La mise en place et le développement de structures locales du Nouveau Front populaire est, pour notre mouvement, indispensable. Notre camarade Jean-Claude Mamet fournit un aperçu historique des expériences citoyennes d’Ivry-sur-Seine. Le compte rendu rédigé collectivement de la réunion du Front populaire ivryen du 5 septembre 2024 est disponible ensuite.
Assemblée du Nouveau Front populaire à Ivry-sur-Seine (94)
Par Jean-Claude Mamet. Le 15 septembre 2024.
Depuis la dissolution de l’Assemblée nationale, des militantes associatives d’Ivry-sur-Seine ont pris l’initiative d’une « assemblée populaire » d’abord dans une école, puis en direction des forces de gauche et citoyennes. Cette assemblée s’efforce de construire des initiatives locales et d’animer le débat national. Voir ci-dessous le compte rendu de la réunion du 12 septembre.
L’Assemblée se nomme « Front populaire ivryen », avec une boucle d’échanges WhatsApp de 380 personnes (environ). Elle a été impulsée au départ par des militantes du Collectif de parrainage des enfants sans toit d’Ivry (dont les parents mal logés ou menacés), la Fédération de parents d’élèves (FCPE) de l’école l’Orme-au-chat, le réseau éducation sans frontières (RESF), et des enseignant·es.
Réagir tous ensemble à la menace du RN est donc complètement dans la logique de cette mobilisation populaire.
Ajoutons quand même que ce n’est pas tout à fait un hasard si une Assemblée populaire ivryenne s’est mise en place, avec 380 personnes et deux réunions de débats depuis juillet.
En effet, depuis quelques années, plusieurs initiatives tentent d’impliquer les citoyens et citoyennes d’Ivry dans l’action politique. C’est une conviction partagée : si l’action politique reste l’apanage des partis constitués, alors on « loupe » un large pan de la population.
On sait que l’abstention aux élections, très élevée depuis longtemps, n’est pas forcément le résultat d’une dépolitisation. C’est souvent la conséquence d’une attente déçue. « Personne ne nous représente vraiment », entend-on. Ce phénomène est également observé dans les études d’opinion. Ce constat est bien évidemment corrélé aussi aux dérives et autres trahisons des gouvernements de gauche ayant réellement existé. Personne n’a la mémoire courte.
Le processus citoyen d’Ivry : une expérience construite
Ainsi, à Ivry-sur-Seine, mais aussi dans d’autres villes ou communes en France, des expériences citoyennes ont vu le jour. Un « collectif citoyen » de débats et d’action s’était mis en place, peu avant le mouvement des Gilets jaunes qu’il a soutenu.
Pour les élections municipales de 2020, un effort particulier a été développé. Il s’agissait qu’une liste rassemble, à la fois, des forces politiques de gauche et écologistes (PCF, Génération·s, ENSEMBLE!), mais aussi un « tiers » de candidatures « non encartées », avec des personnes volontaires et départagées par une votation dans les quartiers de la ville, avec des jeunes et moins jeunes.
La nécessité de fonctionner en « assemblée citoyenne » est une marque distinctive de la municipalité depuis 2020. Une commission est dédiée à la « démocratie » (avec un adjoint). Des propositions sont précédées de débats ouverts en amont, par exemple sur les mesures écologiques ou la réfection de certains quartiers.
Mais il n’existe pas encore – comme nous l’aurions souhaité dans la campagne électorale en 2020 – une institution permanente nommée « assemblée » sur les enjeux locaux ou nationaux.
La démarche citoyenne est sans cesse présente, mais doit se renouveler à la faveur des évènements. Il n’y a pas forcément de processus citoyen spontané. Le désir d’agir, bien présent, doit être entretenu et soutenu par des initiatives appropriées, ou par une volonté politique. Il est nécessaire qu’il y ait une interaction réciproque entre des forces politiques et la disponibilité des personnes, pour « entretenir la flamme » et répondre aux nécessités.
Ainsi lorsque la NUPES s’est créée, ENSEMBLE! et d’autres forces (notamment celles du « tiers citoyen » élu à la mairie, mais aussi Génération·s, des communistes, des militant·es de la France insoumise à titre individuel) ont tenté de faire vivre une « assemblée citoyenne ». Ils ont commencé d’abord sur Ivry-sur-Seine, puis à l’échelle de la 10ᵉ circonscription du Val-de-Marne, où Mathilde Panot est députée depuis 2017.
Deux ou trois réunions se sont tenues, mais on ne sentait ni de volonté politique nationale, ni vraiment locale non plus. Il fallait faire preuve d’un volontarisme extrême ! « À quoi bon », se disaient certain·es. Mais la démarche imprègne quand même la vie politique locale.
La démocratie nécessite du travail
Avec le coup de foudre de la dissolution, le lancement du Nouveau Front populaire national en deux jours par une initiative en ligne de François Ruffin, et simultanément un engagement très visible de forces syndicales et associatives nationales (CGT, FSU, Solidaires, Ligue des droits de l’Homme, Attac…), il s’est produit un déclic. Les expériences engagées à Ivry-sur-Seine depuis plusieurs années se sont en quelque sorte « cristallisées ».
Comme nous le décrivons plus haut, des militantes soutenues par des élu·es ont réussi une première réunion ouverte dans une école (de L’orme- aux- chats) où une action citoyenne et solidaire s’était développée pour « les enfants sans toit » et leurs parents.
Cette première équipe a appelé à une Assemblée constitutive du Nouveau Front populaire, sur la place de la mairie, en présence de Mathilde Panot, du maire de la ville Philippe Bouyssou (PCF, du courant Alternative communiste), d’ENSEMBLE!, de Génération·s, du NPA, de syndicalistes et de personnes mobilisées.
Les bruits de « purge » dans les rangs des député·es LFI parcouraient les réseaux sociaux. Ils inquiétaient ou révoltaient certaines personnes. Mais nous sentions aussi, dès le début, que Mathilde Panot pouvait être élue au premier tour !
À la fin de la semaine de la dissolution, nous avions évidemment participé à la manifestation appelée à Paris par les syndicats et les associations. Une liste électronique s’est construite. Une dynamique de type 1936 semblait se propager, expliquaient les militant·es aguerri·es.
La campagne électorale s’est construite en partie dans le « tous ensemble » et en partie par « affinités » politiques. Elle a combiné des groupes d’actions dans les quartiers de la ville et des moments en commun (meeting sur la circonscription, avec Mathilde Panot et tous les maires de gauche). La Fête (annuelle) d’Ivry-sur-Seine les 22 et 23 juin a été un grand week-end d’enthousiasme collectif.
Les débats sur la liste commune se sont poursuivis tout l’été.
Au moment où le Nouveau Front populaire se chamaillait au plan national pour trouver une figure consensuelle de Première ministre, un mini-rassemblement a eu lieu devant le local national du PS, dont le siège est à Ivry. À ce moment, c’est la direction du PS qui résistait à une personnalité proposée par le PCF et LFI. Pour les forces actives d’Ivry ou d’ailleurs, il fallait surtout avancer vite !
Au cours de l’été, des débats parfois vifs vont émailler la liste électronique, entrainant même des désinscriptions.
Les personnes rassemblées pour l’unité ne veulent pas assister à des polémiques inutiles (ou non argumentées), dénonciatrices ou « plus gauche que moi, tu meurs ». L’époque incertaine et angoissante que nous vivons dérive parfois très vite vers des éclats de voix ou de mails qui peuvent être destructeurs.
On le voit sur le plan national à satiété, donc aussi localement. Le respect de la diversité est essentiel. Il faut agréger les énergies et les idées, débattre des divergences, mais ne mettre personne au pied du mur par les procédés rhétoriques qui emballent les réseaux sociaux.
La démocratie collective est un outil précieux, mais qui demande du respect et du temps. Les forces nationales du Nouveau Front populaire doivent encourager le développement des assemblées sur tout le territoire.
La victoire est une alchimie complexe, une symbiose des apports de toutes les composantes, organisées ou non, sociales, citoyennes, politiques.
Le temps presse, mais l’esprit de responsabilité est d’autant plus nécessaire pour éviter des sorties de route.
Compte rendu Assemblée citoyenne du 5 septembre 2024
Être en « pour » plutôt qu’en « contre »
Nous étions une soixantaine de personnes et une vingtaine ont pris la parole. Ce compte rendu ne sera pas exhaustif, mais tentera de regrouper des interventions par thèmes.
La responsabilité des partis politiques composant le NFP
Il est proposé que soit rédigé une adresse aux partis du NFP qui réaffirme la volonté de prendre en compte toutes les composantes du NFP (partis, associations citoyennes, syndicats et citoyen.nes), en encourageant des assemblées citoyennes sur tout le territoire.
On pourrait aussi rencontrer les élu-es NFP du conseil départemental.
Les directions des partis ne sont pas les dépositaires de ce mouvement, mais doivent en être les portes parole, avec Lucie Castets.
Pour contrer le risque d’éclatement dû à la fragilité et aux « tensions » du NFP, les assemblées ont un rôle décisif à prendre.
Les partis doivent mettre au service des assemblées citoyennes leurs logistiques, leur expérience politique.
Un participant propose que le NFP mandate Lucie Castet pour travailler à l’élaboration du programme en vue des prochaines élections (soit avancées, soit en 2027), garantie pour une réelle alternative à une société ultra-libérale.
Cela rejoint d’autres interventions qui soulignent la nécessité de porter un projet pour une autre société et pas seulement contre le RN et la macronie.
La prise en comptes des citoyen.nes qui se sont engagé.es lors des élections et tout particulièrement des jeunes par des actions concrètes pour construire, mobiliser et partager.
De multiples intervenant·es ont souligné le besoin d’aller rapidement vers les gens, au-delà de l’outrage et de la sidération. Ayons le souci de résister à la démobilisation. Il est proposé des actions, nombreuses mais « qui ne s’excluent pas » :
- bas d’immeubles : recueillir la parole et les exigences des personnes (car « c’est nous la force ! ») ;
- réunions thématiques partant du quotidien des gens dans tous les quartiers. Par exemple : le logement social pourquoi, comment ; « les enjeux du budget » ;
- la mise à disposition d’une salle mensuellement ;
- la mise en commun et la transversalité des luttes (éducation, santé, transport, pouvoir d’achat, salaires, etc.) ;
- réunion de débats :
- a) pour déconstruire les discours du RN : mieux comprendre pourquoi des personnes votent RN, ou mettre en lumière (pour d’autres) le racisme systémique et s’interroger sur les responsabilités de la gauche ;
- b) ou encore débattre de la démocratie et de la république que nous voulons ;
- rédaction de projets de lois portés conjointement avec nos élu·es locaux·ales et nationaux·ales.
La structuration des assemblées citoyennes au niveau national et local
Plusieurs participant·es ont assisté à des assemblées en visio au niveau national. Pour autant, nous ne connaissons ni le nombre d’assemblées existantes ni leurs réalisations.
Il faut que notre assemblée locale s’inscrive dans le processus national.
Rendez-vous pris à la Fête de l’Humanité.
Pour compléter, vous pouvez lire sur notre site :