La régularisation des sans-papiers est un combat difficile, surtout dans le contexte actuel. Le 17 octobre, un mouvement de grève-occupation a eu lieu sur un site emblématique (Arena) des jeux olympiques à la porte de la Chapelle à Paris. Le donneur d’ordre est Bouygues, avec trois sociétés de sous-traitance. Dans la journée, les trois sociétés de sous-traitance de Bouygues ont signé un accord. Elles s’y engagent à obtenir la régularisation de tous les sans-papiers qui travaillent, travailleront ou ont travaillé pour elles. Un succès qui en appelle d’autres !
Par Pierre de Droits devant!! Le 20 octobre 2023.
Une victoire dans la lutte des sans-papiers
La lutte des sans-papiers pour l’obtention de leur régularisation et l’égalité des droits avec les travailleuses et travailleurs français·es est sans fin.
Seul le gouvernement Mauroy a procédé en 1983 à une régularisation globale des sans-papiers qui avaient déposé un dossier en préfecture : 150 000 demandes, 130 000 cartes de séjour délivrées.
En 1997, Chevènement, Ministre de l’Intérieur du gouvernement Jospin, a réalisé une régularisation, mais seulement partielle : 150 000 demandes, environ 50 000 cartes de séjour délivrées.
Depuis, plus de régularisation massive. Le rapport de forces plutôt favorable qui existait alors n’existe plus, les forces de gauche étant à la peine face à des gouvernements de plus en plus sous influence du Front national puis du Rassemblement National.
Le combat des sans-papiers continue
Malgré ce contexte et bien que tous les gouvernements aient toujours cherché à invisibiliser les luttes de sans-papiers, iels continuent leur combat : manifestations, occupations ou grèves dans les secteurs de la restauration, du nettoyage, du bâtiment où iels sont en grand nombre. En inscrivant leur combat dans la durée, iels arrivent à arracher au fil du temps des régularisations.
Aujourd’hui, les sans-papiers organisés dans des collectifs avec l’appui d’organisations politiques, associatives et syndicales se mobilisent contre le projet de loi asile et immigration (dit Darmanin). Ce projet, qui doit être discuté au Sénat le 6 novembre et en janvier-février à l’Assemblée Nationale, accroît la répression vis-à-vis des personnes en situation irrégulière et entretient des illusions sur des régularisations dans des métiers dits en tension.
La grève et l’occupation
C’est dans ce cadre qu’un mouvement de grève-occupation a eu lieu le mardi 17 octobre sur un site emblématique (Arena) des jeux olympiques à la porte de la Chapelle à Paris, dont le donneur d’ordre est Bouygues, avec 3 sociétés de sous-traitance.
Cette action a été initiée par le collectif de sans-papiers les gilets noirs avec le soutien du syndicat CNT-SO. Elle a été élargie à la Marche des solidarités qui regroupe, entre autres, les collectifs de sans-papiers d’Île-de-France.
Elle avait pour objectifs de :
- dénoncer le système de sous-traitance en cascade dont font les frais les sans-papiers,
- obtenir la régularisation des sans-papiers travaillant sur les chantiers des JO et du Grand Paris
- ouvrir une négociation au ministère du Travail pour les 600 à 700 000 sans papiers.
Sur le chantier Arena, une quinzaine de salariés, moitié du chantier Arena, moitié d’autres chantiers du Grand Paris avec le même donneur d’ordre Bouygues, se sont déclarés sans papiers et grévistes.
Les collectifs de sans-papiers CSP75, CSP Montreuil, CSP 20 et Droits devant!!, solidaires de cette action, ont mobilisé leurs adhérent·es pour occuper le lieu lors du déclenchement de la grève.
Ainsi, à 7h, les grévistes ont réussi à investir le chantier, suivis de 150 à 200 sans papiers et soutiens. Cette opération a été un peu musclée pour s’opposer aux vigiles qui tentaient de fermer l’accès au chantier.
Les responsables du chantier ont très rapidement demandé aux travailleurs non grévistes à quitter le chantier et des négociations ont démarré dans la matinée.
Une victoire éclair encourageante
Face à une délégation de grévistes accompagnés de la CNT-SO, Bouygues et les trois sociétés de sous-traitance étaient présentes ainsi que 2 personnes de la mairie de Paris dont une qui assure la coordination de tous les chantiers des jeux olympiques.
Ce qui a été obtenu : un accord-cadre rédigé et signé par les parties prenantes de ce conflit qui stipule que les 3 sociétés de sous-traitance de Bouygues s’engagent à :
- obtenir la régularisation (en fournissant cerfa et attestation de concordance) non seulement de la quinzaine de grévistes, mais aussi de tous les sans-papiers qui travaillent, travailleront ou ont travaillé pour eux, dans un délai de trois mois, à condition qu’ils se signalent aux syndicats.
- réintégrer les travailleurs licenciés parce que sans-papiers.
Sur l’autre revendication demandant une entrevue avec le Ministère du Travail, nous n’avons pas obtenu satisfaction. La mairie de Paris a pris l’engagement d’intercéder avec le ministère pour obtenir un rendez-vous.
Les 150 occupants du chantier ont libéré les lieux à 19 h 45 et ont rejoint les 150 soutiens qui nous attendaient, en musique, depuis 17 h 30 à la porte du chantier.1JO 2024 : un chantier bloqué par des travailleurs sans papiers grévistes
En résumé, choisir un chantier des JO était la meilleure cible pour rendre à nouveau visible le combat des sans-papiers pour leur régularisation.
Pour l’image de Paris et de l’État, ce conflit ne pouvait pas durer, d’où la rapidité à laquelle un accord a été trouvé.
Mener une telle action dans un contexte aussi délétère constituait un véritable défi et en sortir victorieux est un véritable encouragement pour les futures luttes à venir !
Enfin, n’oublions pas le mouvement de grève des 500 sans papiers soutenus par la CGT qui se déploient sur de nombreux secteurs d’activité.
Notes
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