Notre gouvernement veut construire des logements. C’est une bonne idée. Dans un premier temps, c’est la loi du 3 juin 2010 relative au Grand Paris, qui a décidé de réaliser 70 000 logements par an en région parisienne. Comme manifestement cela n’a pas fonctionné, le voilà qui entreprend — sans autre forme de concertation — de piloter cette affaire par le biais d’une opération d’intérêt national (OIN) multisite. Belle démarche démocratique qui conduit le Premier Ministre et son gouvernement à construire 200 000 logements, sans consulter les élus et encore moins les citoyens !
Regardons maintenant la localisation de ces projets.
Nb de logts construits | Nb habts (en millions) | Densité (Habts par Km2) | Taux de pauvreté 2012 (% en dessous du seuil) | |
Essonne | 31 500 | 1,257 | 697 | 10,5 % |
Hauts-de-Seine | 31 850 | 1,586 | 9014 | 10,7 % |
Val-de-Marne | 12 800 | 1,341 | 5477 | 14 % |
Val d’Oise | 11 800 | 1,197 | 961 | 13,9 % |
Seine-Saint-Denis | 67 700 | 1,538 | 6520 | 24,8 % |
Yvelines | 17 750 | 1,412 | 618 | 8,2 % |
Seine-et-Marne | 19 100 | 1,353 | 229 | 10,5 % |
Sur les 7 départements de la région, c’est en Seine-Saint-Denis que l’État prévoit d’en construire le plus (67 700 soit 35 % du total). Certes, c’est avec les Hauts-de-Seine le département le plus peuplé et le plus dense (hors Paris), mais c’est de loin le plus pauvre, même à l’échelle nationale (24,8 % d’habitants en dessous du seuil de pauvreté en 2012). Par contre, dans le 92 (probablement le département le plus riche de France), l’État ne veut construire que 31 000 logements, mais on vous rassure, pour la plupart dans les communes les plus pauvres ! Par exemple, 1 300 logements sont prévus sur le territoire de Courbevoie, contre 5 000 à Sevran, 8 250 à Bagneux-Cachan, 11 100 à Saint-Denis-Aubervilliers et 24 000 à La Courneuve ! Un point particulier sur Les Yvelines (la population y est la plus riche des départements de couronne) qui n’est appelé à contribuer que pour 17 500 logements et le conseil général, si l’on en croit le journal Le Parisien, est « vent debout » contre ce projet. « Quoi, des pauvres, pourraient habiter à côté de chez nous ? »
La cerise sur ce gâteau, c’est bien entendu en Seine-Saint-Denis, l’aménagement des franges du parc de La Courneuve où l’État veut construire ses 24 000 logements. Roland Castro, architecte historique de « Banlieue 89 », en collaboration avec le promoteur Marc Rozenblat de la société « Construction et développement urbain : créateur d’urbanité », nous propose donc d’utiliser 80 ha pris sur la périphérie des 415 que compte le parc. Ils y ajoutent 30 ha prélevés sur des réserves foncières attenantes pour construire une sorte de ceinture urbaine singeant « Central Park » au cœur de New York. Le parc étant classé Natura 2000, en raison de sa flore et de sa faune remarquables, les promoteurs sont obligés de compenser la destruction en achetant 140 ha au nord (essentiellement sur le territoire de Garges-lès-Gonesse).
Le discours verbeux qui a pour vocation de faire vendre ce projet est édifiant. Plus pompeux, plus prétentieux, plus « bling-bling » il faudrait l’inventer ! Il s’agirait, ni plus ni moins, que de réconcilier : « la ville et la nature en proposant l’arrivée d’une nouvelle biodiversité, tout en préservant la présence de la biodiversité sauvage du nord du Grand Paris. » Le caractère écologique et innovant du projet est constamment réaffirmé. Plus même, car il « rend possible la ville durable », et il offre « l’occasion de réaliser des innovations environnementales qui préfigurent l’avènement de la ville durable. » Tout un poème !
Ainsi donc sur ces 110 ha de terrain, il nous est promis la construction de 1,7 million de mètres carrés de plancher, soit l’équivalent de 24 000 logements. Mais en s’y prenant bien, le promoteur nous explique qu’il a identifié des « opportunités » aux abords qui lui permettraient de construire à terme 45 000 logements ! Comme on le comprend bien, les enjeux financiers sont énormes. À ce stade, le montant de l’opération n’est pas indiqué. Toutefois, la vente des terrains devrait rapporter aux collectivités publiques (essentiellement le conseil général ?) 1,5 milliard d’euros. Quant à l’État, il devrait encaisser 3,5 milliards d’euros (2 de recettes fiscales-TVA et 1,5 de droits de mutation à titre onéreux). Comme d’habitude, le promoteur promet de créer 100 000 à 150 000 emplois de quoi appâter les personnes qui ne demandent qu’à le croire !
Ainsi donc, voilà comment se construit le Grand Paris ! Livrer l’affaire aux promoteurs (Nexity, etc.), aux bétonneurs (Bouygues, Eiffage, Vinci, etc.) et, s’il y a un frémissement, prendre des oukases et décider qu’il s’agit là d’opérations d’intérêt national ! Circulez, il n’y a rien à voir !
Par exemple, aucun espace n’est envisagé pour un débat démocratique et populaire qui donnerait toute leur place aux habitants et salariés, de l’initiation du projet à sa réalisation et à son fonctionnement ultérieur.
Il est urgent de faire du parc de La Courneuve une nouvelle ZAD, une nouvelle zone à défendre (Comme NDDL, Roybons, Sivens, Triangle de Gonesse, etc.) !
René Durand