Deux de nos camarades, membres d’Inseme á Manca/Ensemble – également responsables de l’association Corse PER A PACE – ont participé, en Grèce, à une action de solidarité avec les camps Kurdes. Ils nous ont fait parvenir ce compte-rendu que nous publions très volontiers.
Pour les Kurdes, un choix cornélien : se taire, être emprisonnés ou fuir
Une solidarité dans la durée
Du 10 au 17 avril 2024, une équipe de Per a Pace1– Pour la Paix – accompagnée d’un photographe et militant de l’association France-Kurdistan – s’est rendue en Grèce dans le dernier camp de réfugiés kurdes implanté à la périphérie de la ville de Lavrio.
Le camion qu’ils accompagnaient a été déchargé de son contenu (produits alimentaires et d’hygiène, matériel médical de première nécessité) avec l’aide d’une dizaine de réfugiés kurdes et de jeunes européens de nationalités diverses.
Il s’agissait de la 101ᵉ action de solidarité2– Avec le soutien de l’Union Territoriale Corse CCAS, la compagnie maritime Corsica ferries, les locations Leclerc Ajaccio, l’Hôtellerie de plein air les Oliviers à Porto, la Collectivité de Corse et les nombreux particuliers. depuis 1992, date de la création de l’association.
La situation du camp
Le camp principal n’existe plus.
En effet, prétextant qu’il s’agissait d’un camp d’entraînement de terroristes kurdes, Erdogan – le Président turc – a fait pression sur les autorités grecque et européenne. Il a obtenu la fermeture de ce lieu de vie qui accueillait de nombreuses femmes et enfants.
En juillet dernier, le camp a été démantelé. Après avoir été évacué, les autorités ont fait le nécessaire pour le rendre inhabitable. Tout a été détruit : fenêtres, alimentation électrique, douches, lavabos, cuisines, etc. Reste la structure du bâtiment. Toutes les personnes y résidant ont réussi à s’enfuir.
À l’extérieur de la ville, une cinquantaine de réfugiés sont logés dans des habitations de type Algeco. À l’entrée, une guérite abrite jour et nuit une personne chargée d’accueillir les visiteurs et, en particulier, de prévenir des risques d’attaques de groupes d’extrême-droite.
Des échanges enrichissants
Durant ces quelques jours, les échanges avec les réfugiés furent nombreux et enrichissants. Des jeunes de nationalités allemande, française et belge – dont certains vivent dans le camp et parlent la langue kurde – nous ont accompagnés lors de nos rencontres. Ces jeunes, engagés pour la cause kurde, aident les réfugiés. Ils donnent ainsi des cours aux cinq enfants du camp en âge d’être scolarisés. Malheureusement, ceux-ci ne peuvent l’être, car ils ne sont pas vaccinés.
Journaliste, agent immobilier, capitaine de bateau, responsable municipal, etc. toutes et tous ont pu fuir la répression en franchissant « le mur de barbelés » construit entre la Grèce et la Turquie. Certains d’entre eux ont été dépouillés par quelques afghans à la solde du gouvernement grec. Il semble qu’on leur ait promis une régularisation administrative.
Les femmes pour cibles
Les premières victimes de la politique du gouvernement d’Erdogan sont les femmes kurdes. Celles que nous avons rencontrées ont connu les prisons turques. Elles ont toutes été condamnées à des peines de six, vingt ans et plus, prononcées par les tribunaux à leur encontre.
Pourquoi les femmes ?
La plupart des municipalités kurdes tentent la mise en œuvre d’une politique axée sur un confédéralisme pluriculturel, séculier, écologique et surtout soucieux de l’égalité des sexes. Donc un modèle autre que celui actuellement imposé au monde. C’en est trop pour le régime turc, d’autant que l’émancipation de la femme ne fait pas partie de sa politique. De plus, le modèle kurde n’est pas sans impact sur les femmes d’autres nationalités vivant en Turquie.
Pour combattre cela, Erdogan exacerbe le patriarcat et la religion. Ce sont autant d’obstacles pour les femmes avec pour conséquence, selon plusieurs témoignages, une hausse impressionnante des féminicides.
Les réfugiés kurdes sont assimilés à des terroristes. Ils sont, en effet, accusés par Ankara d’appartenir au Parti des Travailleurs Kurdes et de soutenir le leader Kurde Abdullah Öcalan. Ce dernier est emprisonné depuis 25 ans par la Turquie sur l’île-prison d’Imrali dans la mer de Marmara. Ses amis, sa famille et ses avocats n’ont plus de nouvelles de lui depuis 2021.
L’espoir malgré tout
Nous avons pu constater une réalité totalement différente.
Tous évoquent l’espoir du dernier scrutin électoral municipal de ce mois d’avril 2024 et l’échec du parti au pouvoir en Turquie. Tous relèvent le silence complice de la communauté internationale. Pourtant, celle-ci, lors de la lutte contre Daesh, n’a pas manqué d’éloges envers les Kurdes du Rojava. Hier, héros et défenseurs de la cause démocratique, aujourd’hui persécutés et livrés à Erdogan par « les démocraties ».
L’espoir, c’est l’engagement de cette jeunesse internationale, consciente de la nécessité de changer le monde, rencontrée dans ce camp et dans le centre culturel kurde à Athènes.
Puis, il y a Şervan le nouveau-né du camp qui a passé la frontière dans le ventre de sa mère. L’espoir, c’est aussi lui.
Notes
- 1– Pour la Paix
- 2– Avec le soutien de l’Union Territoriale Corse CCAS, la compagnie maritime Corsica ferries, les locations Leclerc Ajaccio, l’Hôtellerie de plein air les Oliviers à Porto, la Collectivité de Corse et les nombreux particuliers.