Dans la soirée du 13 novembre dernier, 14 personnes étaient tuées, et une dizaine d’autres blessées, sous les balles des terroristes, au Carillon et au Petit Cambodge, dans le 10ème, rue Alibert, tandis qu’étaient également visés le 11ème arrondissement et le stade de France.
Quelques jours après, était localement prévue une réunion publique du Front de gauche, à l’occasion des élections régionales. Les militant-e-s s’interrogent, passée la stupeur : on maintient, on annule ? Finalement la réunion sera maintenue, mais avec, évidemment, un changement d’ordre du jour. Personne n’avait le cœur à discuter des transports et du logement en Ile de France ou du Grand Paris. Comprendre, confronter, tenter d’expliquer, et tout simplement parler. Parler de ces attentats, de la guerre en Irak, en Syrie, au Mali et du rôle de la France dans tout ça. Parler de l’état d’urgence qui vient d’être reconduit…
Dans les semaines qui suivent, suite à des discussions informelles entre les militant-e-s de diverses organisations, c’est ATTAC qui impulsera une réunion unitaire, proposant de créer un collectif large.
Le 10ème, cible, entre autres hélas, des attentats, ne peut se taire. Arrondissement métissé aux 70 nationalités, carrefour accueillant hier les réfugiés d’Alsace Lorraine occupée par les Prussiens, aujourd’hui les Afghans et Irakiens fuyant la guerre, groupés autour de la Gare du Nord dans l’espoir de rejoindre l’Angleterre.
C’est ainsi que va voir le jour, localement, le Collectif Solidarité et libertés 10ème – Sortons de l’état d’urgence, qui regroupe ACORT (association Turque), ATF (association tunisienne), ATTAC, Union locale CGT, EE-LV, Ensemble nous sommes le 10ème (collectif d’une soixantaine d’associations de rencontres interculturelles), LDH, NPA, PCF, PCOF, PG, Ville Mains Jardins (qui gère un jardin partagé) et Ensemble!.
Un premier tract sera distribué sur les marchés et à la sortie des métros pour appeler à la manifestation unitaire du 30 janvier, puis un autre qui appellera à une réunion publique, le 16 février, avec Marion LAGAILLARDE, du syndicat de la Magistrature, et Michel TUBIANA, de la Ligue des droits de l’Homme.
Cette réunion a été un succès. 90 à 100 personnes, ce qui n’est pas fréquent à l’échelle de l’arrondissement, avec un public jeune et féminin. La constitutionnalisation de l’état d’urgence et de la déchéance de nationalité avait été votée à l’Assemblée et, le jour même, l’état d’urgence prolongé pour 3 mois.
De quoi alimenter de nombreuses questions de la salle : La législation actuelle ne permet-elle pas déjà de lutter contre le terrorisme ? Que signifie l’état d’urgence et quelles menaces pour les libertés publiques ? Quels recours juridiques ? Une déchéance de nationalité à titre posthume face à des assassins prêts à se sacrifier en même temps que leurs victimes ? Plusieurs témoignages de personnes binationales ou celui d’un algérien ayant vécu sous le terrorisme des GIA lorsqu’il était jeune, viendront compléter le débat.
De nombreuses personnes ont laissé leurs coordonnées pour être tenues au courant des prochaines initiatives du collectif, signe d’un potentiel de mobilisations futures. De même, les tracts des différentes organisations ont été pris avec intérêt (dont celui du comité 10ème d’Ensemble!), tandis que la pétition pour les Good Year était remplie par ceux et celles qui ne l’avaient pas encore signée.
Enfin, le collectif 10ème a rencontré la députée PS de l’arrondissement, Seybah DAGOMA, après lui avoir écrit pour lui demander de voter contre la constitutionnalisation de l’état d’urgence et contre celle de la déchéance de nationalité.
Cette dernière a voté pour la modification de la constitution afin d’y intégrer l’état d’urgence (article 1) et contre celle relative à la déchéance de nationalité (article 2), tout en s’abstenant sur l’ensemble du projet de révision constitutionnelle (en 1ère lecture à l’Assemblée).
Elle a par ailleurs voté pour la nouvelle prolongation de 3 mois de l’état d’urgence.
Pour la députée PS l’état d’urgence aurait empêché des attentats et elle conteste le fait que les perquisitions administratives auraient pu se dérouler normalement sous le régime d’une autorisation par un juge, forme de défiance vis-à-vis du pouvoir judiciaire tout en reconnaissant les abus (répression des militants syndicalistes et écologistes, restrictions à la liberté de manifester, stigmatisation des populations noires, arabes, musulmanes).
Sur la déchéance de nationalité, elle a rappelé son opposition, et a annoncé qu’elle voterait contre l’ensemble du projet de révision constitutionnelle lors du vote en congrès à Versailles, si la déchéance de nationalité n’était pas remplacée par celle de citoyenneté.
La position de la députée ne peut évidemment être partagée par ceux et celles qui sont attachées aux libertés démocratiques et refusent la dérive autoritaire de ce gouvernement qui va piocher ses lois dans la boite à idées de la droite et de l’extrême droite. Elle témoigne toutefois du trouble qui traverse le parti au gouvernement, accentué par les mobilisations de ces dernières semaines. C’est pourquoi nous entendons bien les développer !
Correspondant-e-s Ensemble! Paris 10ème