Le procès d’Oleg Orlov – coprésident du Centre de Défense des Droits Humains (CDDH) Memorial – s’est achevé lundi 26 février 2024 au tribunal Golovinsky de Moscou. L’audience du lundi 26 février 2024 était consacrée au réquisitoire et aux plaidoiries de la défense, puis Oleg Orlov a prononcé son « dernier mot ». Il nous a semblé utile de le faire connaitre.

Oleg Orlov prononce ses « derniers mots » suite à un procès Kafkaïen

Par Memorial France, le 26 février 2024.

Aujourd’hui s’est achevé le procès contre Oleg Orlov, co-président du Centre de défense des droits humains « Memorial », au tribunal Golovinsky de Moscou. L’audience du jour (voir le LIVE TWEET ici) était consacrée au réquisitoire et aux plaidoiries de la défense, puis Oleg Orlov a prononcé son « dernier mot », que nous reproduisons en intégralité ci-dessous. Le verdict [a été] rendu [le] 27 février à 10h, heure de Paris.

Rappelons qu’Oleg Orlov est poursuivi pour « discrédit répété des forces armées russes » de l’armée pour avoir publié un article contre la guerre dans Mediapart. Le 11 octobre dernier, le tribunal l’avait condamné à une amende de 150 000 roubles. En appel, le 14 décembre, ce jugement a été annulé et renvoyé pour complément d’enquête. Aujourd’hui débute donc un nouveau procès, avec des charges renforcées par de prétendues circonstances aggravantes.

Selon l’accusation, les actes d’Orlov auraient été motivés par une « hostilité idéologique aux valeurs traditionnelles, spirituelles, patriotiques et morales de la Russie », et par une haine envers le groupe social des « soldats des forces armées de la Fédération de Russie ». L’accusation a requis 2 ans et 11 mois de détention.

Lors des deux premières audiences, Oleg Orlov a fait part de sa décision d’interdire à son avocate, Katerina Tertukhina, de faire appeler des témoins. Il a également déclaré qu’il garderait le silence dans un procès politique dont l’issue est déterminée à l’avance. Tout au long des débats, il a démonstrativement lu « Le Procès » de Frantz Kafka…

Déclaration finale d’Oleg Orlov

Le jour où ce procès s’est ouvert, la Russie et le monde ont été ébranlés par la terrible nouvelle de la mort d’Alexeï Navalny. Moi aussi, j’ai été ébranlé. J’ai même envisagé de renoncer à prononcer mon dernier mot : comment pourrais-je dire quoi que ce soit aujourd’hui, alors que nous sommes encore sous le choc de la nouvelle ? Puis je me suis dit que tout cela n’était que les maillons d’une même chaîne : la mort, ou plutôt l’assassinat d’Alexeï, les représailles judiciaires contre d’autres critiques du régime, y compris moi-même, l’étranglement de la liberté dans le pays, et l’invasion de l’Ukraine par les troupes russes. Et j’ai décidé de m’exprimer quand même.

Je n’ai commis aucun crime. Je suis jugé pour un article de presse dans lequel j’ai qualifié le régime politique établi en Russie de totalitaire et de fasciste. Cet article a été écrit il y a plus d’un an. À l’époque, certaines de mes connaissances pensaient que j’exagérais.

Mais aujourd’hui, il est évident que je n’exagérais pas. Dans notre pays, l’État contrôle à nouveau non seulement la vie sociale, politique et économique, mais il revendique également un contrôle total sur la culture, la pensée scientifique et envahit la vie privée. Il devient omniprésent.

Je vais énumérer un certain nombre d’événements disparates, différents à la fois par leur ampleur et leur caractère tragique :

          • les livres d’un certain nombre d’écrivains russes contemporains sont interdits en Russie ;
          • le mouvement LGBTI+, qui n’existe pas, a été interdit, ce qui signifie en pratique une ingérence flagrante de l’État dans la vie privée des citoyens ;
          • à l’École des hautes études en sciences économiques, il est interdit aux candidats de citer des « agents de l’étranger ». Désormais, les candidats et les étudiants doivent étudier et mémoriser la liste des agents de l’étranger avant d’étudier leur matière ;
          • Boris Kagarlitsky, chercheur en sciences sociales et publiciste de gauche bien connu, a été condamné à cinq ans de prison pour quelques mots sur la guerre en Ukraine qui s’écartent de la position officielle ;
          • un homme que les propagandistes appellent « leader national », parlant du déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, a déclaré publiquement ce qui suit : « Après tout, les Polonais ONT FORCÉ A LES ATTAQUER, ils ont joué et ONT FORCÉ Hitler à déclencher la Seconde Guerre mondiale précisément contre eux. Pourquoi la guerre a-t-elle commencé en Pologne ? Il s’est avéré INTRANSIGEANTE. Hitler N’AVAIT PAS D’AUTRE CHOIX pour réaliser ses plans que de commencer par attaquer la Pologne ».

Comment devrions-nous appeler le système politique sous lequel toutes les choses que j’ai énumérées se produisent ? À mon avis, la réponse ne fait aucun doute. Et malheureusement, j’avais raison dans mon article. […]

Pour lire la suite de la déclaration d’Oleg Orlov…
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Liberté pour Oleg Orlov !

Déclaration de l’Association internationale Memorial

Le 27 février 2024, un tribunal russe a prononcé une peine injuste et absurde à l’encontre de l’un des fondateurs de Memorial, le défenseur des droits humains Oleg Orlov. En pleine salle d’audience, il a été menotté et condamné à deux ans et demi de détention. Oleg Orlov a été condamné pour avoir décrit avec justesse le système de Poutine, pour avoir appelé les choses par leur nom. L’ensemble du procès a été une farce qui rappelle « Le procès » de Kafka, livre qu’Orlov a lu pendant les audiences. Ales Bialiatski, lauréat du prix Nobel de la paix, est incarcéré dans une prison biélorusse depuis plusieurs années. Aujourd’hui, l’un des dirigeants de Memorial, lui aussi lauréat du prix Nobel, se trouve dans une prison russe.

Nous, membres des associations Memorial dans différents pays, protestons contre ce verdict. Nous appelons tout le monde à être solidaire et à soutenir Oleg Orlov.


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