Un soleil printanier pour un pic-nic de soutien à Emmanuel Giboulot, ce viticulteur Beaunois, qui a refusé d’appliquer un arrêté préfectoral de juin 2013 et de traiter sa vigne contre la flavescence dorée, une maladie mortelle pour la vigne.
Emmanuel a refusé de traiter au « pyrêthre », un insecticide naturel pourtant autorisé en bio. Pourquoi ? Parce que cet insecticide ne détruit pas que la cicadelle, un de vecteurs de la flavescence dorée, mais aussi beaucoup d’autres insectes et micro organismes indispensables à l’équilibre de l’écosystème. C’est un acte de désobéissance cohérent avec la pratique viticole d’Emmanuel et sa famille depuis 40 ans : la « biodynamie » qui cherche à préserver la vie des sols et stimuler les défenses de la plante.
Plus de 500 personnes, venues de Côte d’Or et de Saône et Loire, mais aussi d’autres régions et de l’étranger : « Giboulot is an honest man » pouvait-on lire sur une pancarte. Le chanteur Daniel Guichard avait, lui, fait le voyage depuis Béziers. Par solidarité bien sûr avec ce viticulteur courageux et lucide, mais aussi pour crier haut et fort « Non aux traitements phytosanitaires, oui à la recherche d’alternatives respectueuses des écosystèmes ».
Dans la salle d’audience du tribunal correctionnel de Dijon, 80 personnes attentives. Avec un grand sourire, Emmanuel répond clairement à la juge : « Non, bien sûr, je n’ai pas traité ma vigne, parce qu’il n’y avait pas de cas de flavescence avérés en Côte d’Or et qu’il n’y avait pas d’urgence à traiter »
Le chef du service régional de l’alimentation (service de la DRAAF) a rappelé que la flavescence était une maladie mortelle de la vigne, qu’elle était en progression en Bourgogne et sévissait jusqu’ aux limites Sud de la Côte d’Or, avec quelques cas récents dans le département et qu’il était urgent de traiter l’ensemble du prestigieux vignoble de Côte d’Or.
L’avocat d’Emmanuel s’est attaché à récuser l’argument de l’urgence, non démontré ni dans la réalité, ni dans l’arrêté préfectoral. Quant au principe de précaution, évoqué par le représentant de la DRAAF, comment peut-on l’invoquer et le défendre lorsqu’on ordonne de traiter à l’aveugle ? Et de plus avec des produits qui, certes détruisent l’insecte qu’est la cicadelle mais pas d’autres vecteurs de la flavescence.
Les services de l’Etat auront probablement cédé à l’inquiétude, voire au désarroi des viticulteurs traditionnels et de leurs organisations professionnelles, démunis devant ce fléau de la vigne, oubliant sans doute que les traitements chimiques ne sont pas venus à bout de la flavescence et que d’autres traitements, respectueux de l’environnement, existent. En effet, aujourd’hui seul l’arrachage des ceps et le traitement des jeunes plants à l’eau chaude sont vraiment efficaces.
La procureur, de son côté, s’est contentée de dire en substance : « Le problème de fond ne m’intéresse pas. Il y avait un arrêté préfectoral, il fallait l’appliquer. » Ignorance du problème de fond ? Hâte de se débarrasser de ce contrevenant encombrant soutenu par plus de 400 000 internautes et des centaines de manifestants rendus encore plus bruyants par quelques gorgées de Bourgogne ? On pouvait l’imaginer en écoutant la conclusion de son réquisitoire : 1000 Euros d’amende dont 500 avec sursis pour un acte de désobéissance écologique, net et sans bavure, évalué par le code pénal à 30 000 euros d’amende et 6 mois de prison maximum.
Devant les caméras et les micros de la presse régionale et nationale E. Giboulot s’est dit étonné par l’ampleur de la mobilisation suscitée par son acte de désobéissance. Les viticulteurs et les agriculteurs bio, les associations environnementales et le collectif de soutien regroupant plus de 20 organisations syndicales, associatives et politiques se sont remués pour réussir cette manifestation.
A la question web du Bien Public, journal local de Droite : « Comprenez-vous le combat d’E. Giboulot ?», 80 % ont répondu « Oui ». C’est le son de cloche que nous avions déjà entendu sur le marché de Dijon en distribuant nos tracts d’appel à la manifestation du 24 février.
C’est une première victoire qu’il faudra faire transformer par un non lieu le 7 avril, date du jugement mis en délibéré. L’urgence écologique ne supporte pas que soient condamné-e-s celles et ceux qui défendent la vigne et nous produisent du bon vin sans pesticide.
Raymond Maguet – Dijon