La liberté de circulation et d’installation des migrant·es était évoquée dans un précédent article de Jean-Paul Leroux sur notre site1Journée de travail sur les migrant·es. Les réactions à son texte ont amené notre camarade à revenir sur ce sujet.

Quelle ligne politique en matière d’immigration ?
Quelques éléments de réponse

Par Jean-Paul Leroux. Le 20 septembre 2023

Au sein de la « gauche » et d’ENSEMBLE! certain·es d’entre nous trouvent que nous serions « trop « idéalistes » sur la question de « la liberté totale de circulation » à travers les frontières, à commencer par celles de l’espace Schengen qui aurait dû l’être, mais que les diverses politiques d’un grand nombre de pays ont plus que limitée, et puis n’est-ce pas une cause du Brexit ?

Je crois déjà qu’il ne faut pas se tromper de niveau d’analyse.

La phrase de Kant qui se trouve dans un article du site d’ENSEMBLE! est prise comme exemple d’erreur grandiloquente : « la forme sphérique de la terre, nous oblige à nous supporter les uns à côté des autres, parce que nous ne saurions nous disperser à l’infini et qu’originairement l’un d’entre nous n’a pas plus de droit qu’un autre à une contrée. » Elle n’exprime pas la position d’ENSEMBLE! Elle est bien d’Emmanuel Kant dans son texte : « Vers la Paix Perpétuelle » (1795). Elle n’est pas un programme, elle décrit la condition anthropologique de l’humanité sur la terre. Elle est inattaquable : il n’y a pas de contradiction possible à celle-ci.

C’est d’ailleurs en son nom que Kant a répondu par avance à une objection possible : « la défense de ce droit à la liberté totale de circulation est-elle pas une arme à double tranchant : ne peut-on pas dire, par exemple, que c’est avec ce genre de maxime qu’on peut justifier le génocide des autochtones d’Amérique du nord et d’Australie ? » Or, Kant, au nom de cette phrase, condamne la colonisation des Amériques et d’ailleurs. Car cette phrase est, pour lui, la condition de possibilité ultime d’une paix sur la Terre. L’article 13 : « Toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l’intérieur d’un État », de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1949 y trouve son fondement.

Un autre niveau d’analyse concerne la situation actuelle. « Quid d’une politique migratoire sur le long terme ? » est-il demandé ? Certes, c’est là un problème complexe. Ce qu’il faut dire c’est que les politiques actuelles (France, Italie, Hongrie, Pologne, USA, etc.) sont un déni de la réalité. Elles agissent toutes, selon une proposition première jamais formulée : « il ne devrait pas y avoir de mouvements de population ». Mais l’homme est muni de pieds ! Il s’en sert historiquement et quotidiennement pour se déplacer, d’où l’occupation de l’ensemble de la planète et les mouvements actuels. La seule politique « réaliste » de ce point de vue serait de « couper » les pieds à toute l’humanité. Alors, il n’y aurait plus de déplacement ! Comme cette absurdité montre l’inconséquence du postulat de départ (il ne devrait pas y avoir de mouvements de population), pour faire une politique digne de ce nom, il faut admettre qu’il est « normal » qu’il y ait des mouvements de populations comme ce fût le cas historiquement. De plus, avec les guerres (demandons aux Ukrainien·es) et la crise climatique (30 millions de réfugié·es climatiques en 2022 !), etc. les mouvements de population non seulement ne vont pas s’arrêter, mais au contraire vont augmenter, que cela plaise ou pas aux Suédois, Polonais, etc. et aux électeurs d’extrême droite. Ce à quoi on assiste, ce n’est pas au grand remplacement, mais aux grands déplacements.

C’est sur cette base qu’il est nécessaire de développer un programme politique, car c’est la seule base réaliste. On peut la vouloir répressive. C’est ce qui se passe actuellement : des violences réelles (noyades : 30 000 en 9 ans par non-assistance à personnes en danger, push back, navire entraîné vers le fond, etc.) et des violences administratives (impossibilité de travailler, de se loger, mise en prison – CRA –, etc.), aux violences symboliques (remises d’OQTF alors que les personnes sont là depuis plus de cinq ans, etc.), tout est fait pour user physiquement et psychiquement les personnes en migration.

Lorsque j’entends parler d’appel d’air, vu les conditions désastreuses faites à l’immense majorité de ces personnes sous la houlette de Macron-Darmanin, j’ai juste envie de crier ; « mais vous êtes aveugles ! ». Ils mènent une politique de repoussoir, physique, psychique et de morts ! Force est de constater, et c’est heureux, que cette politique est en échec : les forces qui « poussent » les gens à la mobilité sont bien plus puissantes que ces pitoyables politiques répressives, inhumaines, créant honteusement un malheur programmé.

Pour lire la suite de l’article […]
Notes