Nous arrivons au terme de la vie de nos centrales nucléaires.
Malgré l’insurmontable problème du legs aux générations futures de la gestion de déchets radioactifs d’une durée de vie de 200 000 ans – et de son coût -, ainsi que notre incapacité actuelle à gérer le démantèlement d’une centrale nucléaire, nous allons prolonger la durée de vie de nos centrales de 10 ans renouvelables (étrangement la durée de vie annoncée est passée officiellement de 25 à 30 puis à 40 ans. EdF a annoncé une volonté d’aller au-delà, 50 voire 60 ans. Sans demander au français ce qu’ils en pensent).
Cela va se faire à coups de milliards d’euros : « le grand carénage » , qui consiste à remplacer certains éléments vitaux de sécurité, coûtera plus de 100 milliards selon la cour des comptes (février 2016) au lieu des 55 annoncés par Edf. Mais il est impossible de remplacer l’élément essentiel d’un réacteur : sa cuve sans pouvoir garantir qu’il n’y aura pas de problème. Et alors que nous sortons d’une décennie de sous-investissements dans le parc nucléaire par EdF.
Malgré les communications optimistes des acteurs de la filière, la situation actuelle est au plus bas. Les travailleurs sous-payés des entreprises sous-traitantes sont les premiers exposés. Selon la Fédération CGT de l’énergie : « voilà plus de 10 ans que la Division de la Production Nucléaire (DPN) a fait le choix d’externaliser la maintenance des arrêts de tranche à hauteur de 80 %… sans se préoccuper des conséquences ni sur la vie des personnels ni sur l’état réel de l’outil de production « . Les sous-traitants de l’industrie nucléaire subissent 80 % de l’exposition à la radioactivité sans suivi médical adéquat. Ils dénoncent la dégradation de leurs conditions de travail et cadences insoutenables qu’ils subissent ainsi que la mie en cause de la sécurité.
Pour les salariés, on assiste à une dégradation des conditions de travail, une accélération du rythme pour terminer les chantiers au plus vite (période d’arrêt du réacteur hors hiver du fait de la demande pour le chauffage électrique),et comme toujours une exposition à la radioactivité.
Les questions de formations, de santé et de sécurité se posent. L’expertise des travailleurs du nucléaire d’EdF disparait au fur et à mesure des départs à la retraite. Les logiques financières actuellement à l’œuvre, qui prévalent au recours des sous-traitants, peuvent nous faire craindre que nous sommes entrés dans une période de grand rafistolage.
Or, tout incident aura des conséquences dramatiques et générera des coûts de réparation astronomiques, si tant est que l’on puisse parler en termes de réparation. Les premiers touchés seront les travailleurs du nucléaire, les personnels de la sécurité civile et bien entendu dans un temps très court les populations, les animaux ainsi que les terres cultivables. Les deux dernières catastrophes nucléaires le confirment. Tout incident ne serait pas anodin.
Dans la lettre reproduite ci-dessous, la Confédération générale du travail du Japon explique comment le gouvernement japonais compte procéder pour financer les conséquences de l’incident de Fukushima tout en évitant au fournisseur d’électricité nucléaire de faire faillite. Déjà, toute proportion dramatique gardée, nous suivons cette même logique : nous devrons assumer les surcoûts du « grand carénage » (déjà plus du double du coût annoncé), comme nous payerons les conséquences du moindre incident.
Nous devons nous éloigner des rêves fous de prolongation de durée de vie des réacteurs ou sortir de toute logique qui viserait à substituer de nouveaux réacteurs aux anciens. Nous devons sortir de cette stratégie industrielle qui n’a jamais été soumise à un débat démocratique depuis 50 ans.
Pour ce faire, nous devons accélérer la transition énergétique tout en garantissant le droit à l’énergie pour tou-te-s. Une politique de sobriété électrique est le premier jalon à mettre en œuvre pour réduire la demande globale. Nous pouvons y arriver et cela passera par :
– un plan de la rénovation thermique de l’habitat
– un plan de développement des énergies renouvelables
– un pôle public de l’énergie afin de mettre la filière à l’abri des logiques financières et d’en aménager la maîtrise publique et citoyenne
– une action pour la création d’un groupe public européen en matière d’énergie.
La logique européenne doit se situer dans une logique de coopération et de mutualisation plutôt que de concurrence.
Pierre-Yves Pira