Pour le Front de Gauche, 5 « actrices » du quartier analysent le mouvement de protestation contre l’expérimentation du programme « ABCD de l’égalité » dans les écoles de Montpellier, notamment à La Paillade.
1° – Ce mouvement touche principalement la Paillade et le Petit Bard. Les autres quartiers populaires ne sont pratiquement pas touchés, par exemple la cité Gély et le quartier Pas du Loup …
2° – Le mouvement de retrait est très fort, il touche presque toutes les écoles : 5 à 40% à la Paillade, de 25 à 50 % aux Hauts de Massane, environ 30 % au Petit Bard, donc, bien au-delà des écoles concernées par « l’expérience ABCD » .
Rappelons qu’il s’agit d’une 1ère année d’expérimentation du dispositif par quelques classes de l’académie, dans lesquelles les enseignants se sont portés volontaires. La formation des enseignants concernés débute et une évaluation de l’expérimentation aura lieu en fin d’année scolaire.
Dans la semaine qui a précédé la journée de retrait du 30 janvier, de nombreux parents sont venus chercher des informations dans les écoles. Malgré les explications sur la réalité du dispositif, les parents ont dit « ne pas croire les enseignants, qui ne font qu’obéir à leur hiérarchie ». Leur préoccupation porte, non sur l’ABCD de l’égalité qu’ils ont bien compris, mais sur le supposé programme d’initiation à la sexualité et à l’homosexualité pour les enfants de maternelle et d’élémentaire.
3° Le début du mouvement date de novembre 2013. (voir ici) De nombreux parents inquiets s’étaient déjà renseignés auprès des enseignants, autant dans les écoles élémentaires que maternelles où il n’y avait pas l’expérimentation. Les enseignants (un par un) avaient alors fait un travail énorme d’explication aux parents. Cela n’a pas été suffisant, d’autant plus qu’à ce moment là, l’inspection académique a interdit toute réunion avec les parents à ce sujet.( !!)
4° C’est une vague de fond qui s’exprime maintenant :
Un mécontentement qui se développe dans un contexte de crise aigüe dans les quartiers, (chômage, pauvreté, illettrisme), sur un fond de montée du religieux, montée des intégrismes et de l’islamophobie et montée de l’extrême droite..
Le terreau où se développe ce mécontentement est l’incompréhension des parents (la majorité de la population du quartier) vis à vis de l’éducation nationale et vis versa.
Cette incompréhension est due :
– au manque d’information des parents sur ce qui se travaille dans l’école en terme apprentissages.
– au manque de moyens des parents pour accéder à ces informations: analphabétisme, illettrisme et manque de confiance en soi.
– au manque de connaissances, jusqu’à l’ignorance, des professeurs au sujet des conditions de vie du quartier où ils exercent.
– au manque de moyens donnés aux professeurs pour rencontrer les parents sur le temps de travail : réunions d’information sur les enjeux de l’école, concertation et explicitation de l’éducation sur les parts respectives de l’école et de la famille, formation à la communication …..
5° Ainsi cette méconnaissance peut se transformer vite en défiance de part et d’autre, chacun considèrant l’autre à travers des clichés et les stéréotypes diffusés par les médias et, au pire, au moindre conflit, comme un adversaire.
A tous les niveaux de la hiérarchie de l’Education nationale, les responsables sont à mille lieux de ces réalités et n’ont pas pris la mesure du fossé qui sépare l’institution scolaire des familles.
Le mécontentement et la défiance ont démarré au moment de l’interdiction du voile pour les mères accompagnant les sorties de classe, et ne fait que s’amplifier depuis, même si « individuellement » la plupart des professeurs des écoles ont de bonnes relations avec les parents.
Téléguidée par l’extrême droite alliée aux intégristes religieux, la rumeur est amplifiée par des personnalités locales de la mosquée (que les parents écoutent), certains cours de coran et d’arabe. Via sms, emails et diffusion de tracts devant les écoles, elle fait croire aux parents qu’ils sont dépossédés de l’éducation de leurs enfants.
L’Education nationale ne prévoit toujours pas de journées « banalisées (sans cours) » pour informer les parents, au contraire, le ministre Vincent Peilllon, demande de « convoquer les parents », comme des délinquants. Or, il est très difficile pour les professeurs des écoles, épuisés et démoralisés, en plus de leur journée d’enseignement, école par école, parent par parent, de faire – encore – l’information.
L’Education nationale ne le faisant pas, nous, en tant que citoyen-ne-s, nous nous devons d’organiser les réunions nécessaires à l’information de la population du quartier.
La majorité des habitants du quartier Mosson étant composée de parents ou proches d’enfants scolarisés, c’est tout un quartier qui est concerné par cette question de société qui traverse aujourd’hui l’école. Ce sont bien les forces les plus conservatrices du pays qui sont à l’œuvre, et qui manipulent les populations les plus faibles, qui n’ont pas les moyens de s’informer par elles-mêmes pour construire leur propre avis.
A suivre…
Note :
L’ABCD de l’égalité est un programme de l’Education nationale expérimentée dans 10 académies dont celle de Montpellier. Il vise notamment à lutter contre les stéréotypes qui se mettent en place très tôt sur les rôles des filles et des garçons : « C’est à l’école, et dès le plus jeune âge, que s’apprend l’égalité entre les sexes.L’apprentissage de l’égalité entre les garçons et les filles est une condition nécessaire pour que, progressivement, les stéréotypes s’estompent et d’autres modèles de comportement se construisent. Basée sur le respect de l’autre sexe, cette éducation à l’égalité implique aussi la prévention des comportements et violences sexistes. »