Vendredi 14 novembre le tribunal de commerce de Marseille a décidé de surseoir à statuer sur la déclaration de cessation de paiement de la SNCM et de désigner un juge enquêteur.  Il se prononcera le 25 novembre prochain sur l’alternative redressement ou liquidation. « (…) le procureur se pose la question de l’honnêteté de l’actionnaire » (J.F. Simmarano, secrétaire CGT des sédentaires dans « Les Echos »).
La cessation de paiement fait suite à la décision de l’actionnaire majoritaire, Transdev de réclamer  à la compagnie 103 millions d’euros.  Or, il est important de savoir que  le groupe, fusionné en 2011 avec la filiale transport de Véolia, est une entreprise à capitaux publics pour moitié, via la Caisse des Dépôts et Consignation. Ainsi, au travers de Transdev (66%, dont 50 % à la CDC) et de l’actionnariat direct (25%) c’est donc l’état qui est majoritaire au sein de la SNCM.
Cet éclairage est essentiel pour mesurer le cynisme avec lequel  le  gouvernement traite les deux mille salarié-e-s de la compagnie maritime Corse-Méditerranée.
Il y a un an, en décembre 2013, après quinze jours de grève, les salarié-e-s emmené-e-s par le syndicat CGT de la compagnie, arrachaient un engagement du gouvernement sur le maintien – et même le développement ! – de la compagnie. C’était l’heure des promesses pré-électorales, le moment aussi où le gouvernement annonçait un « Plan d’Urgence » pour Marseille, siège de la compagnie et port d’attache de ses navires. Presque un an après, la trahison est d’autant plus violente pour les salarié-e-s et  les militant-e-s.
Frédéric Alpozzo, secrétaire général du syndicat CGT des marins de Marseille, représentant des salarié-e-s au conseil de surveillance de la SNCM, déclare que l’Etat, en tant qu’actionnaire majoritaire, se comporte aujourd’hui « comme un patron voyou en cherchant, au travers du dépôt de bilan, à vendre la compagnie par morceaux au plus offrant ».
Pour lui « malheureusement le dossier de la SNCM est le révélateur de la politique du gouvernement. Il y a encore six mois, il s’engageait à renouveler les navires aux chantiers de St-Nazaire ». L’accord, intervenant après plus d’un an et demi  d’efforts de productivité demandés aux salarié-e-s, incluait un « pacte social » en contrepartie d’engagements sur l’emploi et l’investissement industriel des actionnaires et de l’Etat pour pérenniser la compagnie.
Frédéric Alpozzo rappelle également que « le gouvernement s’était aussi engagé à légiférer pour interdire le recours au détachement de travailleurs dans la marine marchande sur les lignes régulières en France ». Il s’agissait bien sûr de rétablir un contexte de « concurrence équitable » avec la Corsica Ferries, compagnie italienne low coast, qui bénéficie comme la SNCM des subventions publiques au titre de la délégation de service public pour la continuité territoriale avec la Corse, sans pourtant se soumettre aux règles du « pavillon français » en matière de salaires et également de droit social et fiscal. « En l’occurrence, explique Frédéric Alpozzo, le pavillon international italien dont bénéficie la Corsica l’exonère de toute cotisation sociale en France et, comble de tout, il lui permet de bénéficier d’aides publiques de l’Etat italien. Face à cela, ce que nous avions proposé, c’était d’imposer que l’employeur ait l’obligation de conclure des contrats de travail de droit français, plus protecteur pour les salariés. C’est ce qui avait été engagé au nom du gouvernement par Frédéric Cuvillier…».
Aujourd’hui, le moins qu’on puisse dire c’est que l’Etat et le gouvernement sont aux abonnés absents sur le dossier de la SNCM, ce qui n’est pas étonnant puisqu’à son sujet comme sur d’autres dossiers, il a pratiqué le mensonge au plus haut niveau. Mais Frédéric Alpozzo interpelle également le Parlement « puisque la Caisse des dépôts est contrôlée par le Parlement, conformément à ses statut, et on voit qu’elle n’est en rien saisie par les députés de ce dossier pour lui imposer de jouer son rôle d’actionnaire d’intérêt général, et d’arrêter la gravissime mise à mort de la SNCM, avec plus de deux mille emplois concernés – et les emplois induits ! – aussi bien en Corse que sur le continent ».
Avec  la décision du tribunal de commerce vendredi 14 novembre, les salarié-e-s de la SNCM ont obtenu un sursis qu’il faut mettre à profit pour amplifier la mobilisation citoyenne à leurs côtés et exiger de l’Etat qu’il prenne ses responsabilités. C’est ce qu’ils ont exprimés samedi 15 novembre au carrefour des luttes qui s’est tenu l’usine occupée des Moulins Maurel dans le cadre de la mobilisation départementale 3A.
Manu Arvois