Le projet de privatisation de la société de gestion l’aéroport Toulouse-Blagnac (SA ATB), a été élaboré par A. Montebourg puis négocié secrètement par le ministre de l’Économie Emmanuel Macron. Pas une seule fois, les représentants des 100 000 riverains situés sous le couloir aérien et qui supportent déjà les nuisances de cet aéroport, n’ont été informés ou consultés sur cette privatisation ni sur le projet de triplement du trafic qui y est associé et l’impact majeur qu’il aura sur leur vie.
Grâce notamment aux révélations du journal Médiapart, un Collectif unitaire contre la privatisation de la gestion de l’aéroport Toulouse-Blagnac rassemblant une vingtaine de comités de quartier, des associations, des syndicats (Solidaires, FSU et CGT), partis politiques (à gauche du PS) et des élus (dont certains sont socialistes) s’est constitué le 15 décembre dernier. En 2 mois, il a réussi à imposer un débat dans la presse et à polariser la vie politique locale.
UN PROJET ANTIDÉMOCRATIQUE ET SULFUREUX
Le processus de privatisation de l’aéroport Toulouse-Blagnac qui a aboutit à la désignation du consortium sino-canadien Symbiose comme acquéreur par le ministre E. Macron le 28 novembre dernier est a plus d’un titre antidémocratique et sulfureux.
Si certains ont désigné la présence de fonds d’investissements chinois au sein du consortium comme seul motif d’opposition à la privatisation, cela n’a pas été le cas du collectif unitaire contre la privatisation : celui-ci s’est opposé clairement à toute privatisation « quel que soit la nationalité du repreneur ».
Si la nationalité n’est en effet pas en question, la nature des repreneurs, elle, est centrale.
Cette vente a fait l’objet d’un pacte secret d’actionnaires entre le consortium Symbiose et l’État par lequel l’État actionnaire s’engage « à voter en faveur des candidats à la fonction de membres du conseil présenté par l’acquéreur, […] à ne pas faire obstacle à l’adoption de décisions prises en conformité avec le projet industriel, tel que développé par l’acquéreur dans son offre, [et] sauf motif légitime, à voter au conseil dans le même sens que l’acquéreur pour les décisions importantes ». Par ce pacte, l’État laisse donc toute latitude de gestion au gestionnaire privé minoritaire, abandonnant ainsi toute capacité d’agir sur les orientations d’un équipement public stratégique.
Cette privatisation cachée, qualifiée de simple « ouverture du capital » par le gouvernement, se fait par ailleurs dans une inquiétante ambiance où plane autour des acquéreurs une suspicion de corruption.
La société canadienne SNC Lavalin, géant du génie-conseil et membre du consortium, non seulement a été mise en cause pour des faits de corruption qui ont entraîné son exclusion pendant 10 ans des marchés publics par la Banque mondiale mais doit faire face aujourd’hui à des accusations de « fraude et de corruption d’agents étrangers » à la suite de l’enquête policière menée par Gendarmerie royale du Canada (GRC) sur ses activités en Libye. Quant aux sociétés à capitaux chinois qui constitue la 2ème partie de Symbiose, Médiapart a révélé qu’elles étaient domiciliées dans des paradis fiscaux.
UNE CATASTROPHE SANITAIRE ET ENVIRONNEMENTALE
Présenté comme comme une chance pour l’économie et l’emploi pour la région toulousaine, cette opération n’est rien d’autre que l’ingénierie financière d’un opérateur privé dont la seule préoccupation est d’accroître la rentabilité de son acquisition. Car ce n’est pas l’aéroport ( pistes et terminaux) que l’État a vendu, c’est uniquement le droit d’exploitation, un actif immatériel de peu de poids. Comme l’écrit le journal Les Échos, « compte-tenu du risque de l’opération, le consortium Symbiose, qui doit rémunérer sa mise de fonds de 300 millions d’euros pendant la durée de la concession; doit viser un rendement d’au moins 60 % par an, à travers ce que paieront les compagnies aériennes, passagers, concessionnaires, etc. ».
Pour atteindre de tels objectifs, le gestionnaire pressenti vise le doublement puis le triplement du nombre de vols à moyen terme avec la création d’un hub européen, où se développeraient le transit passagers, le fret et les vols de nuit : un projet gigantesque qui ferait de l’aéroport une plate-forme de correspondance pour l’Europe d’un niveau équivalent à celui d’Orly et dont seules les boutiques duty free de l’aéroport profiteraient.
Car pour les autres, et notamment les 100.000 riverains situés sous le couloir aérien, il aura des conséquence sanitaires et sociales majeures.
Aéroport le plus enclavé dans l’espace urbain en France (60 % des personnes impactées par le trafic aérien dans toute la France habitent l’agglomération toulousaine ! ), Toulouse-Blagnac impose d’ores et déjà des conditions de vie difficiles aux habitants survolés : nuisances sonores et pollutions atmosphériques avec des conséquences telles qu’une augmentation des pathologies respiratoires et cardiaques, insomnies, stress, etc., impossibilité de manger sur son balcon ou dans son jardin l’été, baisse de la valeur immobilières des habitations, etc.
De surcroît, la probabilité d’un risque de catastrophe aérienne par chute d’un avion sur l’agglomération toulousaine et notamment sur le site industriel Seveso 2 Safran-Héraklès augmenterait considérablement.
LE RENONCEMENT AU CONTRÔLE PUBLIC D’UN ÉQUIPEMENT STRATÉGIQUE
Après avoir privatisé les autoroutes, l’État s’apprête à renouveler son erreur, pour des objectifs financiers à court terme, et à céder un équipement public stratégique au privé. En renonçant au contrôle public de l’aéroport, le gouvernement confie à des intérêts privés les choix futurs en termes d’aménagement du territoire. Il enlève toute possibilité à la population locale et aux citoyens de ce pays de faire des choix économiques, sociaux et écologiques audacieux pour de longues années.
Le comportement des collectivités locales, actionnaires de la SA ATB, est à ce titre problématique. Si le conseil général de la Haute-Garonne a voté – tardivement certes après avoir vainement cherché un impossible pacte minoritaire avec les autres collectivités et la CCI – cette privatisation est servie par l’assourdissant silence du conseil régional Midi-Pyrénées et appuyée par la droite toulousaine. Les déclarations du maire de Toulouse et président de la Métropole vantant une participation financière des investisseurs chinois pour la construction du futur parc des expositions n’a fait que renforcer le sentiment d’opacité générale de l’opération.
La privatisation de l’aéroport de Toulouse-Blagnac n’est que la première étape d’une opération de plus grande ampleur comme le montre le lancement de la vente des aéroports de Nice et Lyon prévu par la loi Macron. À quand la privatisation de la gestion du réseau d’électricité, des chemins de fer, des gares, etc. ?
Cette privatisation prend sa place dans la politique d’austérité menée en France et dans toute l’Europe dont l’objectif est de livrer tout ce qui reste de gestion ou de service publiques aux intérêts privés.
Il est urgent de s’opposer à un tel projet pour toutes les raisons que le collectif unitaire contre la privatisation de l’aéroport de Toulouse-Blagnac évoquent et qu’Ensemble soutient sans réserve mais aussi parce que parallèle avec la politique d’austérité menée depuis 7 ans maintenant en Grèce, où la population a vu le port du Pirée, ses aéroports, chemins de fer, entreprises de transport, d’électricité, de gaz, etc. vendus aux « investisseurs » est évident.
La bataille est loin loin d’être perdue tant le collectif contre la privatisation a réussi à convaincre un nombre de citoyens et d’élus croissant que la victoire est possible.
Le récent avis « défavorable » rendu par le comité d’entreprise de l’aéroport est une nouvelle pierre déposée dans le jardin d’Emmanuel Macron : son représentant avait en effet affirmé lors de la séance du référé déposé en conseil d’État par l’avocat du collectif, qu’en cas de refus du CE de l’aéroport, le gouvernement serait amené à revoir sa copie. Quoi qu’il en soit, le recours pour excès de pouvoir déposé par le collectif continue sur le fond tandis que d’autres actions en justice sont prévues.
Mais c’est avant tout sur la mobilisation des citoyens que ce dernier s’appuie avec en perspective une deuxième manifestation prévue le samedi 14 mars à 15h au donjon du Capitole.
Ensemble ! 31 , membre du collectif unitaire contre la privatisation de la gestion de l’aéroport Toulouse Blagnac