En Israël, une guerre civile se prépare. Le secteur « judéo-messianique de ce pays » sape les fondements de l’État. Ils développent un programme génocidaire de purification religieuse. Dénoncer le danger de Smotrich et consorts qui multiplient les provocations est une tâche absolument urgente. Notre camarade Jean-Paul Leroux nous alerte.

La société israélienne en « État »de sauvagerie

Par Jean-Paul Leroux. Les 13 et 14 août 2024

Israël fait-elle face à une menace existentielle ? Oui, car une guerre civile se prépare de plus en plus visiblement.

Yossi Verter, journaliste et analyste politique israélien, écrivait le 30 juillet qu’Israël était au bord de la sauvagerie1Yossif Verter, Israël au bord de la sauvagerie, in Haaretz du 30 juillet 2024, remis le 13 août 2024 dans l’édition de l’après-midi.. Le 10 août, Ehud Olmert – ancien premier ministre d’Israël de 2006 à 2009 –  s’interrogeait : « Sommes-nous vraiment proches d’une guerre civile ? »2Ehud Olmert, La menace la plus grave pour Israël couve à l’intérieur, in Haaretz du 10 août 2024..

Le 7 octobre n’est pas seulement un drame épouvantable venu de l’extérieur, il est le début, voire la continuation d’un combat fratricide au sein de la société israélienne.

De janvier à juillet 2023, Netanyahu a tenté de restreindre les droits de la Cour Suprême. Il voulait que celle-ci ne puisse plus annuler des décisions politiques non constitutionnelles. Il voulait aussi réformer le processus de nominations des Juges. Autant de mesures ayant l’aval de la droite et de l’extrême droite. Des manifestations fleuves ont permis le report de cette réforme. Cet épisode éclaire la profondeur des oppositions politiques.

Cette division a été masquée par le 7 octobre. La menace que constitue le Hamas a semblé, pour un moment, faire oublier les profonds clivages au sein de la société israélienne. Onze mois de guerre indiquent l’échec patent de l’armée israélienne à Gaza. Netanyahu n’a atteint aucun de ces objectifs. Les otages sont toujours prisonniers. Le Hamas est toujours présent. De plus, Israël doit faire face aux menaces libanaises, syriennes, irakiennes, iranienne.

C’est dans ce contexte que l’extrême-droite israélienne est passée à l’offensive. « Il y a des unités de Tsahal qui définissent pour elles-mêmes des règles de conduites qui sont différentes des normes auxquelles nous sommes habitués. » (Ehud Olmert, op.cit.). Il y a de nombreuses attaques des convois de ravitaillement par des colons et des groupes religieux pour augmenter la famine à Gaza. Il y a la brutalisation de la colonisation en Judée-Samarie, les meurtres, les incendies de maisons palestiniennes, les destructions de champs d’oliviers, etc.

Mais surtout – moment de basculement – le secteur « judéo-messianique de ce pays » (expression d’Ehud Olmert) sape les fondements de l’État d’Israël.

La justice militaire avait arrêté des soldats susceptibles d’avoir violé et violenté des prisonniers palestiniens, contrairement à toutes normes démocratiques, pour les interroger. L’extrême droite a attaqué la caserne dans laquelle ils étaient détenus. « Leur assaut de la base militaire de Sde Teiman, les dommages causés à Tsahal, à ses soldats et à ses commandants, sont le résultat inévitable du pouvoir qu’ils ont accumulé […] et donc ils pensent qu’ils ont la permission de faire de qu’ils veulent » (ibidem.) Dans cette attaque, il y avait des « représentants du gouvernement, des ministres et des députés […]. Le ministre du Patrimoine Amihai Eliyahu (Otzma Yehudit) et le député Nissim Vaturi (Likoud) » (Yossi Verter, op. cit.).

Derrière cet assaut sauvage, se tient la philosophie ultra-religieuse systématisée par Bezalel Smotrich dans son article « Le plan décisif »3Bezalel Smotrich, Le plan décisif in https://hashiloach.org.il/israels-decisive-plan/ . de 2017 ! Il y présente la stratégie à suivre pour parvenir à la constitution du Grand Israël.

Ehud Olmert en fait un résumé saisissant : « Israël est un État juif. Dans un État juif, il n’y a pas de place pour les non-Juifs. Lorsque de nouveaux immigrants de l’ex-Union soviétique arrivent, ils doivent être rapidement renvoyés d’où ils viennent. Les citoyens non-juifs en Israël devraient être boycottés, discriminés, provoqués.

Il faut éviter de coopérer avec eux ou d’essayer de créer une vie de respect mutuel et de tolérance à leurs côtés. S’ils sont résidents des territoires, on peut les attaquer, détruire leurs biens, leurs champs, leurs moyens de subsistance, casser leurs voitures, brûler leurs maisons et les agresser physiquement, en utilisant diverses excuses, pour la plupart inventées et mensongères. Lorsque c’est possible, ils doivent être tués. L’objectif final est de les expulser et de nettoyer la patrie sacrée au profit des colons juifs. »

Voici le programme que suit l’extrême droite israélienne en Cisjordanie et à Gaza, c’est un programme génocidaire de purification religieuse.

En apparence, Smotrich ne va pas plus loin (!) dans son texte. Mais celui-ci possède un impensé que précise Ehud Olmert. Leur volonté politique est encore plus folle si cela est possible, car elle conduit directement à la guerre civile entre Israéliens.

« Pour eux, il n’y a pas d’échappatoire à l’obligation de purifier la société israélienne de tous les éléments qui ne sont pas d’accord avec elle, de toute personne disposée à envisager un compromis territorial dans le cadre d’un processus qui pourrait conduire à une conciliation entre nous et les Palestiniens. « Gauchistes » est une épithète utilisée pour étiqueter une partie importante de la population d’Israël, des gens qui sont méprisés, qui peuvent être incités et abattus si nécessaire.

Des armes appropriées ont déjà été distribuées aux milices obéissant aux dirigeants de ce camp messianique. Le jour n’est pas loin où ces milices utiliseront les armes qu’elles ont reçues pour nous éliminer également, les « gauchistes », les « collaborateurs du Hamas », les « agents du Shin Bet » et d’autres responsables de la sécurité. » (Ehud Olmert, op.cit.).

La voix de cet ancien ministre sera-t-elle entendue ? La minorisation de la menace que constitue le secteur « judéo-messianique » est un impératif politique au sein d’Israël pour éviter une guerre civile. Mais, il est aussi la condition principale pour un accord entre l’État d’Israël et les forces militaires palestiniennes pour la libération des otages et, ce qui est le plus important, la fin du processus génocidaire en cours.

Dénoncer le danger de Smotrich et consorts est la tâche la plus urgente. Ils sont le nœud de la situation avec leurs actions programmées.

Ainsi, ils viennent d’ouvrir un nouveau front, certes symbolique, mais qui met de l’huile dans le feu.

Le ministre de la Sécurité nationale, Itamar Ben-Gvir, et le ministre Yitzhak Wasserlauf, du parti d’extrême droite Otzma Yehudit, ont visité mardi matin le complexe du mont du Temple/Al-Aqsa.

Avec des dizaines de fidèles juifs, ils ont prié sur le lieu saint musulman, défiant le statu quo. « Nous avons fait des progrès significatifs dans la souveraineté d’Israël ici. Notre politique est d’autoriser la prière juive », a déclaré Ben-Gvir sur le site. De provocation en provocation, ils s’ingénient à ouvrir en permanence des nouveaux champs où le feu peut prendre.

La guerre civile a commencé à bas bruit…

 

 

Notes
  • 1
    Yossif Verter, Israël au bord de la sauvagerie, in Haaretz du 30 juillet 2024, remis le 13 août 2024 dans l’édition de l’après-midi.
  • 2
    Ehud Olmert, La menace la plus grave pour Israël couve à l’intérieur, in Haaretz du 10 août 2024.
  • 3
    Bezalel Smotrich, Le plan décisif in https://hashiloach.org.il/israels-decisive-plan/ .