le foncier et l’immobilier

La droite est farouchement opposée au « zéro artificialisation ». Elle a créé une nouvelle ZAC labellisée Boréallia sur des champs de production maraichère, à l’ouest d’Amiens. On touche là aux tractations des grands promoteurs avec les propriétaires agricoles. Ces derniers pèsent depuis toujours sur l’aménagement amiénois.

Deuxième terrain d’affrontement : l’emprise de la Chambre de commerce et d’industrie

Elle a la mainmise sur la Zone Industrielle d’Amiens nord. Elle n’a pas hésité à reconvertir le site de Goodyear dans la logistique.

Elle y a installé la ferme d’insectes verticale de la start-up Ynsect, positionnée sur la production innovante de protéines. La dernière réorientation mercantile de l’Ynsect mène droit dans le mur les capitaux publics et privés levés. Elle menace donc de licenciements les soixante salarié·es. Parmi eux, des femmes et des hommes reclassés de Whirlpool, entreprise majeure liquidée en 2008 !

Troisième conflit d’orientation urbaine : le parc de logements existant

Les droites amiénoises assument abandonner les politiques d’accompagnement et de programmation mises en place en 2014-2018. Pourtant, la rénovation des quartiers de maisons de ville est très importante pour une population qui ne trouve pas d’offre artisanale satisfaisante.

Le patrimoine des organismes publics décline alors que les loyers du privé flambent. L’expédient municipal actuel repose sur la vente des logements publics les plus attractifs pour redonner de la trésorerie aux gestionnaires.

Unique action positive depuis 2014 : l’extension du réseau de chauffage urbain

Engagé par la gauche dans son mandat 2008-2014, l’extension se poursuit. Mais la droite est passée de la régie directe à la gestion privée.

Périscolaire, CCAS, animation jeunesse… : les dix conseiller·ères de gauche ont eu à batailler sans arrêt depuis juin 2020.

La gauche a, dans ce bilan de l’opposition sortante, les grands axes de l’action à mener pour affronter solidement la droite en 2026.

Sondage quand tu mets en scène

Et cependant, un sondage commandé par le PS montre la gauche floue et en difficulté. Seul·es 24% des sondé·es se déclarent satisfait·es de la municipalité de droite sortante. Mais 36% annoncent que leurs votes se porteront sur elle, dès le premier tour.

Première cause de cette illisibilité de la gauche : des annonces partidaires totalement déconnectées des actions des dix conseiller·ères de gauche sortants. Ces derniers représentaient : PS, PC, Picardie debout!, EELV, ENSEMBLE! et un collège de quatre citoyen·nes sur dix.

Chacun·e depuis décembre 2024 s’agite pour prétendre incarner « le meilleur pour Amiens ». Ils font comme si les électeurs de gauche étaient analphabètes sur les pratiques anti-populaires et droitières des héritiers de Robien. Et l’ouverture aux candidatures citoyennes de 2008, 2014 et 2020 est dénigrée par les quatre du cartel NFP.

Des négociations sous emprise parisienne

Deuxième cause de défaillance de la gauche à neuf mois de l’élection, le spectacle des dissensions internes aux partis.

Les militant·es locaux sont désorienté·es par la négociation entre les états-majors nationaux du PS et du PC. Ils attribueraient la tête de liste à Léon Deffontaines. Il a pourtant été sèchement battu aux élections législatives en Picardie Maritime malgré sa notoriété de premier communiste de la liste européenne.

LFI, de son côté, met un point d’honneur à blacklister Picardie Debout! Elle est en pleine épuration interne, aidée par un POI implanté dans FO et la CGT, deux organisations départementales en crise. La cible de ces sectaires n’est autre qu’Evelyne BECKER, figure de la CGT et de la lutte des Goodyear. Elle était co-tête de la liste de toute la gauche au premier tour de 2020.

Et les unitaires ?

Génération.s, la Gauche écosocialiste, L’APRÈS associée à ENSEMBLE!, l’association « Ma parole citoyenne »… préparent des initiatives de rentrée pour redéployer une démarche large, ouvrant l’implication à toutes et tous, engagé·es ou non dans un parti, un syndicat, une association, un comité de quartier.

À suivre donc. Mais le chemin à refaire est ardu.




Protection du peuple palestinien

La protection du peuple palestinien est devenue une urgence absolue. Plus de 300 personnalités, dont Annie Ernaux, Adèle Haenel, Xavier Dolan, Raphaël Pitti, ou Elias Sanbar ont signé cette tribune pour exiger la protection des Palestiniens et la mise en œuvre du droit international. Nous la relayons à notre tour.

Appel de Paris pour la protection du peuple palestinien et la mise en œuvre du droit international

Collectif. Publié le 24 mai 2025.

La protection du peuple palestinien est devenue une urgence absolue.

À Gaza, après quelques semaines de suspension, les massacres de masse ont repris, accompagnés d’un siège total et d’une famine généralisée ainsi que des déplacements forcés de populations ; au moins 53 000 Palestinien·es ont été tué·es suite aux opérations militaires israéliennes ; la bande de Gaza est dévastée et devenue inhabitable.

En Cisjordanie — y compris Jérusalem-Est — en dix-neuf mois, plus de 1500 attaques de l’armée et des colons ont fait près de 962 morts et plus de 7030 blessé·es palestinien·es ; plus de 40 000 Palestinien·es y ont été déplacé·es de force.

Cependant, alors que le peuple palestinien vit la pire période de son histoire, la légitimité de son combat pour la justice et l’autodétermination face à la volonté d’effacement dont il fait l’objet, est réaffirmée par le droit international.

Dans le prolongement de l’avis de la Cour internationale de Justice (CIJ), l’Assemblée générale des Nations Unies a exigé par son vote du 18 septembre 2024 la fin de l’occupation israélienne du territoire palestinien et le démantèlement des colonies avant le 18 septembre 2025.

Dès lors, la France et l’Europe doivent s’acquitter de leurs obligations. […]

Voir la liste des signataires et lire la suite de l’appel « Appel de Paris pour la protection du peuple palestinien et la mise en œuvre du droit international » 




Libérez les passager·ères du Madleen !

Libération immédiate du Madleen et de son équipage !

Le Madleen, voilier de la « flottille de la liberté » a été arraisonné dans les eaux internationales, à 60 kilomètres de Gaza. 

Chargé d’aide humanitaire à destination de la population gazaouie, le bateau a été pris d’assaut par les commandos israéliens. Les 12 passager·ères ont été arrêté·es. Greta Thunberg – activiste suédoise – et Rima Hassan – eurodéputée franco-palestinienne, La France insoumise –  figurent parmi ces personnes.

Une fois encore, l’État d’Israël viole le droit international et se livre à un acte de piraterie. Faut-il rappeler que le blocus terrestre et maritime de Gaza ne date pas du 7 octobre, mais dure depuis 18 ans ?

Faut-il rappeler que ce n’est pas la première fois, qu’en toute impunité, l’État d’Israël attaque en haute mer des navires venus pacifiquement dénoncer ce blocus ignoble et exprimer leur solidarité avec la population de Gaza ? En 2010, l’intervention des commandos israéliens contre un navire turc s’était soldée par la mort de neuf personnes. Le 2 mai dernier, un premier bateau humanitaire avait été attaqué, au large de Malte, par des drones israéliens.

ENSEMBLE! dénonce l’arraisonnement du Madleen, exige la libération immédiate de son équipage et des personnes qui étaient à bord. ENSEMBLE! demande la restitution du bateau et de sa cargaison. 

Des sanctions contre Israël, État voyou, s’imposent pour mettre un terme au génocide en cours. Et la France doit reconnaître l’État de Palestine sans plus tergiverser.

ENSEMBLE! participera à toutes les actions en ce sens.

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Bagnolet, le 9 juin 2025
ENSEMBLE!
Mouvement pour une Alternative de Gauche Écologiste et Solidaire


Le communiqué d’ENSEMBLE! est téléchargeable au format PDF




Lettre d’ENSEMBLE! n° 153

Lettre n° 153
du 29 mai 2025

Au sommaire :

  • L’Édito : La honte ne les étouffe pas ! ;
  • Retour sur l’AG d’ENSEMBLE ! ;
  • Briser le mur du silence. Obtenir justice pour la Palestine maintenant ;

Lettre d’ENSEMBLE! n° 153




La santé est un droit en danger !

Nos camarades lyonnais participent à une action unitaire sur la santé qui débouchera sur un forum public fin juin. Militants politiques de Lyon et Villeurbanne, ils ont mis en commun leurs forces avec celles de diverses organisations pour défendre ensemble notre système de santé qui se dégrade chaque jour.

La santé est en danger, la santé est un droit

Par Denise M. (ENSEMBLE! 69). Le 3 juin 2025.

Il est urgent de la défendre, il est urgent que ça change.

Cette phrase que nous nous répétons depuis de longs mois, que nous entendons de partout autour de nous, dans nos familles, chez nos collègues, dans tous les secteurs, nous obsède.

Le « nous » ce sont des militant·es politiques de Lyon et Villeurbanne, d’une grande partie de NFP, de Génération·s, de Victoires Populaires, de Voix Commune.

Voilà des mois que nous avons décidé de nous retrouver en inter-organisations pour essayer de cerner le difficile problème de notre système de santé qui se dégrade chaque jour.

Nous ne pouvons plus supporter des hôpitaux saturés et des soignants épuisés, des pénuries de médicaments répétées, les déserts médicaux, les restes à charge de plus en plus élevés…

Nous avons pris le parti de recueillir des témoignages dans la rue, sur des marchés, à la sortie du métro, devant un hôpital, ceci depuis plusieurs semaines. Toutes ces actions ont été menées en inter organisations. Chacune était prise en charge par un des partis ou associations. L’équipe d’action était étoffée par les autres participant·es. C’est la première fois que nous travaillons ainsi malgré nos différences, mais uni·es sur une lutte commune.

Nous arrivons au terme de notre campagne : l’organisation d’un forum public avec la publication du résultat de notre questionnaire. Des invités syndicalistes et des associations de santé pourront y témoigner aussi de leur expérience. Des élu·es politiques entendront et répondront de leurs mandats dans ce domaine.

Nous voulons faire de ce moment – le 28 juin de 14H à 18H à l’Espace Jean Couty (métro Gorge de Loup) à Lyon – un temps fort pour que notre droit à la santé soit reconnu.

Ensemble, nous portons ces revendications :

  • Un recrutement massif de soignants,
  • des métiers du soin revalorisés,
  • la création d’un pôle public du médicament,
  • un réel service de prévention,
  • l’arrêt des fermetures de lits et de services,
  • un hôpital public renforcé,
  • la prise en charge des soins à 100 %…

C’est un vaste défi, un chantier à entreprendre avec d’énormes difficultés. Mais nous avons fait le pari de le faire ensemble et de tout faire pour qu’il aboutisse et que les choses changent.

Pour accéder au questionnaire, entrer l’adresse suivante : http://bit.ly/QuestSante




Liberté pour les prisonniers Kanak !

Liberté pour les prisonniers Kanak !

Christian Tein et trois autres militants Kanak sont emprisonnés depuis près d’un an en métropole. Deux militantes ont été placées en liberté surveillée. Les audiences les concernant se sont succédé au Tribunal de Paris entre le 19 mai et le 3 juin. Les juges d’instruction ont jugé qu’il n’y avait pas lieu de maintenir incarcérés ces militants. Ils ont donc ordonné leur remise en liberté.

Le Parquet ayant fait appel, le juge des référés de la Cour d’appel de Paris a décidé de les maintenir en détention provisoire. L’audience en Cour d’appel est prévue le 12 juin. La chambre de l’instruction s’y prononcera alors sur le fond.

Des négociations décisives pour l’avenir de la Kanaky/Nouvelle-Calédonie se dessinent. Elles seront organisées à Paris et toutes les composantes politiques sont appelées à participer. Dans ce contexte, toute journée, toute heure supplémentaire du maintien en incarcération des responsables politiques Kanak ne fait qu’aggraver une situation scandaleuse qui n’a que trop duré.

Libération immédiate des prisonniers Kanak !

Solidarité avec le peuple Kanak !

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Bagnolet, le 7 juin 2025
ENSEMBLE!
Mouvement pour une Alternative de Gauche Écologiste et Solidaire


Le communiqué d’ENSEMBLE! est téléchargeable au format PDF




Mai 1945. Massacres en Algérie 1/2

Le 8 mai 1945, à Sétif, une manifestation revendiquant le droit de l’Algérie à l’indépendance, tourna à l’affrontement. À Guelma, elle fut interdite. Des dizaines de morts français et algériens furent à déplorer. Ce fut le prélude à d’abominables tueries qui s’abattirent sur l’Algérie dans les jours suivants. Partie 1/2.

Mai 1945. Sétif, Kherrata et Guelma 1/2
Massacres en Algérie

Par Jean-Paul Bruckert. Le 2 juin 2025. Paru dans ContreTemps, revue de critique communiste, 65, avril 2025, p. 140-151

Il y a 70 ans, le 8 mai 1945, alors que les Alliés obtenaient la capitulation de l’Allemagne Nazie, se déroulaient en Algérie de tragiques événements. À Sétif, une manifestation revendiquant le droit de l’Algérie à l’indépendance, tourne à l’affrontement entre forces de police et Européens d’une part, manifestants d’autre part. À Guelma, la manifestation interdite, eut des effets immédiats plus limités. Si des dizaines de morts sont à déplorer en ce 8 mai tant du côté français que du côté algérien, ce n’est qu’un prélude aux abominables tueries qui s’abattront sur l’Algérie dans les jours suivants.

Des événements tragiques
Drapeau du 8 mai 1945 Bouzid_Saal_© Colokreb

Drapeau du 8 mai 1945 Bouzid_Saal_© Colokreb

À Sétif (près de 40 000 habitants dont 8 500 Européens), à la suite de la dispersion de la manifestation il y eut, dans la seule journée du 8 mai – en fait en pratiquement une heure – 61 morts (28 Européens – dont 9 par armes à feu et 10 par armes blanches – et au moins 33 « musulmans » – du fait de la police ou d’européens armés – car tous ne furent pas enregistrés). La manifestation des Algériens avait été autorisée à condition de ne brandir ni drapeaux algériens ni banderoles. Tout dégénère lorsque la police tentant d’arracher les drapeaux provoque une bagarre générale qui met le feu aux poudres. Des coups de feu éclatent. La police ? Des manifestants encadrant le jeune porte-drapeau ? Ordre de dispersion, reflux vers le centre-ville et le marché où sont accourus comme tous les mardis des milliers de fellahs de la région. Au cri de « el jihad fi sabil Allah»9Guerre sainte au nom d’Allah – entendu par les manifestants et les fellahs – la bataille se déclenche, au moyen d’armes de toutes sortes, mais le plus souvent de gourdins (debous). Une « folie meurtrière s’empare des ruraux non encadrés ». Elle dure une partie de la matinée, avant que les forces de l’ordre ne reprennent les choses en main.

À Guelma (20 000 habitants dont 4 500 Européens en majorité italiens, maltais ou juifs) et sa région, le scénario fut quelque peu différent : un foyer de nationalisme dans une population descendant des tribus déplacées à la suite de la révolte de Mokrani (1871), un sous-préfet convaincu des vertus de la force, le décalage avec Sétif qui fait que la manifestation ne s’ébranle qu’à 17h et est presque immédiatement bloquée.

Dans les campagnes, entre le 8 et 11 mai, la nouvelle des évènements en ville déclenche – dépassant les consignes du PPA – le soulèvement des tribus des massifs montagneux qui s’en prennent aux fermes isolés et centres de colonisation. Les ruraux attaquent des fermes, des centres isolés ou des individus de rencontre. « Cette absence d’organisation permet les violences les plus atroces et aussi les répressions les plus féroces » (Rey-Godzeiguer). À Perigotville (Aïn El Kébira) onze français sont tués.

À Kherrata – où la cérémonie s’est déroulée sans incident – les familles sont regroupées en dehors du village au Château-Dussaix, prêtes à soutenir un siège. De fait, la commune est assiégée le 9 et les insurgés pénètrent dans le village et tuent tous ceux qu’ils rencontrent. Au total, dans la région de Sétif et celle de Guelma, le 8 mai et les jours suivants, du fait des manifestations urbaines et des actions visant les fermes européennes, 102 Européens perdront la vie.

Les événements ne concernent pas tout le nord Constantinois10Le quadrilatère Bougie – Sétif – Souk-Arras – Bône (Annaba). mais seulement les zones entourant les villes de Sétif et Guelma. Avec cependant des avancées parfois cependant significatives : jusqu’à une dizaine de km de Bougie (Béjaïa) et une quinzaine de Djidjelli (Jijel) dans un cas, dans l’autre jusqu’à une trentaine de km de Philippeville (Skikda) et une quinzaine de Souk Arras. Pour plus de précisions, on se reportera aux très précieuses cartes (Rey-Golzeiguer) retraçant à la fois la progression des insurgés et en réaction celle des troupes françaises dans les zones concernées.

Dès lors, et sur une grande partie du mois de mai, se déploie sans grand frein, avec occasionnellement des moyens considérables, notamment dans la région de Sétif (aviation et même, dans le golfe de Bougie, marine), du fait de l’armée (gendarmerie, légion, tirailleurs sénégalais, tabors marocains, tirailleurs algériens), une répression massive. C’est dire que, même si les « dissidents » ne représentaient tout au plus que 4 à 5% de la population totale des régions troublées, douars et mechtas ne furent pas épargnés et que des familles entières furent décimées.

Au moins 2 000 morts dans la région de Sétif dont 400 à Kherrata, et peut-être 700 dans la région de Chevreul (Beni Aziz).

À Guelma – c’est là une distinction de taille par rapport à Sétif – s’est constituée, dès le 14 avril, à l’initiative du sous-préfet Achiary, une milice civile. Si elle a écarté la menace qui pesait sur la ville, c’est du côté européen qu’il faut chercher les auteurs des premiers coups de feu. C’est seulement après que les ruraux et les montagnards s’en prennent aux Européens isolés. Les miliciens, quant à eux, se livrent ensuite à d’innombrables et abominables exécutions sommaires dont l’ampleur fait de Guelma un cas à part : 447 fusillés selon les archives du PPA (M. Kaddache et A. Tabet cités par R. Vétillard) dont les cadavres ont été enterrés, puis brûlés pour échapper à l’enquête ! « Guelma 1945. Une subversion française dans l’Algérie coloniale » peut ainsi titrer J-P. Peyroulou, prenant acte de « l’originalité du scénario guelmois » (Rey-Golkdzeiguer) ! La purge représenta 13% de la population adulte masculine et 25% des 25-45 ans. 79% des morts avaient entre 15 et 45 ans.

Ces représailles massives, démesurées, aveugles (dans la région de Sétif), qui s’alimentent tout à la fois à la haine suscitée par la peur, à la volonté de punir collectivement les douars ou mechtas, suspectés ou non d’ailleurs, d’avoir compté des insurgés, au désir d’éradiquer toute volonté de révolte, font des milliers de morts (hommes, femmes et enfants, jeunes et personnes âgées exécutées sommairement).

Si le bilan des morts européens, 102 tués – dont 80% dans les petites communes et centres de colonisation – ne pose pas de problèmes particuliers, il n’en va pas de même en ce qui concerne les victimes dues aux opérations de dégagement des villages ou des fermes, et les victimes des représailles. Ce dernier bilan ne sera probablement jamais connu avec exactitude, car il n’y eut que rarement des décomptes précis.

Comme à l’accoutumée, il revient aux historiens d’en tenter une approche raisonnée. Ils s’accordent pour récuser d’une part aussi bien le bilan officiel de 1 165 morts donné par les autorités en 1946 que celui d’environ 1 500 morts émanant du ministre de l’Intérieur Adrien Tixier, que celui d’autre part avancé par les nationalistes à l’époque, d’ailleurs fluctuant, 35 000 pendant un temps, puis 40 000 et enfin à parti de 1951, 45 000 morts, chiffre devenu canonique, repris ensuite par l’histoire officielle algérienne11« La Fondation du 8 mai 1945 » avança même en mai 2005 le chiffre de 80 000 morts.. « Avec la conviction des victimes face au bourreau. 45 000 morts, tel est le chiffre officiel qui tous les ans, à la date commémorative, alimente les chroniques du souvenir auxquelles vient se ressourcer le nationalisme algérien.

L’ensemble des Algériens puisent leur ressentiment dans la version d’un génocide perpétré volontairement à la suite d’une provocation colonialiste. » (Habib). Ce qui était – c’était légitime – un chiffre destiné à alerter l’opinion internationale sur l’ampleur des massacres, ne peut être considéré comme tabou. Peut-on risquer un ordre de grandeur ? « La seule affirmation possible, c’est que le chiffre dépasse le centuple des pertes européennes et que reste dans les mémoires de tous, le souvenir d’un massacre qui a marqué cette génération » (Mohammed Harbi). Au moins 10 000, soit une proportion d’environ cent Algériens pour un Européen ! Cela dit assez la démesure des massacres.

Le contexte : une effervescence politique inédite
  • Un haut lieu du nationalisme algérien

Messali Hadj

« Terre d’élection des révoltés depuis dix-sept siècles », c’est ainsi que Charles-André Julien définit le quadrilatère constantinois. C’est une région de passage entre l’est et l’ouest. Elle est constituée de hautes plaines situées entre l’Atlas tellien (Babors au Nord, 2 204 m.) et l’Atlas saharien qui tend dans la région à se confondre avec lui. C’est une terre fertile, mais sujette aux aléas climatiques (la sécheresse surtout). C’est aussi une terre de grande colonisation, terre de séquestres à la suite de la révolte de Mokrani mais aussi terre de reconquête des terres perdues. C’est le lieu de passage de l’achaba12Migration annuelle vers le nord des nomades avec leurs troupeaux., zone économiquement et culturellement dynamique autour des deux métropoles Bône et Constantine. Dans cette région, les Européens sont une petite minorité (entre 11 et 13% dans la région de Sétif, entre 6 et 9% à Guelma), noyés dans les reliefs, Algériens écartelés entre la ville et la campagne. Si Guelma est totalement arabophone, la région de Sétif est peuplée pour sa part de berbérophones (Kabyles au nord et à l’ouest et, à la marge, Chaouis au sud-est) et, entre les deux, d’arabophones.

Cette région est surtout un haut-lieu d’un nationalisme algérien dont Sétif serait la capitale. Les Oulémas13Théologiens, docteurs de la loi. ont leur centre à Constantine qui est le lieu de naissance de leur mouvement. C’est là que le cheikh Ben Badis a fondé, en 1931, l’« Association des Oulémas musulmans algériens ». Si, quant à lui, le PPA de Messali Hadj, clandestin, n’y est pas né, il y est fortement implanté. Fort de son implantation dans les villes (à Guelma on compte 4 292 militants cotisants aux AML encadrés dans les 12 sections du PPA), il gagne de proche en proche les campagnes. Constitué de jeunes militants, il est incarné par le docteur Lamine Debaghine qui en fait une organisation de combat et jouit d’un grand prestige à Sétif.

Ferhat Abbas

Mais c’est surtout l’aura et le respect dont jouit à Sétif et sa région le pharmacien Ferhat Abbâs qui font de Sétif la « capitale du nationalisme ». Avec son journal « Égalité » qui jouit d’une bonne diffusion – 15 000 exemplaires en décembre 1944 – Abbâs défend une politique d’union. Interdit de prises de parole en public, il fait des conférences dans des espaces privés qui attirent un public nombreux et apparaît, avec Messali Hadj, comme une figure emblématique du nationalisme algérien.

  • L’insurrection à l’ordre du jour ?

Comment expliquer une pareille tragédie ?

La Charte de l’Atlantique (août 1941) qui proclame le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, la perspective ouverte par l’ouverture d’une conférence à San Francisco sur l’Organisation des Nations Unies (avril-juin 1945), la victoire sur le nazisme et l’affaiblissement de la puissance de la France, défaite en 1940, la fondation de la Ligue arabe (mars 1945), laissent espérer par les Algériens une prise en compte de leurs revendications. D’où l’idée, diffuse dans la frange la plus radicale d’un nationalisme algérien rassemblé depuis la parution (en février 1943) du Manifeste du peuple algérien de Ferhat Abbâs qui proposait la constitution d’une République algérienne associée et fédérée à la France, que l’indépendance est à l’ordre du jour. Mais, devant le refus du gouverneur général – le général Catroux – de le prendre en compte, Abbâs créa le mouvement des AM14Amis du Manifeste et de la libertéL en mars, 1944. Si à la base, les AML sont de plus en plus pris en main par la frange la plus populaire, la plus radicale et la mieux organisée du nationalisme, le PPA15Parti populaire algérien fondé en 1937 à la suite de l’interdiction de l’Étoile nord-africaine. Interdit à nouveau en 1939. (« Parti populaire algérien ») de Messali Hadj, un compromis entre les différentes parties prenantes, le cheikh Ibrahimi (Oulémas), Ferhat Abbas et Messali Hadj, assure une unité qui se fait sur l’idée d’autonomie d’une « république algérienne fédérée à la France ».

Y a-t-il eu, avant le 8 mai, un ordre d’insurrection générale lancé par la direction du PPA ? La réponse est non. Si la direction du PPA, surprise par les événements et dépassée par les cadres locaux, ne délivre que tardivement un mot d’ordre formel d’insurrection (pour la nuit du 23 au 24 mai), il est finalement presque immédiatement rapporté. Pour les cadres locaux du PPA de Messali Hadj cependant, l’heure est venue d’une insurrection pour arracher l’indépendance. La pression est d’autant plus forte que les difficultés économiques rendent la vie très difficile. La colère est d’autant plus grande que Messali, qui a tenté de s’évader de sa résidence surveillée, a été repris et arrêté, puis déporté à Brazzaville (23 avril). Cette décision, même si Messali conscient des difficultés d’une insurrection fait échouer le complot des activistes, ne fait que renforcer les durs du PPA. Bref, « la voie est libre pour tous les boutefeux » (A. Rey-Goldzeiguer). Mais d’un autre côté, parmi les autorités coloniales, conscientes de l’exaspération des masses algériennes, certains sont décidés à agir pour démanteler le PPA. Ils réussiront d’ailleurs à le faire en partie après les incidents du 1er mai. Le climat insurrectionnel qui prévaut n’est donc pas sans avoir joué un grand rôle dans la mobilisation des citadins et des ruraux et dans l’effervescence, perceptible dès les manifestations du 1er mai, qui s’empare de toute l’Algérie et se cristallise particulièrement dans les régions de Sétif et de Guelma.

  • Au fond, une oppression coloniale devenue insupportable

In fine, c’est l’attitude de la France, restée sourde aux revendications nationales portées depuis de nombreuses années par les mouvements nationalistes, crispée sur le maintien du statu quo – l’Empire est le gage de sa puissance – qui explique, dans ce contexte, une explosion de colère urbaine et rurale. Elle prend tantôt la forme d’une insurrection organisée, tantôt celle d’une jacquerie, tantôt celle d’un djihad. Une violence qui ne fait que renvoyer à la violence d’une oppression coloniale qui n’a que trop duré et à laquelle le peuple algérien entend mettre fin. L’ordonnance du 7 mars 1944, reprenant en fait le projet Blum-Violette, conférait certes la citoyenneté à une élite sans qu’elle doive renoncer à son statut personnel, mais c’est trop peu, c’est beaucoup trop tard et c’est même dépassé, car les Algériens sont désormais au-delà. C’est donc très largement repoussé par eux.

Faim de terre d’une masse paysanne qui n’en peut plus de cultiver des lopins insuffisants pour nourrir une famille, rêve de chasser les colons et de recouvrer des terres qui lui ont été ravies. Exaspération des masses urbaines instruites devant les inégalités d’accès aux emplois publics ou de représentation dans les institutions politiques. Rancœur du fait de l’inégalité dans l’accès à l’instruction. Colère des déshérités urbains, auxquels la sous-industrialisation n’offre que très peu d’emplois, ou des laissés pour compte ruraux que la croissance démographique expose à un chômage massif. Rage des militants devant les réponses dilatoires ou les silences opposés par les autorités à la demande de reconnaissance de l’identité algérienne et de son droit à l’indépendance. Telles sont, au-delà de l’engrenage immédiat des événements, les causes profondes d’une mobilisation sans précédent d’une grande partie du peuple algérien et les raisons des actions menées dans les régions de Sétif et Guelma.

Bref, loin de la thèse compassionnelle qui voudrait que « le peuple algérien n’a fait que subir en victime innocente une sanglante répression, un complot machiavélique », nous sommes ici dans une autre perspective, celle qui consiste à « dire qu’il a été aussi l’auteur des événements, même s’il a payé le prix du sang, le prix de la liberté par des dizaines de milliers de victimes » (R. Ainad-Tabet). Ce qui restitue le peuple algérien dans son rôle d’acteur de sa propre histoire et de sa révolte dans la longue durée d’une domination plus que séculaire.

La suite de l’article : « Mai 1945. Sétif, Kherrata et Guelma 2 »