Séisme en Turquie et Syrie : une catastrophe naturelle ? Oui, mais pas seulement !
Dans la nuit du 5 au 6 février, la Turquie et la Syrie étaient frappées par un épouvantable séisme (une magnitude de 7,8 sur l’échelle de Richter). À ce jour (8 février), on compte déjà plus de 13 000 victimes et le décompte macabre est loin d’être achevé (l’OMS faisant état de prévisions allant jusqu’à 20000 morts).
L’heure est donc à la solidarité inconditionnelle avec la région et ses populations endeuillées et sinistrées !
Mais de ce point de vue, il convient de prendre en compte diverses observations.
Le séisme a frappé le sud-est de la Turquie et la Syrie, principalement les provinces kurdes de la Turquie (l’épicentre est sur la ville kurde de Malatayia et 10 villes kurdes sont touchées) et le Kurdistan de Syrie (le Rojava).
Il ne s’agit évidemment pas pour nous de faire un tri parmi les victimes et les zones sinistrées. Mais est-ce bien le cas pour tout le monde ? Ce matin, sur France Inter, la présentatrice du journal de 8 h énonçait que « des régions se sentent abandonnées par l’État [turc]. Peut-être de quoi interroger la toute-puissance du président Erdoğan ». Il s’agit en tout premier lieu du Kurdistan de Turquie, considéré par la grande majorité de ses habitants comme un territoire maintenu en « sous-développement » économique par le gouvernement turc depuis des décennies. Rien d’étonnant donc à ce que les secours tardent à arriver. On peut même parler d’absence de secours dans des villages coupés du monde par la neige, sous des températures glaciales. Tout le monde a pu voir les images d’immeubles de plusieurs étages, construits sur des failles sismiques, s’écroulant comme des châteaux de cartes. Et si le tremblement de terre est bien une catastrophe naturelle, l’absence de plan séisme dans la région ne l’est pas : il faut prendre en compte les décennies de mauvaise gestion, la corruption généralisée, le népotisme avec son corolaire de dirigeants politiques incompétents jouissant de l’impunité.
Des populations abandonnées
Les organisations kurdes KCDK-E (Congrès des Sociétés Démocratiques du Kurdistan en Europe) et TJK-E (Mouvement des Femmes Kurdes en Europe) ont publié hier un communiqué de deuil et de solidarité. Elles y déclarent notamment que « le gouvernement fasciste AKP-MHP ne fait que regarder le désastre. Les opérations de recherche et de sauvetage menées jusqu’à présent sont insuffisantes. (…) Le gouvernement AKP-MHP cherche à empêcher les efforts d’aide d’atteindre les victimes du séisme et à donner la priorité aux groupes gouvernementaux. Le gouvernement prévoit de tirer profit même d’une telle catastrophe majeure. Cela empêche même l’Association médicale turque d’envoyer du matériel médical dans la région (…). L’État fasciste turc, responsable du massacre de notre peuple et de ses souffrances matérielles et spirituelles, ne prendra pas les mesures d’aide nécessaires face à cette catastrophe ». Les signataires déclarent se fonder sur les expériences des séismes passés dans les régions kurdes de Van et de Bingöl…
La répression et les bombardements continuent
On peut se faire une idée des priorités politiques d’Erdoğan en comparant ces deux chiffres (chiffres pour l’année 2023 ; pour l’AFAD , les chiffres sont quasi identiques depuis 2021 ; pour le Dinayet, ils ont été triplés !) :
- Budget alloué au Centre de coordination des catastrophes (AFAD) : 2,3 billions de lires.
- Budget alloué à la Présidence des affaires religieuses (Dinayet) : 35,9 billions.
Il y a néanmoins un domaine où le gouvernement turc ne reste pas inactif : depuis le séisme, au moins quatre arrestations ont eu lieu pour « messages provocateurs » postés sur les réseaux sociaux (sans que la police ne fournisse d’autres explications). Il faut dire que les réseaux sociaux sont inondés de messages de gens se plaignant du manque de secours dans leur zone.
Depuis ce matin, on signale que les autorités turques confisquent nourriture, médicaments et couvertures destinés aux localités kurdes au motif que c’est à l’État de gérer la distribution d’aide. Hier, le compte Twitter du HDP signalait qu’une collecte de dons organisée par la municipalité kurde d’Agri/Patnos avait été confisquée par le gouverneur turc de la ville. Des témoignages similaires viennent d’un peu partout.
Appels à la solidarité
En Syrie, le président du Croissant Rouge syrien, Khaled Haboubati, appelle à lever les sanctions économiques contre la Syrie pour faciliter l’aide internationale. Mais, le Rojava, lui, est toujours soumis au blocus par la Syrie et la Turquie (sans commentaires du croissant rouge syrien, soumis évidemment à Bachar), ce qui vaut pour l’acheminement des secours. En revanche, on a appris hier que les bombardements turcs se poursuivaient. Ainsi, l’armée turque a bombardé la ville de Tall Rifaat, au Rojava (entre Gaziantep, la Turquie et Alep), quelques heures après le séisme…
Dans ces conditions, le Conseil démocratique kurde en France (CDK-F) appelle à la solidarité financière avec le Kurdistan (turc et/ou syrien)
Appel à soutenir les victimes du séisme au Kurdistan
Pour compléter, vous pouvez consulter sur notre site :