Tristesse, émotion, vaine colère. René Vautier est mort ce dimanche 4 janvier 2014. Rongé par un mal impitoyable, nous savions René fragilisé et mal en point. Parfaitement informé et conscient de la dangerosité de son mal, René ne l’ignorait pas, ses jours étaient comptés. Il lui était arrivé d’en rire devant ses visiteurs embarrassés et penauds.
Ma chance, mon culot ou mon inconscience, au choix, font que j’ai « rencontré » René pour la première fois à Quimper, en janvier 1973. Je travaillais alors à l’Arsenal de Brest, c’était donc un samedi. Emplie d’émotion ma visite insolite fut plus que discrète et furtive. René avait engagé une grève de la faim contre la censure cinématographique. Depuis 1970, le PCF comptait deux Fédérations en Finistère. Brestois, je n’avais donc rien à faire à Quimper qui relevait du Sud. Mais voilà, moi-même en délicatesse (histoire tristement rocambolesque) dans le Nord, ma curiosité était trop forte. Je voulais savoir et comprendre ce qui conduisait cet immense cinéaste militant, auteur du tout récent et magnifique « Avoir vingt ans dans les Aurès », à passer outre la sacro-sainte action collective et à mettre ostensiblement sa « peau dans la balance ».
Ainsi, nous devînmes amis. Je peux en témoigner, René aimait la compagnie des plus jeunes militants communistes, surtout lorsqu’ils se révélaient pacifiquement audacieux. « C’est bien d’être un peu turbulent », précisait-il. De ce fait, nous avons travaillé au plus près avec lui au moment du naufrage de l’Amoco Cadiz, en 1978, et de la préparation de son film « Marée noire, colère rouge ». Une épopée riche d’enseignements politiques.
Dans l’instant, je me souviens surtout de cette éblouissante rencontre plus récente, de l’été 2011, chez lui à Cancale. La magie de la connivence avec Arezki Metref, journaliste d’origine algérienne, Yvonne Lagadec et André Le Gac faisait son oeuvre de fraternité. Jean-Claude Salaun n’avait pu se libérer. Une immense tendresse respectueusement partagée inondait son atelier. Résistant, antifasciste, anticolonialiste, créateur, inlassable chasseur d’image de la vraie vie, « un homme est mort ». Ainsi, l’avait-il écrit à propos d’Edouard Mazé, assassiné par la police le 17 avril 1950, à Brest.
Avec tous les progressistes et les militants de la Paix pour la liberté des peuples, je pleure un grand bonhomme. Il faut lire ses mémoires « Caméra citoyenne », aux Editions Apogée. Ses combats, ses créations, ses images, irrigueront longtemps nos pensées et nos propres combats. Adieu René. Ton courage vit et vivra en nous.
Louis Aminot