L’article du Code de l’action sociale et des familles (CASF) concernant les coupures d’eau pour impayés a été modifié le 15 avril 2013 par la loi Brottes. Reconnaissons qu’en France, ces pratiques n’étaient pas marginales. Suivant différentes sources on les estimait entre 100 000 et 140 000 par an. Elles frappaient, bien entendu, les plus modestes. Les décrets d’application publiés, les entreprises n’avaient plus le droit de fermer l’eau dans les résidences principales des personnes en difficulté. Elles n’ont pas, pour autant, mis fin à ces pratiques !

Deux associations, la Coordination eau Île-de-France et France Libertés (Fondation Danielle Mitterrand), déjà en lutte pour le droit à l’eau pour tous, ont alors commencé à recueillir les témoignages des victimes de ces actions. Elles ont demandé à la justice d’en confirmer (si besoin était) l’illégalité en portant un certain nombre de cas particuliers devant les tribunaux. Chaque fois les juges ont condamné les distributeurs coupables. La SAUR a même essayé, dans une affaire à Amiens, de faire déclarer la loi anticonstitutionnelle ! L’argument invoqué était qu’elle portait atteinte à la « liberté d’entreprendre », puisqu’elle limitait les possibilités de pression de l’entreprise (fournisseur d’eau) sur son client. Là encore, la loi a été confirmée dans toute sa rigueur. Elles ont pour autant encore essayé de la contourner. Si les coupures d’eau ne sont pas interdites, on va réduire le débit au robinet de ces mauvais-payeurs, rendant ainsi son utilisation complexe voire impossible. De nouveau, les juges ont condamné cette pratique du lentillage.

Au final, nos deux associations ont remporté tous leurs procès : 14 victoires, dont 4 contre Veolia ! Ils sont allés jusqu’aux cours d’appel et même devant le Conseil constitutionnel. Toutes les décisions de justice ont confirmé la loi et l’interdiction des coupures d’eau et des réductions de débit !

Fin de l’histoire pensez-vous ? Eh bien non !
Deux distributeurs, Veolia et la SAUR, ont manifestement choisi de contourner la loi et pour ce faire, développé deux stratégies. La première, sous prétexte que le nombre d’impayés se serait amplifié depuis l’interdiction des coupures (mais sans pour autant le justifier), propose aux collectivités délégantes des avenants autant illégaux qu’illégitimes. Ainsi il est envisagé : la prise en charge par leurs budgets des impayés, une augmentation de la part fixe des factures et l’éventualité d’une hausse du prix de l’eau en cas d’un accroissement supplémentaire de leur nombre. La seconde est de réduire au silence ces gens qui veulent faire appliquer la loi, en les attaquant en justice au motif qu’ils les diffament. C’est ce qu’a décidé Antoine Frérot, le PDG de Veolia. Ainsi donc une cohorte de juristes et d’avocats, payée par Veolia, a pour mission d’intimider et le cas échéant de mettre à mal nos deux associations. Comme le titre avec humour le site Bastamag : « Veolia traîne en justice ceux qui l’obligent à respecter la loi » !
En tout cas, nos deux associations n’ont pas l’intention de se laisser faire et contre-attaquent. Premièrement, un comité de soutien s’est mis en place qui, entre autres personnalités, comprend : Gabriel Amard, Pouria Amirshahi, Aline Archimbaud, Clémentine Autain, Maxime Combes, Caroline De Haas, Michel Jallamion, Pierre Laurent, Olivier Meier, Jon Palais, Christian Pellicani, Franck Pupunat, Michèle Rivasi, Marie-Christine Vergiat, etc.. Deuxièmement ils ont lancé une campagne de financement participatif pour faire face aux dépenses que va entraîner l’attaque de Veolia.

Avez-vous noté, vous aussi, cette tendance qu’ont les grands de ce monde à ne pas respecter LA loi et de faire de l’augmentation de leurs profits leur règle et des fois même leur loi ?

René Durand
Pour participer à la campagne de financement et aider nos deux associations