Adopté fin septembre lors du Sommet des Nations unies, le Pacte pour l’avenir vise à remettre le multilatéralisme sur les rails. La bataille pour son adoption montre que le Sud global ne fait pas seulement face à un Nord global (l’Occident), mais également à un Est global (Chine + Russie).

Quel multilatéralisme pour le Sud global ?

Par François Polet1Sociologue, chargé d’étude au CETRI-Centre tricontinental. Publié le 15 octobre 2024 par AOC.

Le Pacte pour l’avenir a été adopté par acclamation par l’Assemblée générale des Nations Unies le 23 septembre 20242https://www.un.org/fr/summit-of-the-future. Pour rappel, l’objectif de ce texte était de poser les bases d’une relance de la coopération internationale dans un monde à la fois de plus en plus divisé et de plus en plus exposé à des enjeux globaux pressants – du réchauffement climatique au creusement des inégalités, en passant par la menace nucléaire, les pandémies, l’intelligence artificielle, etc.
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La dynamique des échanges avant et durant le Sommet de l’avenir ainsi que le contenu même du Pacte mettent en relief les positionnements et les attentes du Sud global vis-à-vis du multilatéralisme. Pour le dire d’une phrase, la majorité des pays du Sud sont demandeurs de multilatéralisme, mais exigent d’avoir davantage de voix dans les institutions multilatérales afin que celles-ci répondent effectivement à leurs besoins et leurs intérêts en matière de développement et de sécurité.

Que les pays du Sud, à quelques exceptions près, nourrissent des attentes à l’égard d’un renforcement du multilatéralisme se vérifie d’abord dans l’intensité de leur engagement dans le processus de négociation ayant précédé le Sommet. Cette implication a elle-même été favorisée par le profil du secrétaire général des Nations unies à l’origine de l’initiative du Pacte pour l’avenir, António Guterres, considéré comme sensible aux intérêts du Sud global et partisan avoué d’un rééquilibrage du système international. Si une poignée de pays, comme le Soudan, ont centré leur discours à la tribune sur la primauté des souverainetés nationales et de la non-ingérence dans les affaires intérieures des nations, la majorité des interventions des leaders des pays en développement ont formulé une critique constructive du rôle et du fonctionnement des institutions multilatérales.

Le fait que l’amendement de dernière minute de la Russie appelant à surseoir à l’adoption du Pacte ait été très largement rejeté par les pays en développement démontre que ces mêmes pays estimaient qu’ils avaient davantage à perdre qu’à gagner du rejet d’un texte inévitablement imparfait, du fait de la diversité des intérêts en jeu, mais qui ouvrait des perspectives. Cet isolement de la Russie par rapport aux pays en développement a parallèlement une signification géopolitique. Alors même que Moscou prétendait être motivé par la volonté de « protéger le Sud global » des « pressions » qu’il aurait subies de la part de l’Occident pour adopter le texte, la masse du Sud global a suivi la proposition du Congo-Brazzaville, au nom de l’Union africaine, de ne pas voter cet amendement.

Ce camouflet montre les limites de l’influence géopolitique de Moscou parmi les pays en développement, en dépit du fait qu’une quarantaine d’entre eux désormais veulent rejoindre les BRICS. Elle accrédite les thèses selon lesquelles le Sud global ne fait pas seulement face à un Nord global (l’Occident), mais également à un Est global (Chine + Russie), et que les BRICS sont considérés par la majorité des pays du Sud comme un levier pour réformer l’ordre international dans le sens de leur intérêt plutôt que comme une plateforme anti-occidentale.

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