Curieux moment. « Un seul choix : le rétablissement des finances publiques ». Ces ministres veulent réduire les moyens des services publics et encore les maigres ressources des chômeur·euses et précaires… Nous les contredirons pour préparer les mobilisations. Il faut des objectifs pour unir. Premier article !

Allons, c’est l’heure de prendre l’argent là où il est  !

Par Pierre Cours-Salies, le 2 avril 2024.

Selon le Ministre Bruno Le Maire, pour redresser les comptes, il faudrait économiser plus de 10 milliards cette année.

Faire un budget rectificatif a été jugé trop risqué par le Gouvernement, car porteur d’ennuis à la veille des élections européennes. L’Opinion explique : « Sous le feu des critiques pour avoir coupé de 10 milliards d’euros les dépenses de l’Etat par décret, le ministre de l’Economie et des Finances prévient : ce n’était qu’une première étape ; 20 milliards d’économies en 2025 : le wake-up call1Coquetterie de ces milieux ! En anglais, cela veut dire « réveil par téléphone ; ou « coup de semonce » ! La Cour des Comptes, elle, vient d’annoncer le chiffre de 50 milliards. de Bruno Le Maire sur les dépenses » (l’Opinion, 6 mars).

Alors, quelles solutions ?

Selon le ministre, une réforme des impôts pénaliserait trop les couches moyennes. Le gouvernement décrit à gros traits ce qu’il entend par là. En comptant à part les 25 à 30 % de « pauvres » (en dessous du « seuil de pauvreté »), il désigne ainsi celles et ceux au-dessous des 10% les plus riches. Donc, une esquisse plutôt vague autour de 65 à 70% de la population2Il sera bien utile de discuter de cette description des différences : patrimoines, strates de revenus, classes, etc. ! .

Rappelons la répartition des patrimoines3Voir sur ce site, la rubrique « Articles récents ». Outre celui datant de 10 mai 2020, une dizaine d’articles ont été publiés sur les plans et décisions du gouvernement durant les six derniers mois. On y trouve aussi, téléchargeable, la brochure : « Abolir le chômage, la précarité, la pauvreté ».. Une moitié de la population (50%) se partage 8% du patrimoine4La retraite est le seul patrimoine de ceux/celles qui n’en ont pas. Les 10 % fortuné·es possèdent 48% de l’ensemble, 700 fois plus que les 10% les moins fortuné·es. Parmi les 10% les plus « aisé·es », l’écart entre la moyenne de ces 10% et le 1% le plus haut ressemble à la pointe d’une longue épingle.

On trouve, sur notre site, ce résumé daté de 2020 : « Une prise de conscience des inégalités ». Dès 1982, depuis le choix de « la rigueur » au nom du monétarisme, la part des revenus détenus par le 1 % des Français·es les plus riches est passée de 7 % en 1983, à 11 % en 2018 et à 18 % en 20185Ce calcul est fait en comptant le patrimoine net, c’est-à-dire la richesse déduite de l’endettement. (Les Echos, 19 déc. 2019). Un des résultats de ces 40 ans !

En 1989, Pierre Bourdieu qualifiait les couches dirigeantes de « noblesse d’État »6P. Bourdieu, La noblesse d’état. Grandes écoles et esprit de corps. Les éditions de Minuit, 1989. Les gouvernements ont appliqué leurs politiques, et aujourd’hui, nous subissons les « aristos » de la haute-finance.

Fini le « Quoi qu’il en coûte » post Gilets Jaunes et covid. Une brusque correction paraît indispensable au gouvernement des « aristos ».

Au travail, les « chômeurs profiteurs » !

Bruno Le Maire l’avait annoncé : « l’environnement, l’éducation, la santé, le travail voient leurs budgets augmenter depuis 2017. A un moment donné, il faut simplement refroidir la machine ». « Nous faisons un seul choix : le rétablissement des finances publiques. Il doit nous amener sous les 3 % de déficit public en 2027 et à un budget à l’équilibre en 2032. » (Interview au Monde, le 6 mars).

En outre, « afin d’alléger la charge mentale qui pèse sur les entrepreneurs », il va simplifier la vie de « nos décideurs ». « La complexité a un coût vertigineux en emplois comme en heures travaillées. Il faut alléger la charge mentale qui pèse sur les entrepreneurs. Nous allons supprimer tous les Cerfa [formulaires administratifs] d’ici à 2030 » ; et surtout rectifier les « seuils sociaux », une forte demande du MEDEF pour alléger les obligations restant aux patrons7Trois seuils fixent des obligations pour les patrons, depuis 2019 : 11, 50 et 250 salarié·es. Le projet serait de les alléger avec une « loi de simplification » : 20, 100 ou 1 000 salarié·es. Pour prendre deux exemples : le seuil de 10 comporte l’obligation d’embaucher des travailleurs·euses handicapé·es et de mettre en place un·e délégué·e du personnel. Le seuil de 50 salarié·es déclenche l’obligation de mettre en place un comité social et économique (CSE), de débloquer 20 heures de délégation par mois, de rédiger un règlement intérieur, de nommer un·e commissaire aux comptes, de financer le 1 % logement, voire de créer un dispositif de lanceur d’alerte..

Le chef de l’État avait déjà effleuré l’idée de moduler les seuils sociaux, lors de la conférence de presse du 16 janvier.

Au passage, le Gouvernement – qui a déjà mis la main sur la financiarisation de la santé8Voir la Lettre d’Ensemble du 28 mars – n’oublie pas les chômeurs : « Nous gardons une durée d’indemnisation la plus longue parmi les pays développés : dix-huit mois. »

Le Ministre se soucie ainsi de trois ou quatre choses : le retour aux « équilibres », de grands chantiers d’industrialisation, etc. S’il a publié son sixième livre en sept ans, avec une réforme constitutionnelle (retour au septennat), c’est en pensant à son élection en 2027.

« Prenez l’argent là où il est ! »

Puisqu’ils cherchent 50 milliards, nous allons leur suggérer des pistes.

Dans l’immédiat, ruiner autant que possible leurs discours est nécessaire. Ceci, même si les semaines dominées par l’élection européenne et celles des JO créent une situation particulière. Il faut contredire le discours des « aristos » qui dirigent, pour que personne n’hésite lors de prochaines phases de luttes et de mobilisations interprofessionnelles.

Nous indiquons une piste et compléterons les éléments de discussion, au fur et à mesure. La « France du bon sens » vous dit : prenons l’argent là où il est !

Pour trouver ces 50 milliards en cinq ans, la lecture des données de l’Observatoire des inégalités et celle de la dernière enquête d’OXFAM fournissent des indications utiles.

Entre 2009 et 2019, les richesses des grandes fortunes françaises avaient augmenté de 231 milliards d’euros. De mars 2020 à octobre 2021 – en un an – elles ont bondi de 236 milliards d’euros. Et, depuis 2020, leur fortune a augmenté de plus de 200 milliards d’euros, soit une hausse de 58%.

Voilà le sort réservé à chacun des 42 milliardaires français, selon le dernier rapport d’Oxfam sorti le lundi 15 janvier 20249https://www.oxfamfrance.org/inegalites-et-justice-fiscale/nouveau-rapport-la-loi-du-plus-riche/#:.

La politique de Macron et de ses ministres a porté ses fruits… pour qui en profite !

Les ministres cherchent 50 milliards ? Nous en voyons déjà 200 milliards, qui correspondent aux enrichissements depuis 2020.

Faudrait-il y voir des effets pervers d’un système qui appauvrirait le plus grand nombre et enrichirait une minorité ? Au lieu des « cumuls aristocratiques », on peut leur trouver de meilleurs usages.

Reste à savoir comment mettre la main dessus.

Ce sera l’objet de prochains articles sur le site…

Notes
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    Coquetterie de ces milieux ! En anglais, cela veut dire « réveil par téléphone ; ou « coup de semonce » ! La Cour des Comptes, elle, vient d’annoncer le chiffre de 50 milliards.
  • 2
    Il sera bien utile de discuter de cette description des différences : patrimoines, strates de revenus, classes, etc. !
  • 3
    Voir sur ce site, la rubrique « Articles récents ». Outre celui datant de 10 mai 2020, une dizaine d’articles ont été publiés sur les plans et décisions du gouvernement durant les six derniers mois. On y trouve aussi, téléchargeable, la brochure : « Abolir le chômage, la précarité, la pauvreté ».
  • 4
    La retraite est le seul patrimoine de ceux/celles qui n’en ont pas
  • 5
    Ce calcul est fait en comptant le patrimoine net, c’est-à-dire la richesse déduite de l’endettement.
  • 6
    P. Bourdieu, La noblesse d’état. Grandes écoles et esprit de corps. Les éditions de Minuit, 1989
  • 7
    Trois seuils fixent des obligations pour les patrons, depuis 2019 : 11, 50 et 250 salarié·es. Le projet serait de les alléger avec une « loi de simplification » : 20, 100 ou 1 000 salarié·es. Pour prendre deux exemples : le seuil de 10 comporte l’obligation d’embaucher des travailleurs·euses handicapé·es et de mettre en place un·e délégué·e du personnel. Le seuil de 50 salarié·es déclenche l’obligation de mettre en place un comité social et économique (CSE), de débloquer 20 heures de délégation par mois, de rédiger un règlement intérieur, de nommer un·e commissaire aux comptes, de financer le 1 % logement, voire de créer un dispositif de lanceur d’alerte.
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