Une victoire pour 400 sans papiers, le 31, obtenue grâce à leur courage et à la crainte du gouvernement avec la journée de mobilisation du 31.
Nous reproduisons le communiqué de ce succès obtenu par les collectifs du 93, du 94, avec Droits devant et l’intersyndicale du Ministère du travail.
Après avoir occupé durant deux jours la DGT, les 400 sans-papiers des collectifs 93, 94 et Droits devant !!, soutenus par l’intersyndicale CGT, FSU SNU et Solidaires ont contraint le Ministère du travail à recevoir une délégation mercredi 30 mars à 18 h 30 au ministère du travail, dans la salle historique des « Accords de Grenelle ».
La rencontre s’est soldée par une avancée très importante concernant les revendications portées par les travailleurs sans-papiers concernant leur régularisation.
M. Imbert, directeur de cabinet de la ministre, a en effet rédigé mercredi soir un document officiel répondant notamment à la principale exigence des sans-papiers, à savoir :
– La mise en place d’un groupe de travail tripartite regroupant le ministère du travail, les sans-papiers et l’intersyndicale, qui débutera la semaine prochaine, dans le but « D’ENGAGER UN PROCESSUS DE TRAVAIL COMMUN ».
Ce processus s’appuiera sur les trois points clé des revendications portées depuis plus d’un an par les sans-papiers et leurs soutiens :
– Que tout travailleur sans-papiers soit régularisé sur simple preuve de relation de travail, sans condition de durée, de séjour ou d’emploi,
– Que l’inspection du travail soit dotée d’un pouvoir de régularisation d’un sans-papiers sur simple constat d’une relation de travail,
– L’abrogation de la taxe de l’Office Français de l’Immigration et de l’intégration (OFII), discriminatoire et synonyme de préférence nationale, qui oblige l’employeur à payer une taxe d’environ 1000 euros pour l’embauche d’un sans-papiers, que celui-ci paye en réalité de sa poche.
Nous sommes satisfaits que le Ministère du Travail reconnaisse ENFIN ses responsabilités quant à la régularisation des sans-papiers (travailleurs avant d’être sans-papiers !), jusqu’ici parqués dans la chasse gardée, répressive et pénalisante, du ministère de l’intérieur et des préfectures de police.
Cette victoire, arrachée grâce au courage, à l’unité et à la solidarité exemplaires des sans-papiers, marquera probablement d’une pierre blanche la longue marche des sans-papiers, entamée il y a 20 ans, qui porte en son sein l’interminable combat pour l’égalité des droits.
C’est pour cette raison que le gouvernement, paniqué à l’idée que la grande manifestation d’aujourd’hui puisse converger avec le lieu d’occupation des sans-papiers, a réquisitionné une nuée de gardes mobiles pour les expulser. Qu’ils soient Goodyear, chômeurs, précaires, réfugiés ou sans-papiers, toutes et tous s’uniront dans la durée contre la répression, la misère et les exclusions.
Droits devant!!
47, rue de Dantzig – 75015 – Paris
Tel : 01.42.50.79.92
Déchéance d’autorité présidentielle
« J’ai décidé de clore le débat constitutionnel » (François Hollande le 30 mars 2016).
Depuis des semaines le suspense était éventé.
Prise en tenailles entre stigmatisation des Français binationaux – objet de révolte à gauche – et création d’apatrides – dont s’est saisie la droite pour refuser une main secourable à Hollande -, l’opération constitutionnalisation de la déchéance de nationalité était à l’agonie.
Le Président a pris acte du décès.
En partie éclipsé par les mobilisations de rue contre cette autre « grande» réforme gouvernementale qu’est la loi dite El Khomri, le renoncement présidentiel doit-il être relativisé ?
Point du tout ! Le fiasco est énorme. Et puisque, de l’aveu de tous, l’affaire relevait du symbolique, il restera emblématique de l’échec global du quinquennat de François Hollande, le moment où probablement il lui aura fallu renoncer à l’espoir d’un second mandat, voire de candidater à l’épreuve.
L’éditorialiste Paul Henri Du Limbert explique : « Cela signifie que même sur des sujets que l’on présenterait presque comme « accessoires », aucune forme d’unité nationale n’est possible dans ce pays » (in Le Figaro, 31 mars 2016).
Au regard de ce pourquoi elle était officiellement préconisée – la lute contre le terrorisme – la mesure n’était pas seulement « accessoire », mais nulle. Car sans rapport avec le problème autre que mystificateur (le fameux symbolique !). Il s’agissait en vérité d’un coup politique. Ce qu’on appelle triangulation, ou à présent transgression : alors qu’on est prétendu de gauche emprunter à la droite et à l’extrême droite un thème qui à gauche a toujours été condamné. L’objectif étant d’asphyxier politiquement l’adversaire, quitte à déstabiliser son propre camp.
C’est osé, mais peut s’avérer tactiquement habile. Encore faut-il ne pas se tromper sur la gravité du thème en question.
Là fut la faute.
Face à la menace terroriste, est décisive une forme sinon d’unité nationale mais de solidarité du peuple. Y œuvrer est de la responsabilité des gouvernants. Or, la mesure proposée, outre qu’elle était bricolée juridiquement, allait politiquement à l’inverse de cet impératif : elle divisait la communauté nationale. Et elle heurtait les valeurs républicaines qui sont essentielles à la gauche.
Loin de le comprendre et de se raviser, quatre mois durant Hollande s’est entêté.
Parce qu’elle avait été annoncée par lui, le 16 novembre, en grande solennité, devant les deux assemblée réunies en congrès, à Versailles, comme réponse aux crimes qui venaient d’endeuiller le pays. Parce que Jean-Christophe Cambadélis, alors que l’imbroglio juridique était déjà patent, avait cru malin d’évoquer « le respect de la parole présidentielle ». Parce que Hollande en était venu à désavouer sa garde des sceaux, Christiane Taubira, amenant celle-ci à la démission….
De tout cela le prix à payer est fort élevé.
Accuser la droite d’être responsable de l’impossibilité de réaliser cette forme constitutionnelle n’y changera rien. Et ne l’empêchera pas de dénoncer l’incompétence du pouvoir.
Au sein du peuple de gauche la brèche ouverte ne pourra être colmatée. A ce gouvernement qui prétend imposer des réformes qui vont contre les fondements mêmes de ce qui identifie la gauche, il convient de s’opposer. Pour l’empêcher de nuire davantage la voie de la mobilisation s’impose légitimement.
Le 9, puis le 31 mars, la rue a dit cette évidence à présent établie.
Francis Sitel