Malgré le racisme persistant, sur le terrain, des Voyageurs et Voyageuses – en premier lieu des femmes – luttent contre les discriminations qui touchent les « gens du voyage ». Elles se font de plus en plus entendre dans le mouvement antiraciste et social et montrent que la lutte paie.

Stop aux traitements indignes des gens du voyage

Par Pierre Cours-Salies, le 5 mai 2024

La minorité la plus stigmatisée

Dans l’actualité, un fait divers permet, une fois de plus, de pointer l’existence du racisme contre les « gens du voyage ».

La blessure par balle du chanteur Kendji Girac – d’origine gitane catalane – fait, en effet, l’objet de commentaires haineux en ligne et de clichés médiatiques. Sans doute l’enquête va-t-elle se conclure en montrant qu’il s’agit d’un simple fait-divers…

Il faudra en retenir que l’hostilité contre les « gens du voyage » perdure. Il s’agit d’une catégorie administrative, qui a succédé en 1969 à celle de « nomades ». Ce terme assez flou désigne couramment les Roms sans faire de distinction entre Gitans, Manouches, Sintés, Yéniches, etc. Dans les faits, il concerne toutes les personnes qui ont un mode de vie non sédentaire.

Ce qui leur est commun, c’est qu’elles sont tenues de ne stationner que sur des terrains dédiés, appelés aires d’accueil. Celles-ci sont encore inexistantes dans de trop nombreuses communes. Et, lorsque ces aires existent, elles sont trop souvent polluées et isolées1« Aires d’accueil – Les données ».

Les gens du voyage subissent, encore aujourd’hui, « le maintien du monde du voyage dans un régime de ségrégation territoriale et administrative, une mise sous tutelle étatique de citoyens français au prétexte qu’ils auraient un « mode de vie  » différent et un paternalisme associatif empêchant l’émergence d’un front de lutte uni de Voyageurs », expose l’anthropologue Lise Foisneau2Citée dans « « Nous défendre nous-mêmes » : ces femmes qui font avancer la lutte contre le racisme anti-« gens du voyage »».

N’oublions pas que « Les Roms restent la minorité la plus stigmatisée » d’après les rapports de la CNCDH (Commission de contrôle des droits de l’Homme). Rappelons-nous : la haine des nazis fût aussi grande contre les Tziganes que contre les Juifs… ou les communistes.

Une association de défense des droits

L’occasion est bonne pour faire connaître l’initiative de l’association Da So Vas (« entraide » en romani). « Le plus difficile pour les gens du voyage, c’est de savoir qu’ils ont des droits. Toute leur vie, ils se sont fait écraser, alors c’est dur de se relever et de les réclamer. Pourtant on est gens du voyage et français », souligne Sue-Ellen Demestre, qui en est la porte-parole.

Cette association – implantée dans la métropole lilloise – a été fondée en 2022 par des Voyageuses. Elle est issue de longues années de lutte par un groupe de femmes, dont Sue-Ellen, pour la justice environnementale sur l’aire d’Hellemmes-Ronchin. « On est la première association à nous défendre nous-mêmes. Quand on raconte notre combat dans d’autres villes, beaucoup de femmes nous disent qu’elles sont fières et voudraient faire de même. J’espère qu’on sera un exemple pour d’autres », raconte Sue-Ellen Demestre.

Le 12 avril, les femmes de Da So Vas ont organisé une « marche pour la dignité » dans le centre de Lille. En cause, une dégradation des relations avec les employés de la métropole intervenant sur les 17 aires d’accueil du territoire. L’association dénonce « une recrudescence du tutoiement, de menaces et intimidations, de sanctions injustifiées et expulsions arbitraires » sur lesquelles Streetpress a enquêté.

« Notre dignité est de jour en jour plus bafouée », résume Da So Vas dans une pétition qui a déjà recueilli plus de 15 000 signatures : « STOP aux traitements indignes des Gens du Voyage : Établissez notre charte de la dignité ».

La Défenseure des droits a, par ailleurs, été saisie sur quatre situations individuelles.

Il y a, de plus en plus, une réaction positive du mouvement antiraciste et la volonté de se former sur ces questions. Les gens sont conscients qu’il y a un problème dans les discours » autour desdits « gens du voyage ».

Et, il semble que, une fois encore, la lutte paie.

Voilà ce que les femmes de l’association viennent d’annoncer : « Après d’intenses négociations, nous avons obtenu des engagements sur nos demandes. C’est une première  victoire !! M.Castelain s’est engagé à réécrire le règlement intérieur des aires d’accueil pour les gens du voyage de la Métropole de Lille en intégrant 3 des 4 points réglementaires demandés dans notre charte. »3ON A ÉTÉ ENTENDU : M. CASTELAIN A PRIS DES ENGAGEMENTS. ON ATTEND LES ACTES !!.


Pour compléter, vous pouvez lire :

Vous pouvez signer et faire signer leur pétition : « STOP aux traitements indignes des Gens du Voyage : Établissez notre charte de la dignité ».

Notes