La Commission électorale polonaise a confirmé, mardi, la victoire de l’opposition pro-européenne aux élections législatives de dimanche1Législatives en Pologne : la Commission électorale confirme la victoire du camp pro-européen. Un succès électoral qui met fin à huit ans de gouvernement du parti populiste nationaliste Droit et justice. Notre camarade, Stéphan Békier, a rédigé une courte note concernant cet événement récent, mais important, passé un peu inaperçu vu l’actualité.

Pologne – Victoire de l’opposition démocratique

Par Stephan Békier. Le 4 décembre 2023.

Défaite du parti au pouvoir

Les récentes élections législatives ont sonné la défaite du parti au pouvoir depuis 2015, l’ultranationaliste, semi-autoritaire et clérical PiS (Droit et Justice)2Droit et justice, proche des partis d’extrême droite en Europe et de l’Américain Trump. Ce fut possible entre autres grâce à une mobilisation exceptionnelle de l’électorat, en particulier des jeunes et des femmes. La participation de 75 % fut inédite depuis les premières élections libres marquant l’effondrement, en 1989, de la dictature soi-disant « communiste ». Une coalition des partis démocratiques de plusieurs tendances a raflé la majorité absolue au parlement (248 sièges sur 460), ainsi qu’au Sénat (66 sièges sur 100).

Un détail significatif : le PiS avait rajouté in extrémis à la procédure du vote une sorte de « référendum » prenant l’allure d’un plébiscite en faveur d’un pouvoir craignant la déroute. Quatre questions, martelées par la télévision du régime, devaient détourner l’attention de la campagne législative et ressouder son électorat. Dont deux centrales, visant à flatter les pires préjugés racistes et xénophobes répandus depuis des années par la propagande du régime : l’une attaquait le démantèlement, annoncé par l’opposition, du mur érigé par le PiS à la frontière avec la Biélorussie, censé « protéger la Pologne de l’invasion de migrants » ; et la deuxième attaquait le « mécanisme obligatoire de répartition des milliers d’immigrants illégaux du Moyen-Orient et d’Afrique, imposé par la bureaucratie européenne ». Or, ce « référendum » a été massivement boycotté dans les urnes, avec une participation de 41 %, bien en deçà du seuil légal de validité.

Maintien d’un électorat de droite et d’extrême droite

Konfederacja3Confédération (Pologne), une coalition de plusieurs groupes d’extrême droite ouvertement fascistes, courtisée par le PiS, a maintenu sa position avec 1,5 million de voix (7,16 %, 18 sièges).

Ceci dit, le PiS garde encore l’essentiel de son électorat. Et il dispose encore pendant deux ans d’un président issu de ses rangs, lequel pourra se servir de son droit de véto pour les votes nécessitant la majorité qualifiée de deux tiers. Ce parti est arrivé même en tête avec 7,6 millions de voix (35,38 %, 194 sièges). Il a devancé la principale force de l’opposition, la Coalition civique (KO)4Coalition civique (Pologne) qui a obtenu 6,6 millions de voix (30,70 %, 157 sièges), emmenée par les néolibéraux de la Plateforme civique (PO)5Plate-forme civique de Donald Tusk, ex-premier ministre et ex-président du Conseil européen.

Une grande coalition

Ce qui a donc rendu possible l’obtention de la majorité absolue par l’opposition, c’est une grande coalition formée avec deux autres forces politiques et sociales :

  1. une coalition entre la centriste Troisième voie Pologne 20506Troisième voie (alliance politique polonaise) et le parti agrarien PSL7Parti paysan polonais, avec 3,1 millions de voix (14,4 %, 65 sièges), et
  2. une coalition La Gauche8La Gauche (Pologne), avec 1,9 million de voix (8,61 %, 26 sièges) rassemblant deux partis : la Nouvelle gauche9Nouvelle Gauche (Pologne), issue d’une récente fusion du SLD, (ex-« communistes » devenus sociaux-démocrates) et du parti centre-gauche Wiosna (Printemps), ainsi que le parti Lewica Razem10La Gauche ensemble (La Gauche Ensemble) représentant la gauche radicale et internationaliste.

Le nouveau gouvernement de coalition est déjà formé, mais sa proclamation est retardée par des manœuvres dilatoires du PiS, qui se veut « vainqueur des élections » et reste dans le déni.

Une gauche ébranlée

La gauche dans son ensemble a perdu la moitié de ses députés, dû à un vote utile massif au profit de la centriste Troisième voie Pologne 2050, afin de lui assurer le maximum de députés et empêcher ainsi le PiS d’obtenir une prime de 50 sièges prévue par la loi électorale pour le premier arrivé. Par contre, le parti Razem est le seul à gauche à avoir amélioré sa position, de 50 % : de six député·es à sept, plus deux sièges de sénatrices, dont une vice-présidente du Sénat.

Le parti a décidé de voter la confiance au nouveau gouvernement, mais en même temps de ne pas y entrer. Pourtant, Razem était pressenti à la Santé et au Logement, thèmes de ses campagnes centrales, très populaires. Bien que « les négociations se déroulaient dans une ambiance amicale, nous n’avons pas réussi à convaincre les autres partis à inscrire dans l’accord des garanties essentielles pour Razem, [comme entre autres] une loi de dépénalisation de l’avortement, 8% du PIB pour la santé, 3% pour la science, 1% pour un programme public de logements… ».

Notes