C’est un beau voyage qui a conduit le président Macron à Pékin !
Reçu par le maître de la puissante Chine, avec à ses côtés Madame Von Der Leyen, dont la seule présence, et toute dissonance ignorée entre les propos de l’une et l’autre, pouvait valider l’idée que le Président français avait autorité pour parler au nom de l’Union européenne, les médiocres querelles hexagonales pouvaient être comme oubliées.
Pourquoi ne pas espérer que Macron allait convaincre Xi d’intercéder auprès de Poutine pour que celui-ci lâche prise en Ukraine ?
Il suffit de croire que séduction vaut conviction, tout étant question de pouvoir.
Un enjeu qui vaudrait excuse d’une discrétion dès lors compréhensible à propos du respect des droits humains lorsqu’il s’agit des Ouïghour·es, des Hongkongais·es, de quelques autres opposant·es au régime… Et de ne pas troubler la sérénité du moment, en s’appesantissant sur l’avenir de Taïwan.
Bref, tout allait pour le mieux, dans ce monde qui sans être le meilleur est celui avec lequel il faut faire, et affaires…
Mais voilà que Macron, une nouvelle fois, n’a pu résister à son goût des déclarations disruptives, quitte à gâcher les bénéfices du voyage par un mauvais retour. Dans l’avion, il a fait part à quelques journalistes accrédités de ses réflexions au sujet de Taïwan, de la Chine, des États-Unis, de l’Europe, et ce, sans s’encombrer de précautions diplomatiques à la sauce Quai d’Orsay.
Un vrai festival ! Nous, Européens, dans la confrontation entre Pékin et Washington, n’avons pas à être suivistes… De même que les Européens, les Chinois aussi sont préoccupés par leur unité, et Taiwan, « de leur point de vue », en est une composante. L’Europe n’a pas à être prise dans « des crises qui ne seraient pas les nôtres »… Bref, Taïwan étant en Asie, et l’Ukraine en Europe, chacun chez soi ! Et de conclure qu’à un moment donné, nous devons nous poser « la question de notre intérêt »…
Certes, Macron est un habitué des formules péremptoires au risque de dérapage : l’OTAN « en mort cérébrale », l’impératif par rapport à l’Ukraine de « ne pas humilier la Russie »… À chaque fois au grand dam de certains partenaires européens. Qu’importe !
Cette fois, un cran est franchi.
À l’heure même où Pékin engageait une simulation de guerre contre Taïwan, osé de considérer que ce qui se joue là-bas ne concerne que les États-Unis et la Chine. Et peut-être aussi Taïwan (qui, de son point de vue, n’est pas une composante de la Chine) ? En tout état de cause, difficile de décréter que « notre intérêt » n’est pas en jeu.
Une fois de plus, Macron devrait admettre que dire ce qui lui passe par la tête n’est pas nécessairement l’expression des intérêts de la France, ni a fortiori ceux de l’Europe.
Francis SITEL
13 avril 2023
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