La situation au Venezuela suscite, au sein de la gauche, débats et controverses. ENSEMBLE! a déjà cosigné un communiqué largement unitaire. La déclaration du Front démocratique populaire (Fredepo) – rassemblement de forces de gauche du Venezuela1La Otra Campaña, Partido Comunista de Venezuela, Centrados en la Gente, Voces Antiimperialistas, Movimiento Popular Alternativo, Bloque Histórico Popular, Frente Nacional de Lucha de la Clase Trabajadora, EnComún, PPT-APR. – signée entre autres par le PC vénézuélien, nous semble très importante à faire connaître.

Par le Front démocratique populaire (FREDEPO). Déclaration du 12 août 2024

Uni·es pour la vérité, la Constitution, la souveraineté populaire et les droits humains

Nous, militant.es de mouvements et d’organisations sociales et politiques avec différents mandats, perspectives et idéologies, engagé•es pour la justice sociale, la démocratie et les droits humains, avons décidé de nous rassembler dans un Front démocratique populaire (FREDEPO), ouvert et en cours de formation, dans l’objectif de contribuer à surmonter la grave crise que traverse notre pays.

Notre action se fonde sur la défense sans restriction de la Constitution de la République bolivarienne du Venezuela, de sa charte des droits humains, de ses garanties pour l’exercice de l’autodétermination et de la souveraineté nationale, de son modèle économique qui vise une répartition équitable des richesses et de son modèle politique profondément démocratique, qui accorde un rôle central à la participation populaire.

Nous nous adressons au peuple vénézuélien et au monde entier en ce moment critique pour notre patrie en signalant ce qui suit :

1. Il y a plusieurs faits qui entraînent des doutes raisonnables quant au résultat officiel de l’élection présidentielle du 28 juillet 2024 tel qu’annoncé par le président du Conseil national électoral (CNE), Elvis Amoroso, à savoir :

a) l’annonce de l’attribution de la victoire au candidat Nicolás Maduro sans la présence de l’ensemble des membres de la direction du CNE, et sans réalisation de la procédure légale de totalisation préalable des votes en présence des témoins respectifs des candidats à la présidence ainsi que des organisations politiques parties prenantes au scrutin ;

b) la dénonciation par le président Amoroso d’un prétendu « piratage informatique » qui aurait interrompu la transmission automatique des procès-verbaux des bureaux de vote vers la salle de totalisation ;

c) la non-réalisation des trois audits post-scrutin réglementaires, à commencer par l’audit « Télécommunications phase II », prévu le 29 juillet, qui aurait permis de lever les doutes quant à ladite attaque informatique ;

d) deux des candidats d’opposition dénoncent que les PVs des bureaux de vote dont ils disposent font état d’un résultat différent de celui annoncé par le président Amoroso ;

e) plusieurs des organisations faisant partie de ce Front ont pu constater, dans des bureaux de vote de différentes régions du pays où le chavisme avait été majoritaire dans un passé récent, la défaite du président Maduro le 28 juillet ;

f) plus de deux semaines après le scrutin, et arguant d’une autre prétendue attaque informatique – cette fois contre son site web –, le CNE n’a toujours pas publié les résultats détaillés par bureau de vote, comme c’est l’usage depuis vingt ans dans notre pays (empêchant par là toute vérification citoyenne) ;

g) les locaux administratifs du siège central du CNE restent fermés, de sorte qu’il n’est possible de lui adresser de réclamation ni de recours ou de plainte, tandis que contrairement à ce qu’a annoncé son président, il n’a toujours pas communiqué les données détaillées par bureaux de vote aux candidats à la présidence, aux organisations politiques, aux médias, aux universités, aux organisations sociales, etc. ;

h) enfin, l’annonce même de ces résultats officiels a donné lieu à une manifestation massive, populaire et spontanée d’indignation dans les villes et les villages de tout le pays, comme en témoignent les centaines de vidéos qui ont circulé sur les réseaux sociaux, et comme nous pouvons en témoigner à la lumière de nos propres observations et expérience.
Pour toutes ces raisons, nous avons des doutes légitimes concernant les résultats annoncés officiellement.

2. Au vu de ce qui précède, le FREDEPO exige au CNE qu’il respecte ses obligations légales et publie immédiatement les résultats détaillés, bureau de vote par bureau de vote, et que compte tenu des jours écoulés, il procède à l’ouverture des urnes [contenant les récépissés des votes électroniques individuels] afin qu’elles puissent être auditées par les citoyen•nes et les organisations politiques partie prenantes au scrutin, et que l’on procède à un décompte, vote par vote, afin de s’assurer que les résultats reflètent fidèlement la volonté populaire. C’est du respect de ces exigences que dépend la paix de la République dans le moment présent.

3. Le FREDEPO observe avec inquiétude l’introduction par le président Maduro d’un recours électoral contentieux devant la Chambre électorale du Tribunal suprême de Justice (TSJ), et signale que ce processus, tel qu’il a été conduit jusqu’à présent, non seulement viole le droit à un procès en bonne et due forme et le droit à la défense, mais aussi ne correspond pas à ce que la loi prévoit pour une telle procédure.

Nous mettons en garde contre le fait que la judiciarisation du processus électoral risque d’aboutir à la méconnaissance de la responsabilité légale du Pouvoir électoral, et nous refusons catégoriquement la possibilité que le TSJ puisse procéder à une proclamation sans que les audits réglementaires aient été réalisés, sans que toutes les urnes physiques aient été ouvertes, et sans que les résultats détaillés par bureau de vote ni les procès-verbaux les soutenant aient été publiés – autant de procédures qui relèvent de la responsabilité du Pouvoir électoral.

Il est tout aussi inquiétant de constater que le 28 juillet, le TSJ a félicité via ses comptes de réseaux sociaux le chef de l’État Nicolás Maduro pour sa réélection, avançant un avis sur une question que ce dernier lui demande aujourd’hui de trancher. Car cela implique que les magistrats de la Chambre électorale du TSJ peuvent faire l’objet d’une demande de récusation susceptible de frapper de nullité le processus qu’il conduit en ce moment.

[…]

Le texte intégral de la déclaration avec la liste des signataires est téléchargeable en PDF et en français : « Uni·es pour la vérité, la Constitution, la souveraineté populaire et les droits humains »

La version originale (en castillan) est à lire en cliquant sur l’image :

Frente_democratico_popular © anonyme

Frente_democratico_popular © anonyme


Pour compléter, vous pouvez écouter cette excellente émission de france culture à laquelle participait notre camarade Yoletti Bracho : « Venezuela : Maduro, la victoire de trop ? »

Notes
  • 1
    La Otra Campaña, Partido Comunista de Venezuela, Centrados en la Gente, Voces Antiimperialistas, Movimiento Popular Alternativo, Bloque Histórico Popular, Frente Nacional de Lucha de la Clase Trabajadora, EnComún, PPT-APR.