Le Front national, rebaptisé Rassemblement national, fête ses 50 ans.
Anniversaire commémoré par lui en toute discrétion. Pourtant, combien il serait en droit de se féliciter du chemin parcouru et de son ascension.

À l’origine et sous le règne de Jean-Marie Le Pen, parti paria, il peut aujourd’hui se féliciter pour l’accession de Marine Le Pen au second tour de l’élection présidentielle. C’est la deuxième fois et, cette fois, elle est forte de 13,3 millions de voix. Plus encore, le RN a brisé lors des élections législatives le carcan du scrutin majoritaire en faisant élire 89 députés, le second groupe parlementaire…

La gêne à fêter cet anniversaire tient à la volonté de se débarrasser d’un passé encombrant, que symbolise son créateur : l’Algérie française, le révisionnisme historique, le poujadisme, le racisme et l’antisémitisme… Le tour de force de la fille est d’être parvenue, sinon à tuer le père, du moins de le renvoyer à un passé à effacer.

Pourtant, le RN ne saurait dissimuler une continuité forte avec le FN, laquelle lui assure son audience politique. C’est celle du rejet de l’étranger, par sa culture, sa couleur de peau, sa religion… Bref, l’immigré, le migrant, dénoncé comme responsable des difficultés qui assaillent les (vrais) Français. Plus ces difficultés sont réelles et multiples, plus ce discours séduit… Au point que pour son électorat, il n’est sans doute pas besoin de croire que le Rassemblement national apportera les solutions aux problèmes sociaux existants pour se convaincre qu’il est utile de voter pour lui.

En cette date anniversaire, une question hante les forces hostiles à l’extrême droite : comment empêcher celle-ci de parvenir au pouvoir lors de prochains rendez-vous électoraux ?
Rappeler inlassablement que cette force politique n’est rien moins que respectable est indispensable, mais on ne saurait en ignorer les limites. L’Italie montre l’insuffisance de la dénonciation de Fratelli d’Italia comme fasciste, alors que cette extrême droite ne se montre pas honteuse de sa filiation avec le mussolinisme.

La grande force de l’extrême droite, française comme italienne, est de se présenter comme n’ayant jamais gouverné. Terrible défi pour tous les partis qui ont gouverné, qui gouvernent ou même se font forts d’être en capacité de gouverner !

Ces partis, à droite, et aussi à gauche, s’interrogent beaucoup sur ce qui pourrait permettre de faire reculer électoralement l’extrême droite, mais paraissent démunis lorsqu’il s’agit de convaincre de leur compétence de mettre en œuvre une politique répondant aux aspirations populaires. Sans évoquer le spectacle qu’ils offrent trop souvent de polémiques qui ont davantage pour conséquence de diviser et décrédibiliser ceux qui les mènent que d’affaiblir l’extrême droite…

Inquiétons-nous de constater que les partis de droite et de gauche semblent en bien mauvaise santé, alors que le RN affiche ses 50 ans comme son bel âge.

Le 4 octobre 2022