Créée en 1949, l’UNRWA – agence de l’ONU – est un acteur essentiel pour des millions de réfugié·es palestinien·nes. Israël voudrait qu’elle ne joue plus aucun rôle à Gaza. Les autorités israéliennes ont accusé certains de ses employés d’avoir été impliqués dans l’attaque du 7 octobre 2023. Les faits reprochés n’ont pas été précisés et une enquête a été ouverte. Un retour sur l’histoire, le rôle et le financement de l’UNRWA s’imposait.
UNRWA, fondamental pour les réfugié·es
Par l’Équipe d’animation de la commission Palestine/Israël d’ENSEMBLE!, le 7 février 2024.
Suite à l’expulsion des deux tiers de la population palestinienne de ses terres – population qui s’est réfugiée dans les pays voisins en attendant la fin de la guerre – l’ONU a créé, en 1949, l’UNRWA (United Nations Relief and Works Agency for Palestine Refugees in the Near East) pour l’aide aux réfugié·es palestinien·nes à Gaza, en Cisjordanie, en Jordanie, au Liban et en Syrie1UNRWA : en français Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient.
Son but est de répondre aux besoins essentiels des réfugié·es palestinien·nes et de leurs descendant·es en matière de santé, d’éducation, d’aide humanitaire et de services sociaux.
Le nombre de réfugié·es palestinien·nes enregistré·es par l’UNRWA est passé de plus de 750 000 en 1950 à plus de 6 millions en 2023. 70% des habitant·es de Gaza, jouissent de ce statut.
Mais tous les Palestinien·nes expulsé·es lors de la Nakba n’ont pas été enregistré·es par l’UNRWA. Avec leurs descendant·es, ils/elles sont estimé·es à environ 1 300 000. Il faut en outre rappeler que les réfugié·es de 1967 (ainsi que leurs descendant·es), qui sont au nombre de 1 400 000, ne peuvent pas être enregistré·es par l’UNRWA.
Les Palestinien·nes sont estimé·es à 14 millions dans le monde.
La moitié vit en dehors de la Palestine historique, essentiellement en Jordanie (plus de 3 millions), en Syrie (680 000), au Liban (550 000). Les Palestinien·nes sont aussi présent·es dans les pays du Golfe (360 000). En dehors du monde arabe, le Chili accueille 200 000 Palestinien·nes, les États-Unis 300 000, l’Europe de l’Ouest plus de 100 000.
L’autre moitié de la population palestinienne se partage ainsi : 1 900 000 en Israël, 2 800 000 en Cisjordanie (avec 710 000 colons juifs), et, bien sûr, 2 200 000 personnes à Gaza dans l’enfer de la guerre génocidaire qu’Israël mène contre le peuple palestinien depuis quatre mois.
Une part importante des réfugié·es palestinien·nes enregistré·es par l’UNRWA vit depuis la fin de la Nakba dans des camps provisoires dont les plus importants sont/étaient situés dans la Bande de Gaza (Jabaliya comptait 116 000 hab. en 2023 sur 1,4 km², soit une densité de 83 000 hab./km²).
L’UNRWA emploie 30 000 personnes dont 13 000 à Gaza. Elle est financée entièrement par des contributions internationales sans lesquelles elle ne pourrait pas fonctionner
À Gaza, 80 à 90 % des adultes ont fréquenté les écoles (primaires et un peu de secondaires) de l’UNRWA, ainsi que la quasi-totalité de ses dispensaires. De plus, l’Agence fournit également une aide alimentaire à plus de 1 700 000 Palestinien·nes, en majorité dans la bande de Gaza.
En 2022, l’Agence a bénéficié de 1,17 milliard de dollars de dons. 44,3 % provenaient d’États membres de l’UE, qui ont contribué à hauteur de 520,3 millions de dollars, notamment par l’intermédiaire de la Commission européenne.
Les États-Unis (344 millions de dollars), l’Allemagne (202 millions), l’UE (114 millions) et la Suède (61 millions) sont les principaux donateurs, contribuant au total à hauteur de 61,4 % au financement global de l’agence. Les autres donateurs importants en 2022 sont ensuite la Norvège (34 millions de dollars), le Japon (30 millions), la France (29 millions), l’Arabie saoudite (27 millions), la Suisse (25,5 millions) et la Turquie (25 millions).
Pour plus de détails sur les donateurs, voir le site de l’UNRWA2Donor Resource (en anglais) .
En janvier 2023, l’Agence appelle à des dons de 1,6 milliard de dollars pour l’année, dont la majorité (848 millions) pour financer des services de base tels que les centres de santé et les 700 écoles qu’elle gère, et le reste pour des opérations d’urgence à Gaza, en Cisjordanie, en Jordanie, en Syrie et au Liban.
En juin dernier, le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres déclare que l’UNRWA est au bord de l’effondrement financier.
En 2018, Washington avait décidé de suspendre, puis de supprimer complètement la contribution américaine au budget de l’agence, la privant ainsi de sa principale source de revenus. L’arrivée de Joe Biden au pouvoir a néanmoins rétabli ce soutien financier.
Les réfugié·es ont toujours représenté un véritable cauchemar pour Israël qui est dans la négation de l’existence du peuple palestinien.
En septembre 1948, la milice ultra-sioniste Lehi (dirigée par Yitzhak Shamir) a assassiné à Jérusalem, le médiateur de l’ONU, Folke Bernadotte pour avoir proposé, dans son rapport, le retour inconditionnel de tous·tes les réfugié·es, ce qui a été repris dans la résolution 194 en faveur du Droit à leur retour.
Pour être admis en tant que membre de l’ONU, Israël a reconnu cette résolution, mais ne l’a jamais appliquée (ainsi que presque toutes les résolutions le concernant plus tard). Il a également essayé d’entraver la création de l’UNRWA qui a été mandatée « dans l’attente d’une solution juste et durable à la situation des réfugiés » et l’établissement d’un État palestinien.
Depuis le début de la guerre qu’Israël mène contre Gaza, les bombardements indiscriminés n’épargnent ni le personnel de l’UNRWA, ni ses écoles, ni les civil·es cherchant une protection à l’intérieur de ces bâtiments.
Israël a l’espoir d’expulser l’UNRWA de la Bande de Gaza après la guerre. Il l’accuse depuis longtemps de perpétuer la guerre en étendant le statut de réfugié·e à des millions de descendant·es de Palestinien·nes. Ce statut international est pourtant garanti par l’ONU, l’UNRWA devenant le seul garant par défaut de ce dernier.
L’Agence lance régulièrement des alertes sur les horreurs de la guerre menée par Israël contre le peuple palestinien à Gaza. .
Le 26 janvier, en se basant entre autres sur des rapports établis par l’Agence onusienne, la Cour Internationale de Justice a rendu son verdict affirmant qu’il existe un risque réel et imminent qu’un génocide des Palestinien·nes ait lieu à Gaza3La CIJ ordonne à Israël de prendre des mesures pour empêcher les actes de génocide à Gaza.
Presque immédiatement après, Israël a accusé 12 employés de l’UNRWA d’être impliqués dans l’attaque du 7 octobre et a fait pression sur ses alliés pour liquider l’Agence. Sans attendre des preuves, les États-Unis, l’Allemagne, l’Italie, le Japon, (et peut-être bientôt la France) ont gelé leurs subventions à l’UNRWA dont le service est fondamental pour les besoins élémentaires de 6 millions de réfugié·es4L’UNRWA est le « cœur battant » de l’effort d’assistance à Gaza, explique l’ONU au Conseil de sécurité.
Par leurs décisions, ce sont eux qui contribuent maintenant à priver les Palestinien·nes de Gaza de moyens de survivre. Ils ne sont plus seulement complices, mais deviennent responsables du processus infernal génocidaire en cours.
Note : L’AFPS a publié un dossier sur les réfugié·es dans le n° 86 de sa revue, Palestine Solidarité, d’octobre 2023.
En complément, vous pouvez lire :
- « La suspension du financement de l’UNRWA contribue au génocide israélien en cours dans la bande de Gaza, en contradiction avec les mesures provisoires de la CIJ »
- En suspendant le financement de l’UNRWA, l’Occident se rend possiblement coupable de complicité dans le génocide à Gaza
- L’UNRWA ouvre une enquête sur des accusations impliquant des employés à Gaza dans les attaques du 7 octobre
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