Depuis le 7 octobre, beaucoup réfléchissent à une solution qui permettrait aux peuples Palestinien et Israélien de vivre enfin en paix. La solution à deux États semblant totalement irréaliste, celle d’un État binational a ressurgi. Caterina Bandini et Thomas Vescosi reviennent sur l’histoire de cette idée et interrogent sa faisabilité.

Le charme discret de l’idée binationale

Par Caterina Bandini et Thomas Vescovi, membres du comité de rédaction de Yaani. Le 15 septembre 2024.

Alors même que la guerre génocidaire suit son cours dans la bande de Gaza, les chancelleries occidentales s’activent pour envisager le retour d’un potentiel « processus de paix ». À l’échec patent de la solution à deux États, l’idée binationale se réinvite dans le débat intellectuel, mais sans que ses contours ne soient toujours bien appréhendés. Et il demeure une question centrale : qui y est favorable au Proche-Orient ?

En 2008 déjà, dans un ouvrage collectif coordonné par l’universitaire Avi Gordon, la politiste Tamar Hermann constatait un « come-back politique » des projets d’État commun pour les deux peuples. Elle mettait en avant différentes raisons, telles que « l’effondrement du processus d’Oslo » ou la « modification de l’équilibre démographique judéo-palestinien à l’ouest du Jourdain ».

Si la Première guerre israélo-arabe de 1948, puis le « processus de paix » des années 1990 ont fait de la séparation des deux peuples le paradigme d’une paix durable, des individus et des organisations au sein des deux sociétés n’ont jamais cessé de défendre une alternative commune.

État commun, État confédéral, État binational : les projets politiques diffèrent, mais se rejoignent sur deux points. D’abord, la volonté de dépasser le paradigme de la séparation entre Palestinien·nes et Israélien·nes. Ensuite, la recherche d’une formule qui puisse assurer à tou·tes les citoyen·nes vivant entre la mer Méditerranée et le fleuve Jourdain des droits égaux, individuels et collectifs, quels que soient leur origine et leur religion.

Une utopie juive pour empêcher la partition

L’idée binationale défend l’affirmation du droit à l’autodétermination nationale aussi bien pour les Palestinien·nes que pour les Juif·ives sur l’ensemble du territoire de la Palestine historique. L’idée était déjà au cœur du sionisme culturel, spirituel et humaniste qui se développe au sein de certains cercles juifs d’Allemagne à la fin du XIXe siècle, puis en Palestine mandataire, et qui insiste sur la nécessité d’une entente judéo-arabe sur l’ensemble du territoire.

La formation d’un idéal d’entente entre la mer Méditerranée et le fleuve Jourdain est presque concomitante à l’arrivée des premier·ères colons sionistes, à la fin du XIXe siècle. Parmi elles et eux, certain·es sont pétris du socialisme européen et russe (notamment au cours de la deuxième alya, 1903-1914), et espèrent se libérer de l’antisémitisme par la création, en Palestine, d’une société profondément égalitaire.

Toutefois, comme la majeure partie des gauches européennes, ces militant·es juif·ives sionistes sont imprégné·es d’un imaginaire colonial et orientaliste. Leur socialisme s’associe à un nationalisme qui envisage la nation comme un groupe fondé sur l’unité du sang, et ne s’intéresse donc qu’à la société juive.

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Pour compléter, vous pouvez lire un article de Lou Inès Bes pour Radio France :