Une délégation de 26 participants de 10 pays européens s’est rendue en Ukraine du 3 au 6 mai à la rencontre du mouvement social, féministe et syndical d’Ukraine dans le cadre du Réseau européen de solidarité.
Deux des participants français nous en font un compte rendu express : Laurence Boffet (conseillère municipale 1er arrondissement de Lyon et vice-présidente à la métropole de Lyon, Membre d’ENSEMBLE!), Roland Mérieux (équipe d’animation nationale d’ENSEMBLE!)
Première journée, arrivée à Lviv (mercredi 4 mai)
Nous sommes arrivés à Lviv hier après-midi. Laurence Boffet ainsi que les parlementaires présents dans la délégation ont rencontré mercredi 4 mai matin le parti Razem (gauche radicale polonaise, environ 7 % des voix aux dernières élections législatives, six députés) puis des associations qui tiennent une maison des solidarités à la frontière polonaise. Ensuite, nous avons rencontré des humanitaires polonais (anciens musiciens organisateurs de festivals reconvertis en convoyeurs de tout, médicaments, repas, réfugiés). Ce jeudi 5, en lien avec les camarades de Sotsialnyi Rukh (Mouvement social ukrainien) qui militent pour une socialisme démocratique, nous rencontrerons, aujourd’hui et demain, des représentants syndicaux (en particulier du rail, services publics santé, mineurs), des militants écologistes, féministes, LGBTQ+.
La délégation européenne du Réseau européen de solidarité avec l’Ukraine comprend des parlementaires polonais, suisse (Stéfanie Prezioso, députée du canton de Genève, Ensemble à gauche), danois, finlandais issus des partis « rouge et vert » ainsi que des représentants de mouvements de solidarité français, britannique, belge et catalan.
Du côté français, sont présents dans la délégation des camarades du NPA (Catherine Samary et Olivier Besancenot), de PEPS (Patrick Farbiaz ), de la Fondation Frantz Fanon internationale (Mireille Fanon-Mendes France) ainsi que nous-mêmes, Laurence Boffet et Roland Mérieux pour ENSEMBLE!.
Deuxième journée (jeudi 5 mai), à Lviv
La matinée a été consacrée à une rencontre avec les responsables de Sotsialnyi Rukh (Mouvement social). Ils nous ont présenté leurs activités, en particulier sur les questions sociales et démocratiques que leur mouvement tente de mettre en œuvre et leur vision de la situation politique dans leur pays en état de guerre (soutien au président Volodymyr Zelensky et son gouvernement, bien que très critiques sur les questions sociales et écologiques).
Plusieurs membres de la délégation européenne étaient présents : parlementaires
danois, finlandais, polonais, membres de partis (suisse, catalan, britannique, français) et des camarades argentins d’Izquierda Socialista, qui revenaient de Kyiv.
Une déclaration commune est en cours de rédaction reprenant les larges convergences évoquées toute la matinée, déclaration proche de celle du texte du Réseau européen de solidarité à l’Ukraine avec un point complémentaire majeur pour eux, l’adhésion rapide de l’Ukraine à l’UE.
L’après-midi a été consacré à des interventions et échanges avec les syndicats ukrainiens, qui se retrouvent essentiellement dans deux grandes confédérations (la Confédération des syndicats et la Confédération des syndicats libres). Des représentant.es de différentes secteurs d’activité sont intervenu.es tels que ceux de la construction, des transports, dont des camarades du rail, de la santé avec la présence d’un syndicat nouveau et indépendant des deux confédérations qui défend les travailleurs pauvres de la santé, des mines et de l’énergie (nucléaire ). Nous avons eu une description détaillée des luttes sociales avant la guerre pour les hausses de salaires, contre les conséquences du néolibéralisme sur les secteurs publics ou la santé, qui nous ont rappelé les nôtres…
Aujourd’hui, les syndicats sont tournés vers l’aide concrète aux travailleurs ukrainiens victimes de la dérégulation en ces temps de guerre (licenciements, non-paiement des salaires voire travail gratuit, maintien de la sécurité et des infrastructures dans les transports ou le nucléaire). La question écologique a aussi été abordée par certains syndicats.
Troisième et dernier jour (6 mai ), à Lviv
Rencontres avec des mouvements féministes, écologiques, de solidarité et libertaires.
Dès le matin, une première réunion s’est tenue entre les femmes de la délégation européenne et des représentantes de trois petites organisations ukrainiennes féministes, intersectionnelles, LGBTQ. Un groupe de travail spécifique sur ces questions démarre dans le réseau européen en lien avec ces groupes féministes.
Ces groupes féministes ukrainiens se focalisent en particulier sur l’entraide aux femmes qui ont cruellement besoin de soutien immédiat sur le plan financier, psychologique mais aussi politique. Plusieurs contacts très concrets ont été pris lors de cette rencontre pouvant permettre ultérieurement de créer des ponts avec les Ukrainiennes de Lyon mais aussi avec des mouvements féministes (au plan national) qui voudront les aider.
La matinée s’est poursuivie avec la présentation des actions de ces mouvements féministes et d’entraide entre femmes.
Plusieurs centaines de milliers de femmes se retrouvent seules avec leurs enfants, avec ou sans travail, exilées en Pologne ou déplacées dans leur propre pays, l’Ukraine, elles ont besoin d’une prise en charge au niveau de l’éducation de leurs enfants, du travail, un logement, des soins médicaux ainsi que d’accès à l’avortement, que ce soit en Pologne, qui l’interdit, mais aussi en Ukraine, où c’est autorisé mais aujourd’hui de plus en plus difficile à démarcher.
Au cours de l’après-midi, d’autres présentations ont été faites par des représentants de mouvements écologistes, qui sont favorables aux sanctions et qui se concentrent en particulier sur une demande d’embargo du pétrole et du gaz russes en exigeant qu’ils ne soient pas remplacés par d’autres énergies fossiles. Un appel en ce sens est en train de circuler auprès des parlementaires du monde entier : https://www.fossilfuelfreefuture.org/#letter. Cet appel est ouvert à tous les élu.es, y compris locaux.
Par ailleurs une représentante d’un mouvement LGBTQ a décrit les actions de solidarité qu’ils et elles ont mis en place pour tous et toutes à partir d’une coopérative qu’ils et elles géraient déjà avant la guerre. Selon elles et eux, une des justifications de la guerre avancée par les Russes est la défense des valeurs traditionnelles, chrétiennes (cité par leur collectif), et par conséquent la lutte contre la domination LGBT sur l’Ukraine comme sur l’ensemble de l’Europe (sic), le président Zelenski étant même « accusé » d’être gay ! Par ailleurs, la société ukrainienne est assez conservatrice et la guerre renforce les valeurs « viriles ». Ce collectif défend la visibilité de la communauté LGBT, y compris dans l’armée, travaille au consensus et prône une démarche non violente.
Un représentant des droits des Roms est également intervenu, leur mouvement est très structuré car les Roms en Ukraine sont parmi les plus discriminés d’Europe. Leur défense avait démarré bien avant la guerre. Ils profitent du fait que l’Ukraine demande son adhésion rapide à l’UE pour exiger l’accélération de l’agenda 2021-2030 qui prévoir une amélioration du traitement du peuple rom demandé par l’Europe à tous les pays adhérents.
Les associations roms disposaient déjà avant la guerre de réseaux européens efficaces qu’ils mettent aujourd’hui à disposition de l’ensemble des Ukrainiens. Malgré le racisme en Ukraine, leur représentant reconnaît que l’aide spontanée des Ukrainiens a concerné aussi les Roms, malgré des cas de maltraitance de la police, comme par exemple à Lviv. Dans cette ville, un cas de violence policière médiatisé a même été utilisé par les Russes pour faire croire à des attaques envers les russophones d’Ukraine !
D’autres actions humanitaires ont également été présentées en association avec les mouvements libertaires. Ces réseaux sont a priori efficaces en terme de logistique de l’ouest vers l’est de l’Ukraine mais aussi dans les zones sous occupation ou les zones de guerre. Partout ailleurs, ils proposent aussi des abris, des hébergements, des lieux de stockage. Des actions du côté de la Défense territoriale ukrainienne sont également prises en charge par ces mouvements. Ils demandent des soutiens financiers mais aussi de l’aide pour le soutien psychologique et sur pour répondre aux revendications des femmes qui peuvent aussi être réalisées depuis l’étranger.
Une représentante de ces mouvements nous a expliqué la question des trafics d’êtres humains, dans le cadre du travail forcé ou de l’exploitation sexuelle. L’Ukraine était déjà une grande pourvoyeuse de travail forcé, cela c’est bien sûr renforcé depuis le début du conflit.
Durant cette dernière journée de conférence des interventions de nos camarades parlementaires polonais, danois et finnois ont entrecoupé les différents exposés des militants et activistes ukrainien.nes.
En conclusion de ces deux journées, une déclaration à été proposée par Vitalii Dudin au nom de Sotsialnyi Rukh à la délégation européenne.
Ce texte a été approuvé à main levée.
Pour info les parlementaires intervenants étaient :
Danemark : Soren Sondergaard (Red-Green Aliance )
Finlande : Veronika Honkasalo (Left Alliance )
Pologne : Paulina Matysiak ( Razem )
Rzeszow (Pologne), 7 mai 2022