Une Assemblée générale des comités et collectifs du nouveau Front populaire de Marseille s’est tenue le 17 janvier. Un véritable succès et un petit évènement, dont la presse nationale s’est fait l’écho. Laurent Lévy revient sur cette réunion, les difficultés et la dynamique du Nouveau Front populaire à Marseille.
Assemblée générale des comités et collectifs du nouveau Front populaire de Marseille
Par Laurent Lévy. Le 20 janvier 2025.
Vendredi 17 janvier, avait lieu l’Assemblée générale des comités et collectifs du nouveau Front populaire de Marseille. Et cela a été un véritable succès et un petit évènement, dont la presse nationale (Le Monde) s’est fait l’écho. Il ne s’agit sans doute pas d’un modèle – du fait de diverses spécificités de la vie politique à Marseille. Il n’en est pas moins une illustration significative de ce qu’est et de ce que peut être la dynamique du Nouveau Front populaire1Les comités NFP tentent de se coordonner à Marseille.
Il est nécessaire, pour comprendre pleinement cet évènement, d’en exposer une partie des origines avant de parler de son déroulement lui-même. S’y télescopent en effet des questions de politique nationales, qui sont bien connues, et des spécificités de la situation marseillaise.
Le résultat des législatives
Le pari était ambitieux. Les élections législatives avaient vu à Marseille l’élection en juin et juillet de quatre députés de gauche. Manuel Bompard et Sébastien Delogu, députés LFI ont été réélus au premier tour. Hendrik Davi, membre de la Gauche écosocialiste et cofondateur de L’APRÈS, a été réélu au second tour. Laurent Lardhit du Parti socialiste a emporté une nouvelle circonscription grâce à une campagne unitaire.2Avec quatre députés sur sept, le Nouveau front populaire s’ancre à Marseille
La construction des comités ou collectifs
Dès juillet, ont commencé à se constituer des comités et collectifs de Front populaire, souvent sur la base des comités électoraux créés en juin. De tels comités ou collectifs existent depuis dans une grosse moitié des seize arrondissements de la ville. D’autres sont en cours de constitution.
Leurs configurations comme leurs compositions sont variées. Certains regroupent des personnes engagées mais n’appartenant à aucune organisation politique. D’autres se présentent presque comme des regroupements de militant·es de telles organisations.
Un collectif est animé par un militant de LFI. Un autre est créé à l’initiative du NPA. On trouve dans certains des militants du PCF, dans d’autres du PS. Des militant·es de GES jouent un rôle important. ENSEMBLE! est présent de manière très active, en particulier dans les plus importants comme dans l’animation générale de la dynamique.
On trouve aussi dans ces comités et collectifs des militant·es des associations du Printemps marseillais (PM). Ce dernier est né à l’occasion de la dernière élection municipale. Son activité « citoyenne » avait été décisive pour arracher la ville au règne de la droite et porter à la mairie une municipalité classée « divers gauche ». Celle-ci comporte socialistes, communistes, écologistes, et représentant·es de mouvements « citoyens ». LFI avait fait d’autres choix lors de cette élection.
ENSEMBLE! a trois élues – toutes trois adjointes dans des mairies de secteur – bien connues et identifiées comme « l’aile gauche » du PM : Alexandra D’Agostino, Pauline Delage et Norig Neveu.
Une coordination
Nous avons assez vite pris l’initiative de tenter de coordonner les premiers de ces comités et collectifs de Front populaire. Nous avons essayé de susciter la création d’autres, dans les arrondissements où le tissu militant est moins intense.
À noter qu’à l’occasion des campagnes électorales, outre les comités électoraux proprement dits sur la base desquels se sont construits les premiers comités de Front populaire, s’était constituée à Marseille une « Réserve citoyenne ». Celle-ci a pu rassembler un grand nombre de personnes – pour la plupart non membres d’organisations politiques. Elle a contribué activement et utilement aux campagnes électorales des candidats du Nouveau Front populaire.
Au mois de novembre, dans un local mis à notre disposition par le PCF, une réunion large de cette coordination (une trentaine de personnes) a pris la décision d’organiser en début d’année une véritable Assemblée générale des collectifs. La plupart étaient encore en cours de création. Nous voulions une AG ouverte à celles et ceux qui souhaiteraient en renforcer la dynamique.
Nous étions d’un optimisme des plus modéré. Pourtant nous envisagions déjà, pour la suite, l’organisation d’un évènement public plus ambitieux.
Contrairement à ce que dira l’article du Monde consacré à l’événement, il n’était pas question d’aborder lors de cette Assemblée générale la question, pourtant lancinante, des prochaines élections municipales.
À leur propos, des divergences d’approche se faisaient jour au sein de la gauche marseillaise – et donc possiblement au sein même des collectifs. Il ne pouvait être question de parasiter avec ces débats la dynamique unitaire en construction. Certain·es insistaient même sur leur volonté de ne pas la voir identifiée au PM, au risque d’en détourner la France Insoumise ou d’autres courants.
En même temps qu’ils et elles préparaient cette Assemblée générale, les militant·es des collectifs organisaient ici ou là des distributions de tracts. La dernière en date a relayé la campagne nationale du Nouveau Front populaire sur les politiques de santé publique et l’hôpital.
Les représentant·es des quatre partis initiateurs du NFP
Une de nos difficultés était le faible investissement – pouvant aller, suivant les arrondissements, de l’ignorance complète à l’hostilité larvée, en passant par les réserves et la méfiance – des « grandes » organisations du Nouveau Front populaire dans cette dynamique des collectifs que nous mettions en place. Les conduire à accepter de participer à notre assemblée générale était donc un de ses enjeux. L’enjeu était d’autant plus important qu’à mesure que le temps passait, des turbulences agitaient le NFP au niveau national.
C’est dans les tout derniers jours que nous avons été informé·es par LFI qu’elle y serait représentée par le député Sébastien Delogu. Les Écologistes le seraient par le sénateur Guy Benarroche. Le PS laissait entendre qu’il pourraient l’être par le député Laurent Lardhit. Le PCF par un secrétaire de sa fédération départementale.
Ces décisions d’une représentation « à haut niveau » étaient assurément la conséquence de l’accélération, dans les milieux et réseaux militants, de l’information sur l’initiative. Elles répondaient aussi à la volonté d’y participer pour manifester le maintien de la volonté unitaire, à l’heure où l’ensemble des médias se plaisaient à annoncer la mort du NFP.
La veille même de notre assemblée générale, intervenait le vote sur la motion de censure. Plusieurs dirigeant·es de LFI – y compris le député de Marseille Manuel Bompard – avaient proclamé que qui ne la voterait pas s’exclurait du nouveau Front populaire.
On comprend en cet état que le député socialiste Laurent Lardhit ait jugé opportun de ne pas se présenter. Le Parti socialiste l’a remplacé au pied levé par une de ses dirigeantes départementales, Sophie Roques, par ailleurs membre de son Conseil national et conseillère municipale de Marseille.
L’Assemblé générale
C’est dans une atmosphère que nous pouvions craindre électrique que la réunion s’est donc tenue le 17 janvier en fin de journée. Nous espérions tout juste atteindre la centaine de participant·es. De fait, ce sont environ 250 militant·es qui se sont rendu·es dans la salle municipale que nous avions réservée. Le Monde fera état de 300 personnes.
La coordination avait choisi Pauline Delage pour faire l’introduction politique de la réunion. Elle a été consacrée à rappeler l’exigence du maintien, du renforcement et de l’unité du nouveau Front populaire. Si Le Monde, cite son intervention en la définissant comme « Élue PM », ce n’est ni en tant que telle ni en tant que militante d’ENSEMBLE! qu’elle intervenait.
Les interventions des quatre grands partis du NFP, en début de réunion, étaient attendues – non sans appréhension.
Les interventions des quatre grands partis du NFP
Les écologistes
Le salut de Guy Benarroche, sénateur écologiste, était franchement amical et unitaire, mais ne prenait parti dans aucun des débats nationaux en cours. Il encourageait simplement et en termes fraternels (voire paternels…) notre dynamique.
Le PCF
L’intervention du représentant du PCF (Dylan Zeitoun, « numéro deux » de la fédération départementale dont le secrétaire était indisponible), était une intervention très officielle. Il a lu un texte élaboré par la direction de son parti dans les Bouches-du-Rhône. Elle manifestait scepticisme et hostilité à l’égard du principe même de comités de Front populaire.
Il estimait que le NFP était constitué des organisations qui l’avaient fondé. Les inviter à notre Assemblée générale, c’était un peu « les inviter à dîner chez elles », pour une réunion inutile. Il n’était pas nécessaire, il était même mauvais selon lui de construire un « mille-feuille » de structures et de multiplier les réunions. En effet, les partis du Nouveau Front populaire existaient déjà et jouaient déjà le rôle de mobilisation autour de son programme. Soit dit entre parenthèses, personne ne l’avait constaté. Il ajoutait le plus sérieusement du monde que notre initiative, avec ces comités, leur coordination, leur assemblée générale, traduisaient une « conception bureaucratique de la politique ». Rien moins. Ce discours laissait la salle perplexe.
Le PS
Le rôle de Sophie Roques, pour le Parti socialiste, n’était pas facile, au lendemain du vote de la motion de censure, et du choix socialiste de ne pas l’approuver. Elle avait elle-même l’atout d’être une personnalité locale très marquée à gauche. Elle pouvait ainsi dire de façon crédible que si elle avait été députée, elle aurait voté la motion de censure. Elle a néanmoins rempli sa fonction dans le débat en expliquant, euphémisant et en un sens justifiant le choix de ses camarades. Dans une intervention très unitaire, elle a exprimé à son tour le même scepticisme que le PCF sur la pertinence de la mise en place de comités de Front populaire. La réunion lui paraissait ainsi « incongrue ».
LFI
L’intervention de Sébastien Delogu pour LFI était plus débonnaire. Il s’est dit « à l’écoute » de ce que pourraient dire les collectifs. Sans se dire favorable à leur développement, il a ajouté « mais si vous croyez que c’est ce qu’il faut faire, allez-y… ».
Son intervention était particulièrement attendue, compte tenu de l’état du débat public, des événements parlementaires de la veille et des déclarations qu’elles avaient suscitées, à propos de l’unité et du maintien du nouveau Front populaire.
D’une manière qui a surpris une partie de l’auditoire, il a tenu des propos très unitaires, non sans « tacler le PS » comme le rapporte Le Monde. Il a dénoncé le refus par ce dernier de voter la motion de censure. Il a catégoriquement affirmé que cela affaiblissait et fragilisait le NFP. Mais il a déclaré que cela ne signait pas pour autant son acte de décès, et que le PS ne s’en était pas exclu. Sur la question des municipales, il s’est affirmé pour une unité de la gauche.
Les autres interventions
La parole a ensuite été donnée à la Réserve citoyenne, qui avait peu mobilisé ses militant·es pour l’AG. Elle avait pourtant participé à certaines réunions de la coordination. Elle a néanmoins manifesté sa volonté de contribuer à sa façon au développement à Marseille du Nouveau Front populaire.
Ont également été invités à parler ENSEMBLE! (un sous-titre de l’article du Monde reprend une formule de son intervention), GES (représentée par Hendrik Davi), L’APRÈS, GRS, le NPA, Génération·s et diverses petites organisations locales. Toutes ont affirmé à la fois une position unitaire très nette, et à l’exception de Génération·s leur soutien à la démarche des comités de Front populaire.
La parole à la salle
Puis la parole a été donnée à la salle pour de très courtes interventions. Nous avions été dépassé par le temps et par la durée des interventions des partis politiques, la plupart très supérieures au temps alloué… Dans le débat, sont intervenu·es des militant·es appartenant ou non à des organisations politiques (en particulier PS, Écologistes, ENSEMBLE! et PM).
Si exigence et inquiétude étaient palpables, l’enthousiasme aussi. Plusieurs interventions ont été axées sur les élections municipales de 2026. L’unité de la gauche à cette occasion est un enjeu majeur, à Marseille comme ailleurs. Si cela suscite encore des craintes, on ne saurait, au vu des débats, l’exclure.
Les perspectives
La présentation des initiatives à venir n’a pas pu être suivie de débats, faute de temps. Elles comportent principalement l’organisation d’un événement public qui devrait avoir lieu le 1er mars prochain, si possible d’ampleur régionale, mais cela représente un gros travail, à accomplie en un mois, et qui n’est qu’à peine commencé… Affaire à suivre !
En tous cas, s’il fallait s’en tenir à cet exemple, personne ne pourrait spéculer aujourd’hui sur la mort annoncée du Nouveau Front populaire.
Pour compléter, vous pouvez lire
- Dans la presse en ligne :
- Et sur notre site :
Notes
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