Alors que toutes les manifestations récentes ont mis en évidence la nécessité d’une réflexion et d’un débat démocratique sur le sens du travail, Macron, contre vents et marées, entend poursuivre sa destruction des lycées professionnels.
Ces établissements qui scolarisent 1/3 des lycéen·nes vont avoir pour mission de fournir des « prêt·es à l’emploi » au plus vite et en fonction des besoins des entreprises locales. Les filières seront directement adaptées aux taux d’insertion et tant pis si de nombreux métiers sont à inventer ou à réinventer ! Tant pis si les élèves souhaitent d’autres emplois ! Les autres filières fermeront.
« Vers l’emploi et le bon emploi » dit Monsieur Macron. Mais, qu’est-ce qu’un « bon emploi » ? Comment peut-on limiter la scolarité à un emploi ? D’autant plus qu’il y a peu de cas où les jeunes actuel·les garderont le même emploi toute leur vie !
Toutes les mesures proposées vont dans le même sens : augmentation des stages, « bureau des entreprises » dans chaque établissement, « mentor » issu du monde du travail, cours donnés par des professeur·es et des professionnel·les et, cerise sur le gâteau, une rémunération des stages versée par l’État.
La grande majorité des élèves de ces établissements – déjà souvent vécus comme « des voies de garage » – viennent des catégories les plus populaires et les plus fragiles. Les stages ajoutent encore à la discrimination. Tout le monde le sait, les filles ont des difficultés à trouver des stages dans des métiers à dominante masculine. De plus, la couleur de peau, le patronyme jouent un grand rôle dans la sélection des stagiaires.
Le Bac pro en trois ans avait été « vendu » pour permettre aux élèves des poursuites d’études. Il joue difficilement ce rôle, certes, mais ce n’est pas en proposant aux élèves de Terminale le choix entre plus de stages rémunérés ou 4 semaines de préparation aux BTS que les choses vont changer !
On reproche à l’École de ne plus jouer le rôle d’ascenseur social. Mais là, avec cette réforme, le tri social devient une fatalité, comme le dénoncent les auteurs de la tribune parue dans Mediapart le 10 mai 2023 : « Non à l’instrumentalisation de l’enseignement professionnel ».
Déjà, les matières générales avaient droit à une portion congrue dans les lycées professionnels, mais, quoi qu’en dise Macron, les horaires vont forcément diminuer. Quant aux heures d’enseignement professionnel, que vont-elles devenir ? Or, ce sont ces heures qui permettaient aux élèves de prendre de la distance et d’étudier plusieurs systèmes différents, bref de développer un esprit critique.
Si des élèves vont en lycée pro et non en apprentissage, ce n’est pas un hasard. D’ailleurs, le taux de réussite aux examens – qui reste important en France pour la suite – est clair : il est au moins trois fois plus important en lycée professionnel qu’en apprentissage !
Cette réforme – si elle devait s’appliquer – conduirait inexorablement des centaines de lycéen·nes à devenir une main d’œuvre déqualifiée, bon marché, au service d’entreprises à un moment donné et dans un bassin d’emploi spécifique. Autant dire que l’École ne jouerait plus du tout son rôle émancipateur, mais aurait comme seul objectif de fournir une main d’œuvre docile au patronat local.
ENSEMBLE! se battra, avec toutes les organisations syndicales, politiques et de la jeunesse, contre cette réforme.
12 mai 2023
Marie-Claude HERBOUX