Les objectifs affichés font pourtant consensus – promouvoir l’égalité, lutter contre l’échec scolaire -, mais certainement pas le contenu de la réforme. En décalage avec les pratiques enseignantes, avec les avis de nombreux chercheurs en didactique, les propositions concernant l’accompagnement personnalisé et les enseignements interdisciplinaires ne sont pas de nature à résoudre les difficultés des élèves, ni à réduire les inégalités. Au contraire, au lieu de s’interroger sur les obstacles générés par le système lui-même, il est question de s’adapter aux différences de niveaux et de se contenter de les accompagner. Avec l’autonomie accrue des établissements, les inégalités d’un collège à l’autre vont s’aggraver.
Mettre en place deux EPI par niveau de classe – ce qui suppose un grand temps de concertation entre collègues  -, organiser l’accompagnement personnalisé à tous les niveaux, se concerter avec les enseignants de primaire pour le cycle 3, s’approprier les nouveaux programmes pour les 4 années de collège, tout cela pour la rentrée 2016, la tâche s’avère gigantesque à qui veut suivre la ministre…
STOP ! Le système éducatif n’a pas besoin d’être réformé au gré de l’alternance politique. Il a besoin de stabilité, comme les équipes pédagogiques, qui doivent pouvoir dégager du temps de concertation, mettre en commun les démarches prometteuses, mener des recherches-action. Il a besoin d’outils d’évaluation qui soient mis entre toutes les mains, plutôt que de sauter d’une réforme à l’autre sans véritable bilan de la précédente.
À la question « ne sommes-nous pas face à un problème de démocratie quand un gouvernement tente de faire passer à tout prix une réforme contre l’avis majoritaire des enseignants », la seule réponse donnée est le renvoi au vote de la Loi de refondation de l’École en juillet 2013 par les députés (tiens…en pleines vacances scolaires). Argument d’autorité.
Mais qui doit décider de la façon dont on réforme le système éducatif pour qu’il réponde mieux aux enjeux de notre temps ? Les députés élus par moins de 50 % des citoyens, si on cumule les abstentions, les non-inscrits, les étrangers qui n’ont pas le droit de vote ? Ou celles et ceux qui chaque jour sont au cœur du métier ?
Enseignante, je revendique le pouvoir de décider avec mes collègues, avec les parents d’élèves, avec les équipes d’établissement, les IPR, les chercheurs en didactique et tous les acteurs du système éducatif. Je revendique le pouvoir de contribuer à la formulation d’un projet pour l’éducation nationale. Je revendique d’avoir du temps pour ce processus démocratique.
Si, au final, le dernier mot doit revenir aux députés pour qu’ils valident le projet construit en commun, il est temps de libérer le travail des acteurs du grand service public d’éducation.
Et pour enclencher ce processus, pas besoin d’attendre 2017.
Sylvie Larue